À trois semaines du référendum constitutionnel, la contestation enfle au Gabon. La plateforme ‘Ensemble pour le Gabon’ dénonce une Constitution taillée sur mesure pour la junte militaire, et appelle au rejet du texte.
[POLITIQUE] — Par Anne Marie DWORACZEK-BENDOME – 29 octobre 2024
Le séisme politique qui secoue le Gabon prend une ampleur inédite à l’approche du référendum constitutionnel du 16 novembre 2024. Dans un réquisitoire cinglant prononcé hier à Libreville, la plateforme « Ensemble pour le Gabon« , menée par l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze — jadis figure emblématique du système déchu — fustige ouvertement ce qu’elle qualifie de « forfaiture constitutionnelle ». Un pavé dans la mare de la junte militaire qui expose au grand jour les fissures d’une transition de plus en plus contestée.
Un texte référendum constitutionnel discutable !
L’analyse minutieuse du projet constitutionnel par l’opposition met en lumière huit points de contestation majeurs. Au cœur des critiques figure la concentration excessive des pouvoirs entre les mains d’une seule personne, une disposition que la plateforme qualifie « d’inique« . Le timing serré de la consultation — seulement dix jours accordés aux citoyens pour étudier le texte — est particulièrement décrié comme une manœuvre délibérée visant à précipiter son adoption sans véritable débat public.
« La victoire de l’État de droit ne sera possible qu’en rejetant massivement ce projet lors du référendum du 16 novembre prochain. Ainsi, sera mise hors d’état de nuire, une Constitution taillée sur mesure et cousue de fil blanc », a déclaré Bilie-By-Nze, dans des propos qui illustrent la profondeur de la fracture politique actuelle.
Remise en cause de la légitimité transitionnelle
L’ancien Premier ministre va plus loin dans sa critique en qualifiant le coup d’État du 30 août 2023 de « crime imprescriptible contre le peuple gabonais« . Une position audacieuse qui tranche avec le narratif officiel d’une intervention militaire salvatrice. « Que l’on ne s’y méprenne pas. En aucune façon, l’irruption des militaires sur la scène politique, même si elle s’est faite sans effusion de sang, ne saurait être tenue pour salvatrice, car un crime reste un crime !« , affirme-t-il avec véhémence.
La plateforme « Ensemble pour le Gabon » soutient que la solution légale aurait été de publier les véritables résultats de l’élection d’août 2023, plutôt que d’installer un nouveau régime par la force. Une position qui ravive le débat sur la légitimité du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI).
Un processus constitutionnel contesté
Le processus d’élaboration de la nouvelle Constitution fait également l’objet de vives critiques. La plateforme dénonce « le fait que le projet de constitution du CTRI n’a jamais fait l’objet d’une communication massive et transparente aux Gabonaises et aux Gabonais« . Cette opacité présumée alimente les suspicions d’une manœuvre politique visant à consolider le pouvoir actuel plutôt qu’à établir un véritable État de droit.
« Le CTRI et ses alliés ont préféré la dissimulation, la perfidie et la tromperie pour faire valider au peuple, dans un simulacre de scrutin référendaire, une constitution dont le contenu, sans âme, ne vise qu’à la confiscation du pouvoir« , accuse la plateforme dans sa déclaration.
Les enjeux d’un scrutin crucial
L’appel au rejet du texte constitutionnel s’inscrit dans un contexte politique plus large. Pour l’opposition, ce référendum représente une opportunité cruciale de réorienter la transition politique du pays. « Puisqu’ils ont été incapables de produire le changement attendu, il nous revient à nous, peuple gabonais, d’y pourvoir en disant nettement et massivement ‘non’ au référendum du 16 novembre 2024« , exhorte Bilie-By-Nze.
La critique du processus constitutionnel met également en lumière les tensions persistantes entre les différentes factions politiques du pays. L’opposition accuse le pouvoir de transition d’orchestrer un « vaste complot ourdi contre le Gabon et son peuple« , une accusation qui souligne la profondeur de la méfiance politique actuelle.
Perspectives et implications
À moins de trois semaines du scrutin référendaire, cette prise de position de « Ensemble pour le Gabon » pourrait influencer significativement le débat public. La capacité de la plateforme à mobiliser ses partisans et à convaincre les indécis sera déterminante pour l’issue du vote.
Ce référendum constitutionnel apparaît désormais comme un moment charnière pour l’avenir politique du Gabon. Au-delà du simple vote sur un texte constitutionnel, il représente un véritable test pour la légitimité du processus de transition et pourrait redéfinir les rapports de force au sein de la classe politique gabonaise.