Après avoir chanté en 2019 qu’il briguait son dernier mandat, Macky Sall affirme maintenant que le référendum constitutionnel de 2016 lui permet de se présenter à la présidentielle prochaine. Un rétropédalage qui fait penser à celui d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire.
Macky Sall se donne le temps de réfléchir
Dans une interview accordée au média français L’Express, le président sénégalais Macky Sall maintient le flou autour de sa candidature à la présidentielle de 2024. Après avoir affirmé haut et fort en 2019 qu’il briguait son deuxième et dernier mandat, il estime maintenant qu’il a le droit de se présenter pour la troisième fois.
Lors de cette entrevue, le chef de l’Etat sénégalais a d’abord commencé par jouer le rôle de Chronos en affirmant qu’il a « un agenda, un travail à faire » et qu’il avisera « le moment venu ». Puis il avancé sur le sujet en faisant remarquer que la question juridique de sa candidature est déjà réglée et que le débat actuel n’est plus que politique.
Il veut suivre sa « conviction du moment »
En effet, celui qui a été élu pour la première fois en 2012 pour un septennat considère que le référendum constitutionnel de 2016 rend intangible son premier mandat. Pour rappel, cette réforme a acté le passage au quinquennat au Sénégal. Quand L’Express lui rappel tout de même sa promesse de 2019 de ne pas se présenter pour une troisième fois, Macky Sall estime qu’il ne se dédit pas.
Le leader de l’Alliance pour la République (APR) parle plutôt de « conviction du moment ». Selon lui, une conviction peut « évoluer et les circonstances peuvent [l]’amener à changer de position ». Il ajoute que pour l’instant, il n’a pas déclaré sa candidature et qu’il ne faut pas lui faire dire ce qu’il n’a pas dit.
Des appels de militants à un troisième mandat
Ce revirement de Macky Sall rappelle le volte-face d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire. Elu en 2010 à l’issue d’une crise électorale sanglante, le président ivoirien avait promis de faire deux mandats conformément à la Constitution. Mais à partir de 2018, trois ans après sa réélection, il a changé de discours. Il disait alors qu’il aviserait au moment venu, mais que le référendum constitutionnel (contesté) de 2016 mettait les compteurs à zéro.
En d’autres termes, Alassane Ouattara ne faisait plus son second mandat mais son premier mandat de la troisième république. Pour ne pas donner l’impression de forcer, son parti politique, le RHDP, a activé ses relais pour faire croire que c’est tout le peuple ivoirien qui réclame qu’il continue pour son excellent travail.
Cette malhonnêteté à qualifier différemment un troisième mandat
Ensuite, à quelques mois de la présidentielle d’octobre 2020, le régime et ses sympathisants ont laissé tomber le masque pour multiplier les discours guerriers. Au Sénégal aussi, les militants et responsables du parti au pouvoir ont commencé à lancer des appels en faveur de ce qu’ils qualifient de « second quinquennat » du chef de l’État.
Macky Sall reconnait qu’au sein de son camp, les gens se sont déjà positionnés pour l’investir comme candidat. Peut-être bientôt auriez nous droit à des déclarations musclées ? On s’achemine clairement vers le scénario ivoirien. Le passage en force d’Alassane Ouattara, qui ne cache plus son désir de briguer un quatrième mandat en 2025, semble donc faire école.
Une opposition plus courageuse et déterminée au Sénégal
Mais l’opposition sénégalaise parait plus courageuse et déterminée que celle de la Côte d’Ivoire. Le Sénégal a également une société civile plus unie et plus puissante. Celle-ci dénonce une nouvelle candidature « illégale » et « immorale ». Elle met en garde contre des risques de troubles violents à venir dans le pays. Quant à l’opposition, elle a déjà lancé les hostilités la semaine dernière avec des manifestations violentes à Dakar.
Poussée à bout par un Macky Sall de plus en plus autoritaire, elle sonne la mobilisation en faveur de son leader Ousmane Sonko, poursuivi dans des affaires de viols présumés et de diffamation. Les opposants sénégalais accusent le pouvoir de vouloir l’écarter de la course à la présidentielle de février 2024. Comme Ouattara a fait pour les poids lourds de la politique ivoirienne en 2020. Mais que dit Emmanuel Macron de tout ceci ? Encore une fois, le « grand parrain » ne veut pas se mouiller et se contente de petites remontrances…
Avec Afric Telegrah