La tension continue de croître au Tigré, alors que le processus de négociations entamé ces derniers mois semble bel et bien enterré. L’Érythrée voisine y a envoyé des troupes. Et c’est peut-être pour pallier l’absence de ses soldats qu’elle vient d’ordonner la mobilisation de ce qui s’appelle sur place « l’Armée populaire ».

L’ordre de mobilisation de « l’Armée populaire » envoyé ces derniers jours par les autorités d’Asmara suscite beaucoup de réactions, notamment dans la diaspora érythréenne.

La convocation officielle, selon plusieurs sources, stipule en effet que tous les « membres actifs » de cette armée devaient se présenter à leur unité, parfois dès jeudi à 6h30, sans considération d’âge, de situation personnelle ou médicale. Ils devaient se munir d’une couverture, de vêtements chauds, de rations de nourriture. Aucune exception n’était tolérée, ajoute ces sources. Les contrevenants exposaient leurs familles à des représailles.

Remplacer les soldats sur le front

Toutefois, cette mesure n’est pas si exceptionnelle que ça. Elle viserait surtout à remplacer les soldats envoyés sur le front. « C’est habituel, nuance ainsi le journaliste érythréen Amanuel Ghirmay, de Radio Erena. Tous les membres de cette milice qui étaient parvenues à y échapper sont appelés à regarnir les rangs. Le gouvernement fait ça souvent », dit-il. 

Cependant, affirme ce journaliste, « il y a eu des rafles importantes un peu partout en Erythrée, ce qui prouve qu’il se passe quelque chose. Mais c’est une habitude pour le régime érythréen de procéder à des mobilisations régulières, même quand il n’est pas engagé dans une guerre. Alors cette fois encore, c’est peut-être seulement une manoeuvre. Mais il est aussi possible qu’une partie des malchanceux soient envoyés au feu, si le président Issayas Afewerki perd du terrain dans les combats. Parce qu’aujourd’hui, la guerre s’est rallumée sur tous les fronts autour du Tigré ». 

Tout le monde est concerné

L’armée en Érythrée concerne tout le monde. Tous les civils en âge de porter l’uniforme sont, soit enrôlés à la sortie du lycée ou de l’université, soit susceptibles d’être appelés à tout moment. Et l’Armée populaire, appelée « Hizbawi Serawit », est un service obligatoire pour les civils un peu âgés, qui effectuent essentiellement des missions de surveillance ou de garde.

Les rafles visant au recrutement forcé de soldats, une pratique redoutée par les Érythréens depuis des années, « se sont multipliées » pendant la guerre en Éthiopie, dit le rapporteur spécial de l’ONU Mohamed Babiker. « Ils vont de maison en maison et prennent tout le monde, ne laissant que les mères derrière eux », raconte ainsi un Érythréen récemment revenu d’Asmara. Un autre, dont la famille a été raflée dans un village, explique qu’après que « tous les hommes » ont été arrêtés, seul un vieillard de 70 ans a été libéré. Les autres, dit-il, « ont tous été envoyés au Tigré ».

Ces coups de filet, appelés « giffa » en tigrinya, n’ont pas concerné que les résidents érythréens, explique-t-il. Des centaines de réfugiés, hommes et femmes, capturés dans les camps de Hitsats et Shimelba en Éthiopie pendant la guerre, ont été « maintenus en détention et contraints de retourner combattre », en compagnie des lycéens ayant achevé leur formation au camp militaire de Sawa où se déroule la dernière année d’éducation secondaire.

Parmi les combattants, le rapporteur spécial a aussi identifié des enfants « âgés de 16 ou 17 ans », sommairement entraînés et tués au combat. Mohamed Babiker évoque même des « rafles d’enfants » de 14 ans, sans que leurs parents n’aient jamais été informés.

RSA et RFI



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