Les héritiers de Mandela en grande difficulté en Afrique du Sud
Jacob Zuma, 81 ans, l’ancien président de la République Sud-Africaine (2009 – 2018), pourra être candidat aux législatives du 29 mai prochain malgré une condamnation à la prison en 2021.
Fin mars, pourtant, la commission électorale (IEC) avait invalidé sa candidature en rappelant les conditions d’éligibilité prévues par la Constitution qui prévoit notamment qu’une personne condamnée à une peine de prison supérieure à 12 mois ne peut être candidat.
L’ancien président de la République, qui avait passé dix ans dans la prison de Robben island, où était également détenu Nelson Mandela, est une figure emblématique de la lutte contre le régime de l’apartheid. Il avait été condamné en 2021 à 15 mois de prison pour outrage et il doit encore faire face à des poursuites pour des faits de corruption.
Mais Jacob Zuma est finalement resté moins de trois mois derrière les barreaux, bénéficiant d’une remise en liberté conditionnelle pour des raisons de santé. Une décision rapidement cassée par la plus haute juridiction du pays qui avait estimé que l’ancien président devait retourner en prison, obligeant l’actuel chef de l’État, Cyril Ramaphosa, à intervenir dans ce dossier afin d’obtenir une remise de peine.
Divorce au sommetMais le geste de l’actuel chef de l’État n’a pas empêché la justice d’invalider la candidature de Zuma, ni à l’ancien président de quitter l’ANC avec fracas pour rejoindre, en décembre dernier, les rangs de la jeune formation politique Umkhonto we Sizwe (MK).
Un parti qui ne cesse de gagner en visibilité et en popularité depuis ce ralliement et qui a saisi la justice à la fin du mois de mars 2024 pour faire annuler la décision d’invalidation de son candidat. Le verdict est tombé ce mardi 9 avril, Jacob Zuma est autorisé à se présenter aux législatives.
Mais le feuilleton juridico-politique n’est pas fini pour autant. Une véritable guerre de tranchées a été déclarée entre l’ANC et MK. Le parti au pouvoir a ainsi réclamé dans un premier temps que le MK soit rayé des listes des partis enregistrés pour le scrutin. Il a été débouté. Les avocats de l’ANC sont revenus à la charge en demandant que le parti de Zuma soit contraint de changer de nom et de logo en expliquant que “MK” était l’identité d’une branche armée de l’ANC au temps de la lutte contre le régime de l’apartheid. Les avocats dénoncent donc un “vol de propriété intellectuelle et de patrimoine”. La justice doit encore se prononcer.
Mais les supporters de MK, de plus en plus nombreux au fil de ces feuilletons juridiques très médiatisés en Afrique du Sud, ont lancé une campagne sur les réseaux sociaux, promettant “des émeutes comme jamais vu”, si la justice “sous emprise” devait se “plier” à la demande de l’ANC.
Des menaces qui ont poussé les autorités sud-africaines à appeler au calme, personne n’ayant oublié la capacité des supporters de Jacob Zuma de créer des troubles dans le pays, particulièrement dans la région du nord-est dont est originaire leur favori. L’incarcération de Jacob Zuma en 2021 avait provoqué des vagues d’émeutes et de pillages qui ont fait plus de 350 morts. Le pire bilan depuis la fin de l’apartheid.
L’ANC encaisseLe conflit entre l’ANC et Jacob Zuma, qui a conservé une base électorale importante, ne fait pas les affaires du parti au pouvoir qui perd de sa popularité sondage après sondage, affaire de corruption après constat de mégestion. Le parti de Nelson Mandela, habitué à dépasser les 60 % aux législatives, avait connu une première alerte en 2019, en passant pour la première fois sous cette barre (57,50 %) pour le premier mandat de Cyril Ramaphosa. Mais les derniers sondages, dont celui rendu public cette semaine par la Fondation de recherche sociale, sont bien plus catastrophiques. Le parti perdrait sa majorité absolue et serait même sous la barre des 40 %. Le dernier sondage promet 37 % à l’ANC, talonné par l’Alliance démocratique (DA – 30 %), tandis que MK, le parti de Zuma ne cesse de progresser et s’établit désormais autour des 13 %. L’ANC dégringole au rythme de la progression de MK.
Avec La Libre Afrique