Poutine, un invité embarrassant pour Cyril Ramaphosa

Poutine, un invité embarrassant pour Cyril Ramaphosa

Les Sud-Africains sont les hôtes du sommet des Brics en août. Le président russe, visé par un mandat d’arrêt de la CPI, est invité.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa l’a confirmé le 9 juillet, le sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) aura bien lieu en présentiel le mois prochain dans son pays. “Nous allons organiser ce sommet des Brics physiquement, nous nous sommes tous engagés à avoir un sommet où nous pourrons nous regarder dans les yeux”, a déclaré M. Ramaphosa.

Reste la question épineuse de la présence ou non du président russe Vladimir Poutine à ce sommet. L’hôte du Kremlin est visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) depuis la mi-mars pour le crime de guerre de “déportation” d’enfants ukrainiens dans le cadre de l’offensive de Moscou contre l’Ukraine. La ministre sud-africaine des Affaires étrangères Naledi Pandor a régulièrement répété qu’” une invitation a été adressée aux chefs d’État des cinq pays des Brics”.

L’Afrique du Sud, comme les 123 membres de la Cour Pénale internationale, a ratifié les statuts de l’institution. Elle devrait donc, selon ses juges, exécuter tous ses mandats d’arrêt. Un message qui ne fait pas l’unanimité parmi les juristes, certains assurant qu’un pays doit respecter l’immunité des chefs d’États qui n’ont pas adhéré à la Cour, comme c’est le cas de la Russie. La cheffe de la diplomatie sud-africaine a toujours refusé de s’exprimer sur une éventuelle arrestation du chef de l’État russe, se contentant de répéter que son pays étudie “les options juridiques”.

En avril dernier, M. Ramaphosa avait expliqué que le mandat d’arrêt de la CPI contre M. Poutine mettait” des bâtons dans les roues” de l’Afrique du Sud. Six semaines plus tard, au début du mois de juin, le gouvernement sud-africain a accordé l’immunité diplomatique aux responsables participant au sommet des Brics, assurant qu’il s’agit d’une mesure standard pour l’organisation de conférences internationales.

Pretoria joue sur tous les tableaux

Puissance diplomatique continentale, l’Afrique du Sud veut se présenter comme nation “neutre” pour être en mesure de “jouer un rôle dans la résolution des conflits entre la Russie et l’Ukraine”, a expliqué le président Ramaphosa qui a dirigé le mois dernier une délégation de chefs d’État africains (Afrique du Sud, Sénégal, République démocratique du Congo, Égypte, Ouganda) en Ukraine puis en Russie. Une mission qui n’a pas amené de résultats tangibles mais qui a fait vivre la voix du continent africain dans un conflit qui l’a fortement impacté économiquement, avec notamment une forte augmentation du prix des céréales. En Ukraine, en marge de ces discussions, certains ont rappelé à M. Ramaphosa les exercices militaires organisés avec la Russie et la Chine au large des côtes sud-africaines.

Pourquoi Ramaphosa a rencontré Shadary ?

Les liens entre l’Afrique du Sud et la Russie remontent à l’époque de l’apartheid, le Kremlin ayant apporté son soutien à l’ANC dans la lutte contre le régime raciste.

Le souvenir d’Omar Al-Bachir

L’Afrique du Sud a déjà été confrontée à une situation assez similaire en 2015 à l’occasion du 25e sommet de l’Union africaine. À l’époque, le gouvernement du président Jacob Zuma avait accordé à tous ses hôtes l’assurance écrite qu’ils seraient couverts par l’immunité diplomatique attachée à leur fonction. Parmi ces chefs d’État, Omar Al-Bachir, le président du Soudan sous le coup de deux mandats d’arrêt de la CPI pour génocide et crimes contre l’humanité.

À l’ouverture de ce sommet des chefs d’État à Johannesburg le 14 juin 2015, trois juges de la Haute Cour de Pretoria, saisis d’une plainte par l’organisation South Africa Litigation Center (SALC), avaient ordonné d’empêcher tout départ du président soudanais, le temps de délibérer. Le lendemain, ils demandaient l’arrestation d’Omar Al-Bachir, mais le président soudanais s’était esquivé. Un pied de nez qui amusait pourtant peu le président soudanais qui n’a pas caché sa rancœur vis-à-vis des autorités sud-africaines d’avoir été contraint de fuir en catimini, tandis que les juges de La Haye sommaient les autorités sud-africaines de venir s’expliquer et que le président Zuma devait affronter la colère de sa société civile pour ne pas avoir respecté les décisions de ses juges.

Une situation que ne veut plus revivre Pretoria, d’autant que Poutine n’est pas Al-Bachir, que le président Ramaphosa est en difficulté politique et que certains leaders politiques sud-africains, comme le tonitruant Julius Malema, n’hésitent pas à jeter de l’huile sur le feu en rappelant les liens historiques entre Moscou et Pretoria. Ramaphosa a beau jouer la carte de la sérénité à un mois de ce rendez-vous, il sait qu’il sera sous très haute tension si Vladimir Poutine entreprend ce voyage. Une provocation qui ne devrait pas déplaire au maître du Kremlin.

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Avec La Libre Afrique

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