La première assemblée générale de la Société des Nations se déroulait à la Salle de la Réformation, aujourd’hui disparue, il y a plus d’un siècle, le 15 novembre 1920.

Le lundi 15 novembre 1920, les rues et les grands hôtels de Genève ont vécu une vraie journée d’ébullition. La foule était au rendez-vous pour assister à un véritable ballet diplomatique, somme toute assez inédit pour l’époque: l’arrivée en ville des délégations d’une cinquantaine de pays.

Car l’enjeu est de taille: il s’agit de mettre sur les rails la Société des Nations, une nouvelle organisation émanant du traité des Versailles, signé en 1919 en vue de préserver la paix en Europe après la fin de la Première Guerre mondiale.

Mais pourquoi Genève a-t-elle été choisie il y a plus de 100 ans? 

La plupart des enjeux planétaires sont discutés à Genève, au Palais des Nations et au sein des autres organisations internationales, avant d’être tranchés à New York, au siège de l’Organisation des Nations Unies.

Il aura fallu attendre 57 ans! Ce n’est qu’en 2002 que la Suisse a fait son entrée à l’ONU. Voilà qui peut surprendre. Par contraste, il y a cent ans notre pays avait été l’un des membres fondateurs de la Société des Nations, c’est-à-dire le précurseur de l’ONU.

Et le conseiller fédéral Giuseppe Motta assura la présidence de l’assemblée générale en 1924 et 1925.

Le siège de la nouvelle Société des Nations (SDN) est en effet très convoité mais le Genevois Gustave Addor, grâce à ses réseaux protestants et humanitaires, va faire la différence. Plutôt que Paris ou Bruxelles, l’organisation choisit de s’installer dans la ville du bout du lac, dans l’ancien hôtel National rebaptisé Palais Wilson en hommage au président américain Woodrow Wilson, l’un des principaux promoteurs de la SDN, puis au Palais des Nations.

Et cette décision va transformer Genève en un véritable carrefour international, qui a perduré jusqu’à aujourd’hui.

L’âge d’or et le déclin

Dans les années 20, c’est l’âge d’or de la SDN avec des rencontres de grands hommes d’Etat à Genève, tous faisant le déplacement pour maintenir la paix. Puis c’est le déclin, ce qui fait dire à beaucoup que la SDN est un échec, car elle ne parvient pas empêcher l’ensemble des crises qui ont précédé la Deuxième Guerre mondiale, comme la guerre civile espagnole, l’agression italienne contre l’Ethiopie ou l’impérialisme japonais.

Puis la Société des Nations est impuissante face à l’annexion de l’Autriche par Hitler et aux menaces allemandes contre la Pologne. L’Allemagne, l’Italie et le Japon claquent la porte et la Seconde Guerre mondiale est déclarée sans qu’elle ne puisse intervenir.

La SDN est finalement dissoute en 1945 et sera remplacée par l’Organisation des Nations unies (ONU), qui reprend un certain nombre de ses agences et organismes. 

Au lendemain de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les États Unis d’Amérique, l’Union des républiques soviétiques (URSS), la République de Chine (dont le gouvernement était exilé à Taïwan), jusqu’à la reconnaissance de la Chine populaire, à l’aube des années 1970, la Grande-Bretagne et la France décidaient de créer l’Organisation des Nations Unies, une institution planétaire dont la mission devait installer la paix dans le monde et empêcher qu’un troisième conflit international ne fasse trembler les continents, chose que n’a pu assurer la Société Des Nations qui l’a précédée et qui avait les mêmes objectifs, sans les moyens et qui était trop axée sur l’Europe, bien que son promoteur essentiel était le président américain Woodrow Wilson.

Réunir le monde…mais sous quels critères ?

Près d’un an après la Première Guerre Mondiale, la Société des Nations naissait en 1920 à Versailles et on la logeait à Genève, la ville symbole de la neutralité de la Suisse. Symbole aussi de la dimension conciliante de cette organisation qui privilégiait la négociation et la voie diplomatique à la contrainte.

La preuve, elle n’a pu empêcher ni la guerre d’Espagne ni l’élargissement des empires coloniaux, encore moins arrêter des conflits ci et là et c’est tout naturellement que le Sénat américain a refusé la ratification le Traité de Versailles, empêchant les States de faire partie de la SDN et que Japonais, Italiens et Allemands s’en soient retirés, dès 1933. Jugée trop « tendre » et inefficiente, on retiendra la fameuse déclaration de Mussolini qui en dira : « la SDN est très efficace quand les moineaux crient…mais plus du tout quand les aigles attaquent ».

Elle ne sera, surtout, pas capable d’arrêter le projet de l’Allemagne nazie de Hitler ni le monde de se diviser et de s’affronter en deux blocs ; les forces de l’Axe, d’un côté et les Alliés, de l’autre, dans pratiquement un remake de la Première Guerre mondiale qui a été, pourtant, à l’origine et la raison de sa création.

Auréolés de la victoire et de la fin de la guerre (septembre 1945), avec la reddition du Japon, après l’écrasement des armées du Duché et du Führer, les cinq grandes puissances Alliées, occultant les « petits » pays européens, de l’Amérique latine et du nord, ainsi que l’Australie, décidaient immédiatement de mettre au frigo la Société des Nations (elles organiseront ses funérailles en 1946) et de créer, à la place, le 24 octobre 1945, l’Organisation des Nations Unies qui sera à leur mesure, par notamment l’accord sur le « droit de veto », dont elles seules disposent, en tant que membres permanents au Conseil de Sécurité, cet organe exécutif « fort » dont elles ont décidé et qui, seul, décrète les missions de maintien de la paix et de la sécurité dans le monde.

Pour camoufler cet « abus » -en fait, un tribut de guerre-, les « Cinq » ont élargi ce Conseil à six autres membres, non permanents, éligibles tous les deux ans par au moins les deux tiers de l’Assemblée générale, donnant la fausse impression que le « monde » participe aux prises de décisions de ce Conseil, habilité à voter pour des résolutions, à caractère contraignant et avec les effectifs conséquents, quand il le faut, pour faire appliquer ses décisions, à la condition, bien entendu, que l’un des cinq membres permanents n’oppose pas son véto.

Contestations et statuquo

L’effet de la victoire aidant, la représentativité des Cinq (USA, URSS, Chine, G-B et France) ne souffrait pas contestation dans la première moitié du 20è siècle, d’autant qu’ils constituaient plus que 50% de la population mondiale, en intégrant leurs territoires colonisés. Mais avec le mouvement de décolonisation et la poussée démographique en Afrique, en Asie et en Amérique latine, les cinq puissances se sont résolues à se plier à la contrainte de la répartition démographique et à accepter, le 17 décembre 1963, l’amendement de l’article 23 où l’Assemblée générale a porté de 11 à 15 les membres du Conseil de sécurité, sans toucher au nombre ni aux privilèges des « Cinq ». Ainsi, l’Afrique (3 membres), l’Asie, hors Chine (2), l’Amérique latine (2), Europe orientale (1), Europe occidentale -hors France et G-B- et reste du monde (2) seront, à partir de cet amendement, représentés au Conseil de sécurité.

Seulement avec l’éclatement de l’URSS, la démographie galopante, ailleurs que dans les pays des Cinq, ces derniers ne représentent plus que près de 30% de la population mondiale, dont 20% pour la seule Chine. Aussi les voix ce sont-elles mises à s’élever, notamment en Afrique qui contient plus de 18% de la population mondiale, pour contester la représentativité démographique et pour même remettre en question l’exclusivité du statut de permanents aux Cinq grands vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale.

C’est ainsi que l’ajout de six pays, en tant que membres permanents au Conseil de Sécurité, est-il devenu, depuis près de deux décennies, à l’ordre du jour. Une option à laquelle l’ancien Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, était favorable. Il s’agirait de l’Allemagne, du Brésil, de l’Inde, du Japon, de l’Afrique du Sud, le pays le plus prospère du Continent et de l’Egypte qui représentera autant l’Afrique que le monde arabe. Mais les nouveaux venus seraient des « permanents de catégorie inférieure », puisqu’en coulisses, les « Cinq » sont décidés à ne leur jamais accorder le droit de veto, le jour où ils accèderaient à la « permanence ». Ce qui est loin d’être acquis.

En effet, ce n’est un secret pour personne que la Chine et la Corée du Sud sont opposées à la candidature du Japon, le Pakistan à celle de l’Inde, le Mexique et l’Argentine à celle du Brésil. Pour sa part, l’Italie ne veut pas être le seul grand pays de l’Union européenne à ne pas disposer d’un siège permanent.

Quant au Nigeria, il conteste la présence de l’Egypte sur cette liste officieuse et veut lui aussi représenter l’Afrique, y étant le pays peuplé. Ces réticences sont nourries et cultivées, notamment par la France et les States, là où sont leurs zones d’influence. On ne partage pas ses prérogatives, encore moins ses privilèges.

Entre-temps, le Conseil de Sécurité fait figure d’organisme décisionnel mondial, malgré la flèche du droit au véto que les « Cinq » lui ont plantée dans le flanc et pour qui la représentativité est pratiquement un tabou dont ils préfèrent ne pas entendre parler… Mais jusqu’à quand ?

Regard Sur l’Afrique Par Tinno Bang Mbang et Slah Grichi 



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