Le Gabon se dirige vers un scrutin décisif : l’élection présidentielle du 12 avril 2025. Alors que les alliances se recomposent au gré des intérêts, les revirements stratégiques se multiplient, et les doutes persistent quant à la capacité des dirigeants à répondre aux aspirations d’un peuple en quête de changement. Brice Clotaire Oligui Nguema, actuel président de la Transition, incarne cette ambivalence, suscitant autant d’espoirs que de scepticisme. Parmi ses soutiens notables, Jean Eyeghe Ndong, une figure dont le parcours tortueux et les volte-face politiques alimentent controverses et interrogations.
Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME | Journaliste
Un soutien stratégique mais controversé
Jean Eyeghe Ndong, ancien Premier ministre sous Omar Bongo (2006-2009) puis Haut-Commissaire de la République sous Ali Bongo (mars-août 2023), a rallié Brice Clotaire Oligui Nguema. Ce soutien vise à crédibiliser la candidature du président de la Transition auprès des vestiges du régime précédent. Cependant, il n’est pas le seul. Le regroupement autour de l’homme du 30 août 2023, concerne un grand nombre de personnalités de l’ancien des Bongo-père et fils. Mais cette alliance n’est pas sans zones d’ombre.
En 2009, Eyeghe Ndong, alors opposant farouche, contestait l’investiture d’Ali Bongo et se présentait à la présidentielle comme candidat indépendant. En 2023, il réintégrait le PDG, démontrant une fois de plus une capacité déconcertante à naviguer entre les camps. Ces volte-face successives alimentent les accusations d’opportunisme politique. Pire encore, la nomination de sa compagne officielle, Marie-Annie Flore Zouga Nguema Epse Eyeghe Ndong, au poste stratégique de Conseillère spéciale du président de la Transition, confirme les soupçons de népotisme et de favoritisme familial.
Certains tenteront de justifier ces rapprochements en invoquant la nécessité de rassembler les forces vives de la nation dans un pays gangrené par les clivages ethniques et politiques. Mais cette rhétorique ne peut masquer l’évidence : ces alliances semblent bien plus motivées par des intérêts personnels que par une volonté sincère de servir l’intérêt général. Reste à savoir si elles permettront véritablement de répondre aux aspirations populaires ou si elles ne font que perpétuer un système corrompu et autocentré.
Parcours politique
Né le 12 février 1946 à Libreville, Jean Eyeghe Ndong incarne à lui seuls les paradoxes d’une classe politique gabonaise en perpétuelle réinvention. Premier ministre sous Omar Bongo (2006-2009), membre du Front uni de l’opposition pour l’alternance (FUOPA), puis Haut-Commissaire de la République sous Ali Bongo, son parcours est une véritable danse des chaises musicales politiques. Son discours émouvant lors des funérailles d’Omar Bongo en 2009 lui avait valu une aura de leader charismatique. Mais cette image, soigneusement entretenue, s’est depuis effritée, révélant un opportunisme à peine voilé.
Accusation de népotisme
La nomination de Marie-Annie Flore Zouga Nguema Epse Eyeghe Ndong au poste de Conseillère spéciale a suscité une vive polémique. Pour ses détracteurs, il s’agit d’un cas d’école de népotisme, un recyclage des mêmes noms dans les rouages du pouvoir. Ses défenseurs, eux, mettent en avant son expérience administrative, tentant de justifier cette décision par des arguments d’efficacité. Mais derrière cette controverse se profile une question plus accablante : comment renouveler une élite politique sclérosée sans reproduire les mêmes schémas claniques et autoritaires ?
Un Système à réformer
Le Gabon peine à se libérer des chaînes d’un système politique corrompu et sclérosé, où seuls les mêmes clans s’enrichissent depuis l’indépendance en 1960. Alternant entre autoritarisme éhonté et pseudo-démocratisation, le pays n’a jamais réussi à bâtir un régime véritablement inclusif. Les rênes du pouvoir restent fermement entre les mains d’une élite cupide, qui marginalise une population réduite au silence.
Continuité ou changement ?
En tant qu’observateur engagé dans le débat public gabonais, mon rôle est de poser des questions qui fâchent : Que voulons-nous vraiment pour le Gabon ? Quels critères retenir pour juger nos dirigeants ? Et surtout, comment briser ce cycle infernal où les mêmes erreurs se répètent inlassablement, comme une malédiction politique ?