Un an après le drame migratoire de Melilla, personne n’a été tenu responsable



Un an après le drame migratoire de Melilla, personne n’a été tenu responsable

Un an après le drame migratoire de Melilla, personne n’a été tenu responsable

Il y a un an, au moins 23 migrants trouvaient la mort en tentant d’entrer dans l’enclave espagnole de Melilla, située sur la côte nord du Maroc. Un drame qui reste à ce jour impuni, dénoncent les défenseurs des droits humains.

Malgré le tollé suscité par l’action des polices marocaine et espagnole, « l’impunité reste totale », dénonce Miguel Urban Crespo, eurodéputé espagnol de gauche radicale. De quoi créer un « précédent terrible pour l’Europe » et « pour l’Espagne », dit à l’AFP ce parlementaire, l’une des voix les plus critiques sur l’action du Maroc et de l’Espagne.

Le 24 juin, près de 2.000 clandestins originaires principalement du Soudan –pays très pauvre miné par les conflits– avaient tenté de pénétrer à Melilla, en prenant d’assaut la haute clôture séparant cette enclave espagnole de la ville marocaine de Nador.

Selon Rabat, 23 migrants ont trouvé la mort, soit le bilan le plus lourd jamais enregistré lors des tentatives d’intrusion dans cette enclave ou dans celle de Ceuta, les deux seules frontières de l’UE sur le continent africain.

L’ONG Amnesty International et des experts indépendants nommés par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU évoquent pour leur part un bilan d’au moins 37 morts alors que 76 migrants sont portés disparus, selon des groupes de défense des droits humains.

– Enquête close « prématurément » –

Pointés du doigt, le Maroc et l’Espagne ont nié tout usage excessif de la force et accusé les migrants d’avoir été « violents » envers leurs policiers. Selon Rabat, certains migrants sont morts en tombant de la clôture métallique, les autres ayant été étouffés dans des « bousculades ».

« On ne peut pas conclure que l’action des agents » espagnols « ait augmenté le risque pesant sur la vie et l’intégrité physique des migrants », a abondé fin décembre le parquet espagnol, qui a classé sans suite son enquête ouverte au lendemain du drame.

Pour le ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, fragilisé par l’affaire, cette décision a constitué un soulagement. Mais pour les associations de défense des droits humains, elle traduit un manque de volonté des deux voisins pour faire émerger la vérité.

D’après Amnesty, des migrants auraient en effet été aspergés de gaz lacrymogène et battus alors qu’ils se trouvaient au sol. Des accusations relayées par la BBC ou le consortium de journalistes Lighthouse Reports, qui ont dénoncé la brutalité des forces marocaines, vidéos à l’appui.

Pour Jon Iñarritu, député espagnol du parti séparatiste basque Bildu, qui s’est rendu à Melilla peu après la tragédie, l’enquête espagnole –qui n’a pas permis de faire la lumière sur le nombre exact de morts ou sur les raisons des décès– a été close « prématurément ».

« Il est évident que le gouvernement espagnol ne veut pas fâcher les autorités marocaines », juge l’élu, pour qui Madrid, qui s’est rabiboché l’an dernier avec Rabat, craint une riposte du Maroc, qui pourrait laisser passer les migrants, comme il a été accusé de l’avoir fait lors de précédentes tensions entre les deux pays.

Selon une source au sein du ministère marocain de l’Intérieur, aucune tentative de traversée illégale n’a été enregistrée vers Melilla via Nador en 2023 contre 16 avortées en 2022.

– « Obtenir justice » –

Au Maroc, le parquet de Nador a également ouvert une enquête qui n’a pas permis de déterminer la moindre responsabilité.

En revanche, 87 survivants du drame ont été condamnés, notamment pour « appartenance à une bande criminelle d’immigration clandestine », à des peines allant jusqu’à quatre ans de prison, selon l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH).

Omar Naji, son président à Nador, réclame l’ouverture d’une enquête indépendante car de nombreuses « questions restent en suspens », notamment sur le sort des disparus. Un avis partagé par Hassan Ammari, président de l’association marocaine d’Aide aux migrants en situation vulnérable (AMSV), pour qui des morts auraient « pu être évitée(s) si les ambulances étaient arrivées plus tôt ».

Cinq ONG espagnoles ont déposé une plainte la semaine dernière à Melilla dans l’espoir que s’ouvre un procès, « seule option qui reste aux survivants, aux victimes et à leurs familles pour connaître la vérité et obtenir justice », selon Helena Maleno, de l’ONG Caminando Fronteras.

Selon l’AMDH et les autorités marocaines, un seul des migrants décédés a pu être identifié et enterré par sa famille. Les autres sont toujours à la morgue de Nador, dans l’attente des résultats de tests ADN nécessaires pour les identifier.

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Avec La Libre Afrique

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