REPORT DE LA PRESIDENTIELLE AU SENEGAL : Quand Macky Sall plante un clou supplémentaire dans le cercueil de la CEDEAO  

Elle se savait mal en point dans l’opinion des populations du Sahel en proie au terrorisme et dirigées par des régimes militaires qu’elle essaie de mettre au pas en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel sur fond de sanctions. Mais elle n’a jamais renoncé à sa mission de gendarme de la démocratie dans son espace géographique. Elle, c’est la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui est déjà à la peine avec les transitions en cours au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger et qui est en passe, si ce n’est déjà fait, de se retrouver avec un autre dossier brûlant, suite au report de la présidentielle du 25 février prochain au Sénégal par le président Macky Sall.  Et les faits n’auraient certainement pas eu la même résonnance si le successeur d’Abdoulaye Wade n’était pas en fin de mandat et constitutionnellement disqualifié pour briguer un troisième mandat. Encore moins si le Sénégal n’avait pas le poids et la renommée de vitrine de la démocratie qui lui colle à la peau, au sein de l’organisation sous-régionale. C’est pourquoi, si le natif de Fatick a le mérite d’avoir solennellement renoncé à briguer un troisième mandat, la décision unilatérale et inopinée de reporter la présidentielle qui a été entérinée par le parlement le 5 février dernier, paraît pour le moins un coup de Jarnac dans le flanc de la démocratie.

 

Il est déplorable que le parlement sénégalais se soit conduit en caisse de résonance

 

Car, non seulement c’est un report qui profite directement au chef de l’Etat en lui permettant de prolonger son bail à la tête de l’Etat sénégalais. Mais aussi cette façon de troquer le boubou contre le treillis en vidant manu militari l’hémicycle des députés de l’opposition pour mieux voter la loi, n’est pas loin d’un passage en force qui en dit long sur ses intentions. Autrement, comment comprendre que le chef de l’Etat non candidat à sa propre succession, puisse prendre le contre-pied du Conseil constitutionnel dont les décisions sont sans appel, en reportant cette élection dont la liste officielle des candidats admis à concourir a été proclamée ? Et dans le cas d’espèce, il est encore plus déplorable que le parlement sénégalais se soit conduit en caisse de résonance en entérinant la décision contestée du chef de l’Etat. Car, si la dérogation à la Constitution est prévue par la loi, il reste que les compromis politiques doivent nécessairement faire l’objet de consensus pour emporter l’adhésion de la masse. Ce qui est loin d’être le cas au Sénégal où l’opposition a clairement traduit son désaccord avec cette décision qui restera dans l’histoire comme un grand recul de la démocratie au pays de la Teranga. Et qui met à rude épreuve l’une des démocraties les plus stables du continent, dans un contexte de retour en force des coups d’Etat dans la sous-région ouest-africaine. Au-delà, c’est une décision qui embarrasse la CEDEAO dans son combat pour ramener les « brebis égarées » des transitions en cours dans son espace géographique, dans l’enclos dans les meilleurs délais.

 

Avec la décision de Macky Sall qui passe pour un « coup d’Etat constitutionnel », la CEDEAO est vivement interpellée

 

Car, si un bon élève comme le Sénégal qui ne connaît pas de crise sécuritaire, peut avoir besoin au bas mot de dix mois pour organiser des élections au détour d’une crise politique artificiellement créée par le chef de l’Etat pour se maintenir au pouvoir, de quel bâton la CEDEAO peut-elle encore légitimement user contre les régimes en transition qui ont pour eux l’argument du terrorisme pour ne pas aller à des élections dans les délais exigés par l’organisation d’Abuja ?  Encore que de guerre lasse, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, regroupés au sein de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), ont solennellement pris la décision de se retirer de l’organisation communautaire qui est déjà fragilisée, et qui voit de facto le champ de son influence et de son autorité se réduire comme peau de chagrin si la question même de son avenir ne se pose pas avec acuité. Quoi qu’il en soit, avec la décision de Macky Sall qui passe pour un « coup d’Etat constitutionnel » aux yeux de l’opposition sénégalaise, c’est peu dire si la CEDEAO est vivement interpellée.  Mais déjà qu’elle a perdu toute crédibilité et toute légitimité aux yeux des populations du Sahel, que peut-elle encore dans cet épineux dossier sénégalais où le locataire du palais de la République a pris tout le monde au dépourvu ? En tout cas, sa marge de manœuvre paraît d’autant plus inexistante que la décision a déjà été entérinée par la représentation nationale. Autant dire qu’avec ce braconnage électoral, Macky Sall plante un clou supplémentaire dans le cercueil de la CEDEAO. Mais maintenant que le report de la présidentielle est officiellement acté jusqu’au 15 décembre prochain, la question qui se pose est de savoir si cela remet les compteurs du processus électoral à zéro et quelles pourraient en être les implications. On attend de voir.

 

« Le Pays »

 

 

 

 





Avec lepays.bf

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