Insécurité grandissante, violences en hausse, frontières fragilisées : les outre-mer crient à l’aide. Le rapport sénatorial sonne l’alarme et propose 38 mesures choc.
Politique/Sécurité publique | Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME | 23 janvier 2025
Une insécurité explosive
Au terme d’une année de mission, les sénateurs Philippe Bas (Les Républicains – Manche) et Victorin Lurel (Socialiste, Écologiste et Républicain – Guadeloupe), mandatés par la délégation sénatoriale aux outre-mer présidée par Micheline Jacques (Les Républicains – Saint-Barthélemy), tirent la sonnette d’alarme. Leur constat est sans appel : l’insécurité dans les départements et régions d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique et Mayotte) atteint un niveau critique. Ces territoires, bien que ne représentant que 4 % de la population française, concentrent des indicateurs de violence disproportionnés : 25 % des atteintes aux personnes, 30 % des homicides et 50 % des vols à main armée.
Depuis 2016, les chiffres ne cessent de grimper : +5 % d’homicides par an, +6 % de coups et blessures volontaires, et +14 % de violences intrafamiliales et sexuelles. En 2023, la situation s’est encore aggravée avec une hausse de 14 % des homicides et de 37 % des usages de stupéfiants. Les collectivités d’outre-mer comme la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française ou Saint-Martin ne sont pas épargnées. En Polynésie française, par exemple, les coups et blessures volontaires ont augmenté de 16 % en 2023, et les violences intrafamiliales de 11 %.
Cette dégradation multiforme, nourrie par des crises récurrentes (Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Martinique), révèle un État en difficulté sur ses missions fondamentales : sécurité, justice, protection des frontières. Les sénateurs pointent un sentiment d’abandon et une crise de confiance inédite parmi les populations locales. Face à cette urgence, leur rapport propose 38 recommandations pour inverser la tendance. Mais le temps presse : sans action rapide et déterminée, l’insécurité risque de devenir incontrôlable.
Des frontières sous pression
Mayotte et la Guyane illustrent les défis frontaliers. À Mayotte, 50 % de la population est étrangère, tandis qu’en Guyane, ce taux atteint un tiers. La porosité des frontières favorise l’immigration massive, le narcotrafique (50 % de la cocaïne saisie en France provient des Antilles-Guyane) et l’orpaillage illégal. Ces phénomènes exacerbent les tensions sociales et économiques, tout en fragilisant la souveraineté française. Le rapport propose un « rideau de fer » à Mayotte et un plan de modernisation des frontières sur cinq ans pour rétablir un contrôle efficace.
38 recommandations choc
Face à cette crise, le rapport sénatorial avance 38 mesures concrètes. Parmi elles : densifier les forces de sécurité, accélérer le « Plan 15 000 » pour les prisons, renforcer la police scientifique et rehausser l’encadrement judiciaire. La coopération régionale et une diplomatie dédiée aux outre-mer sont également prônées. Enfin, un durcissement de l’emploi des forces est recommandé, notamment contre l’orpaillage illégal en Guyane. L’objectif : redonner à l’État les moyens de ses missions régaliennes.
Une crise de confiance
L’État est perçu comme impuissant face à la dégradation des outre-mer. Les crises récurrentes à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Martinique nourrissent ce sentiment. Pour restaurer la confiance, le rapport insiste sur la centralité du préfet et la coordination des forces de sécurité (gendarmerie, police, armée, douane). Sans une réaffirmation claire de la souveraineté française, l’État risque de continuer à « arroser le sable« , selon les termes du rapport. L’urgence est là : agir vite et fort.
Les outre-mer sont à un point de rupture. Le rapport sénatorial (ESSENTIEL_2025-V23_janvier_2025) dresse un constat sans appel et propose des solutions ambitieuses. Reste à savoir si l’État aura la volonté politique et les moyens de les mettre en œuvre. Sans un « choc régalien« , ces territoires risquent de sombrer davantage dans l’insécurité et le désarroi.