Omar Sy s’illustre dans un bel hommage aux tirailleurs sénégalais
Mathieu Vadepied filme un père (Omar Sy) et son fils (Alassane Diong), enrôlés au Sénégal par l’armée française et expédiés dans la tourmente de la Grande Guerre. Un récit trop souvent oublié proposé en salles dès ce mercredi.
Mathieu Vadepied filme un père (Omar Sy) et son fils (Alassane Diong), enrôlés au Sénégal par l’armée française et expédiés dans la tourmente de la Grande Guerre. Un récit trop souvent oublié proposé en salles dès ce mercredi.
Lorsqu’il comprend que son fils ne pourra pas échapper aux « recruteurs » de l’armée française, Bakary Diallo (Omar Sy) se fait enrôler pour l’accompagner et le protéger ; faire en sorte que son fils puisse rentrer au Sénégal en vie. Débrouillard, Bakary cherche à toutes forces à tenir son fils éloigné du front. Mais flatté par l’attention que lui porte le lieutenant, qui souligne sa « vivacité d’esprit et son français impeccable », Thierno (Alassane Diong) se laisse séduire par l’idée de monter en grade et de se voir confier des missions de plus en plus périlleuses.
Au-delà de son statut d’adulte, il y voit l’ébauche d’une véritable « carrière » dans l’armée française ce qui lui permettra de changer de vie, il en est persuadé. De son côté, son père perçoit très vite l’absurdité de ces luttes de tranchées et croise la route d’un autre Sénégalais jamais à court d’idées lorsqu’il s’agit de tenter de fuir le front pour rentrer à Dakar.
L’Histoire de la guerre racontée par ceux qui l’ont vécue
A travers le parcours de ces trois hommes et de leurs frères d’armes, Mathieu Vadepied revisite l’histoire des tirailleurs africains qui, dans les faits, provenaient de tous les territoires de l’Afrique coloniale française. Créé en 1857, ce corps de militaires s’est illustré durant tout le 19e et le 20e siècles, participant à toutes les guerres, coloniales et autres, pour n’être dissous qu’en 1960. On parle de 200 000 combattants et 30 000 morts, rien que sur les champs de bataille de la Grande Guerre. L’Histoire ignore toujours le nombre de jeunes gens recrutés de force, parfois même avec violence.
Le choix du cinéaste est de placer ce récit à hauteur d’hommes, ces soldats immergés dans des combats insensés, disproportionnés et d’observer l’impact de cette folie en particulier sur la relation sobre et touchante d’un père et de son fils. Semblant évoluer en miroir de celle-ci, le jeune Belge Jonas Bloquet s’illustre dans le rôle d’un officier prêt à tout pour se distinguer et enfin lire de la fierté sur le visage de son père, le général.
La « contribution » des anciennes colonies
On salue la très belle idée qui consiste à faire jouer les tirailleurs en peul et en wolof (langues du Sénégal, répandues en Afrique de l’Ouest). Ce qui permet d’entendre leur point de vue et démontre à quel point les tirailleurs étaient éloignés de cette guerre qui ne les concernait en rien. En réalité, ils n’étaient pas tous Sénégalais mais originaires de Guinée, du Soudan, du Niger et du Sénégal – quatre anciennes colonies françaises – et chacun tentait désespérément de trouver son chemin dans ce conflit dit « mondial ». S’exprimant en peul, la langue de ses parents, Omar Sy disparaît d’autant mieux derrière son rôle de père protecteur et inquiet.
Une photographie soignée, baignée de nuances bleues et terra cotta, un cadre sombre et tourmenté sur lequel se dessinent les physionomies des hommes au combat. On est loin de la virtuosité technique du 1917 de Sam Mendès, mais la reconstitution fait mouche et complète le tableau déjà dressé par le film Indigènes de Rachid Bouchareb, centré sur le destin des tirailleurs issus du Maghreb. Plus de cent ans après les combats, certaines vérités doivent encore émerger des tranchées…
Karin Tshidimba
★★★ Tirailleurs Fresque intimiste De Mathieu Vadepied Scénario Mathieu Vadepied et Olivier Demangel Avec Omar Sy, Alassane Diong, Jonas Bloquet. Durée 1h40
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Avec La Libre Afrique