Suite au Dialogue Politique National de 1990, aux Accords de Paris de 1994, aux Accords d’Arambo de 2006, au Dialogue Politique d’Angondjé de 2017 et à la Concertation Politique de 2023, un nouveau Dialogue National Inclusif (DIN) débutera demain à Libreville, au Gabon.
Le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la transition gabonaise depuis son accession au pouvoir en août 2023 à la suite d’un coup d’État militaire, a lancé un dialogue national inclusif. Cette initiative a pour objectif d’amorcer une transition politique au Gabon et de rédiger une nouvelle constitution, en associant l’ensemble de la société gabonaise, y compris les communautés de la diaspora.
Les dialogues politiques au Gabon : un historique
Au cours des années, le Gabon a connu plusieurs dialogues politiques visant à résoudre les tensions et les conflits internes. Ces initiatives ont permis d’aborder des questions majeures telles que l’instauration du multipartisme, la création de la Cour constitutionnelle et l’élargissement des prérogatives du chef du gouvernement.
Néanmoins, le Parti démocratique gabonais, parti unique, est resté au pouvoir jusqu’en 2023, et la Constitution de 1991, issue de ces concertations, a été progressivement modifiée, parfois au détriment de ses principes démocratiques.
Le dialogue national inclusif prévu en avril 2024 s’inscrit dans la continuité de ces précédentes tentatives de dialogue politique. Il intervient dans un contexte de transition politique suite au coup d’État de 2023, avec l’ambition d’impulser une nouvelle dynamique démocratique au Gabon.
Dialogue national inclusif au Gabon : les points clés à retenir
Le 2 avril 2024, le Gabon initie un dialogue national inclusif à Libreville, qui se déroulera sur un mois. L’objectif est de favoriser la réconciliation entre les Gabonais et de définir les fondements de la future Constitution.
Les buts du DNI sont les suivants :
- Atténuer les tensions politiques et sociales suite au coup d’État du 30 août 2023.
- Réfléchir à l’avenir institutionnel du Gabon en prenant en compte les aspirations des diverses composantes de la société gabonaise.
- Élaborer une nouvelle Constitution qui reflète véritablement les valeurs démocratiques et les besoins du peuple gabonais, en mettant l’accent sur l’inclusion et la justice sociale.
Participants au DNI
- Représentants du gouvernement, couvrant l’ensemble des branches de l’administration publique.
- Partis politiques d’opposition, offrant une tribune de débat et de représentation pour l’ensemble des courants politiques du pays.
- Société civile, comprenant les organisations non gouvernementales, les groupes d’intérêt, les associations professionnelles et citoyennes.
- Organisations religieuses, ajoutant une dimension éthique et spirituelle au processus de dialogue et de construction nationale.
- Personnalités indépendantes, assurant une diversité de points de vue et d’expertises pour enrichir les discussions.
Déroulement du DNI
Phase 1 : Consultations (2-15 avril) — Des ateliers thématiques seront mis en place, offrant aux participants l’opportunité d’échanger sur des sujets essentiels tels que la forme de l’État, le système électoral, les droits et libertés, la décentralisation, la justice, la défense, l’économie, l’éducation, la santé et l’environnement. Ces discussions approfondies ont pour but d’identifier les priorités et les consensus au sein de la société gabonaise.
Phase 2 : Rédaction (16-25 avril) — Un comité de rédaction, constitué de représentants des différentes parties prenantes et soutenu par des experts en droit constitutionnel et en sciences politiques, sera responsable de synthétiser les contributions issues des consultations pour rédiger une nouvelle Constitution. L’objectif est de transformer les aspirations exprimées lors des débats en un cadre juridique robuste et inclusif.
Phase 3 : Validation (26-30 avril) — La nouvelle Constitution sera présentée au peuple gabonais pour un vote par référendum, permettant ainsi à chaque citoyen de contribuer à la définition des institutions et des règles fondamentales de la nation. Une campagne d’information complète sera menée pour expliquer les enjeux du référendum, et des observateurs internationaux seront conviés pour assurer la transparence et la légitimité du processus.
Organisation et participation
Le dialogue se tiendra du 02 au 30 avril 2024 à Libreville et Akanda, chef-lieu de la province de l’Estuaire depuis le 15 avril 2022, situé au nord-est de la capitale.
Le DIN est présidé par Mgr Jean-Patrick Iba-Ba, Archevêque métropolitain de Libreville, afin d’apporter une dimension éthique et morale indispensable à cette initiative.
À la suite de réclamations de la population, le nombre de participants a été augmenté à 600 (contre 580 initialement, avec 20 personnes supplémentaires ajoutées après les plaintes), assurant ainsi une représentativité élargie et une diversité de perspectives.
Plus de 38 000 contributions ont été collectées grâce à un appel à participation, démontrant l’engagement et la participation active des Gabonais dans ce processus de construction nationale.
Points d’interrogation
La participation de l’opposition est primordiale pour garantir la représentativité et la légitimité du processus. Bien que la présence de Jean Ping soit confirmée, il est considéré comme le véritable vainqueur des élections de 2016 face à Ali Bongo, les absences du Professeur Albert Ondo Ossa, vainqueur des élections présidentielles d’août 2023, et de Luc Bengone Nsi, surnommé « l’irréductible » pour son refus de compromis avec le pouvoir des « Bongo » père et fils, suscitent des interrogations.
Des efforts doivent être consentis pour favoriser une participation constructive de toutes les forces politiques du pays. La transparence et l’inclusivité du processus sont indispensables pour éviter toute tentative de manipulation ou d’instrumentalisation du dialogue à des fins partisanes. Des mécanismes de contrôle et de reddition de comptes doivent être instaurés pour assurer l’intégrité et la crédibilité du processus. La sécurité des participants est une préoccupation majeure dans un contexte politique tendu. Des mesures doivent être prises pour prévenir tout acte de violence et assurer un environnement sécurisé et propice au débat démocratique.
Les attentes du DNI
Le Dialogue National Inclusif (DNI) constitue un processus à la fois complexe et ambitieux, mais néanmoins essentiel pour consolider la démocratie et garantir la stabilité politique au Gabon. Son déroulement et ses conclusions feront l’objet d’une attention particulière, car ils auront des répercussions durables sur l’avenir du pays et sur sa gouvernance démocratique. En particulier, le DNI devrait favoriser un retour à un ordre constitutionnel fonctionnel et effectif.
Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME
1 avril 2024
@DworaczekBendome