RDC : A 200 jours de la présidentielle, le régime Tshisekedi plonge en pleine répression
Manifestations réprimées, opposants arrêtés ou empêchés de voyager. Les prochaines semaines s’annoncent compliquées en RDC.
J-200. Les Congolais seront invités à se rendre dans les bureaux de vote dans 200 jours pour élire leur nouveau Parlement et leur président de la République. À moins de 7 mois de cette échéance, le climat politique s’est subitement tendu en RDC, les manifestations de l’opposition ont été violemment réprimées quand elles n’ont pas été simplement interdites et les leaders de l’opposition empêchés de voyager dans le pays.
Au centre de toutes ces attentions et inquiétudes du régime de Félix Tshisekedi, la personnalité de Moïse Katumbi, président du parti Ensemble pour la République, ancien gouverneur du Katanga et candidat empêché de s’inscrire à la présidentielle de 2018 par le pouvoir de Joseph Kabila. L’homme, également président du plus grand club de football congolais, a conservé sa popularité dans tout le pays. Il apparaît toujours comme le champion de l’est swahilophone de la République démocratique du Congo, tout en ayant démontré lors de son récent séjour à Kinshasa, sa capacité à fédérer également à l’ouest. Face à cette démonstration de popularité, les autorités congolaises n’ont eu d’autres réponses que d’interdire au candidat et à sa délégation, par des barrages policiers, de se rendre dans les provinces du Kongo central et du Kwilu, voisines de Kinshasa, avant de s’en prendre physiquement et violemment à son principal conseiller.
Enlèvement en plein jour
Mardi 30 mai, en effet, alors que Moïse Katumbi se préparait à quitter Kinshasa en direction de Lubumbashi dans le Haut-Katanga, son conseiller spécial Salomon Kalonda a été enlevé sans ménagement sur le tarmac de l’aéroport par des hommes de la garde républicaine. Un véritable kidnapping en plein jour, digne des pires régimes autoritaires.
Plus de 72 heures après les faits, Salomon Kalonda est toujours en détention sans avoir vu le moindre juge, sans avoir pu s’entretenir avec ses avocats, ni être informé des motifs de son arrestation. “Outre l’inacceptable modus operandi de l’arrestation, en droit congolais, la durée de la garde à vue est de 48 heures au maximum. Sans possibilité de renouvellement, explique un avocat pénaliste de Kinshasa. À l’expiration de ce délai, l’individu placé en garde à vue doit obligatoirement être relâché ou conduit devant le magistrat du parquet. Sans perdre de vue, évidemment, que toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre elle”, poursuit-il.
La justice congolaise n’a respecté aucun de ces prescrits dans ce dossier poussant nombre d’ONG ou de mouvements de défense des droits de l’homme, mais aussi l’Église catholique congolaise, à condamner cette arrestation musclée. Pour l’ONG “la Voix des sans voix”, dirigée un temps par Floribert Chebeya, “L’interpellation frisant un quasi-enlèvement de Monsieur Salomon Kalonda […] choque, désillusionne et révolte les consciences des Congolaises et Congolais qui s’attendaient à vivre continuellement dans un État de droit sous le règne du Président Felix-Antoine Tshisekedi.”
Les catholiques repartent en croisade
L’Église catholique, par la voix de Monseigneur Donatien Nshole, le secrétaire général de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (Cenco) a évoqué dans une interview télévisée “la façon rétrograde dont il a été arrêté. Ce n’est pas digne d’un État de droit. Je ne me prononce pas sur les faits éventuels qui lui sont reprochés. Mais la façon de faire est inacceptable”.
CLC- COMMUNIQUE DU 29 MAI 2023 (3)
Le Comité Laïc de coordination (CLC – catholique) est allé un pas plus loin face à la rapide détérioration du climat politique et sécuritaire dans le pays à l’approche des scrutins dont l’organisation par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) est également de plus en plus contestée. Le CLC appelle à la mise en place “de mécanisme de sanctions contre toutes les autorités dont le rôle néfaste constitue clairement une entrave à la démocratie et au processus électoral”. Il pointe aussi l’apparition de la milice du parti présidentiel avec des hommes armés de machettes agissant en toute impunité au côté de la police.
La Dynamique des mouvements citoyens, qui regroupe notamment des organisations comme “La Lucha”, “Filimbi” ou “Les Congolais debout”, a aussi pris position face aux dérives du régime. Elle appelle notamment les “pays soucieux et concernés par la crise scandaleuse que subit le Congo à se placer du côté du peuple congolais dans sa lutte acharnée pour la tenue d’élections transparentes, crédibles, apaisées, démocratiques et inclusives en 2023. Ces pays sont vivement encouragés à envisager de prendre des sanctions ciblées contre les responsables politiques et militaires qui sont investis pour organiser des élections bâclées et qui violent les libertés publiques à travers la répression”.
Bloc diplomatique occidental
Comme une réponse à cet appel, les ambassadeurs des pays de l’Union européenne, mais également du Japon, de la Norvège, de la Suisse, du Royaume-Uni et des États-Unis ont publié ce vendredi un rare communiqué conjoint pour appeler le régime et la Ceni à organiser un processus électoral crédible et inclusif qui réponde aux attentes des Congolais. Un communiqué qui souligne l’inquiétude de ces pays face aux préparatifs chaotiques du scrutin et au raidissement du pouvoir alors que de nouvelles séquences de violences policières étaient enregistrées à Kinshasa et Lubumbashi.
Dans la capitale du pays, c’est la Fondation Laurent Désiré Kabila qui a été mise à sac pendant la nuit de jeudi à vendredi, tandis qu’à Lubumbashi, sous l’œil des caméras de surveillance, une réunion des membres du parti de Moïse Katumbi a été assiégée par la police. Les images des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux montrent une poignée de policiers en train de jeter des pierres à l’intérieur de l’enceinte où étaient réunis les membres du parti Ensemble pour la République.
La RDC s’enfonce rapidement dans une crise profonde qui rappelle que chaque passage par les urnes depuis le retour de l’élection présidentielle en 2006 a systématiquement été marqué par des épisodes de violence. Jusqu’ici, le régime de Félix Tshisekedi ne semble pas capable d’empêcher la répétition de ce cycle de violence, pis il apparaît de plus en plus comme le principal responsable de cette détérioration.
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Avec La Libre Afrique