Mozambique : Cinq années d’insurrection au Cabo Delgado



Mozambique : Cinq années d’insurrection au Cabo Delgado

Mozambique : Cinq années d’insurrection au Cabo Delgado

Des milliers de morts, un million de déplacés et un prcessus d’apaisement toujours en difficulté malgré la présence de troupes de la SADEC et du Rwanda

En ce début du mois d’octobre, les forces rwandaises déployées au Mozambique (approximativement 2 000 hommes) pour lutter contre l’insurrection islamique qui a frappé le nord du pays, et en particulier la province du Cabo Delgado, ont décidé de communiquer. Un général rwandais, flanqué de son homologue mozambicain, fait visiter un village, situé à quelques kilomètres de la frontière tanzanienne.

Planté en bout de piste, celui-ci a servi de base pendant quelques mois aux shebabs qui ont fait allégeance à l’État islamique. Il leur permettait de lancer des opérations armées aussi bien au Mozambique qu’en Tanzanie.

Les militaires rwandais ont aujourd’hui sécurisé la place et tiennent à le montrer. Le déploiement des hommes du président Paul Kagame vise surtout à stabiliser la région où est implanté un méga projet gazier de la société française TotalEnergies. Les intérêts en jeu sont colossaux (près de 20 milliards d’euros) et le site est à l’arrêt depuis le mois de mars 2021… cinq mois avant l’arrivée des premiers militaires rwandais.

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Malgré cette accalmie et le départ des djihadistes, les baraquements flambant neufs du site devront encore attendre avant de voir arriver les premiers ouvriers qui mettront en branle le programme.

Un calme précaire

Les dirigeants de la compagnie française ont été clairs, ils ne reviendront sur place que lorsque tous les réfugiés qui ont fui la région seront de retour et que la paix sera assurée.

Si la démonstration rwandaise veut donner l’image d’une normalisation en cours et veut convaincre d’avoir sécurisé les districts de Palma et Mocimboa da Praia, foyers des djihadistes, les messages de certains services de renseignement et des ONG présents sur place sont nettement moins rassurants.

Si les djihadistes ont fui certaines de leurs bases, ils n’ont pas rendu les armes, explique en substance un homme du renseignement sud-africain. Même constat du côté de l’ONG américaine Acled, qui recense les incidents sécuritaires dans la région. Chassés de leurs bases, les shebabs se sont dispersés dans l’est et le sud de la province où ils continuent de mener des attaques régulières dans des zones jusqu’alors épargnées par les violences. Cette dispersion a fragmenté l’apparent front insurrectionnel qui s’est transformé en une multitude de petits groupes d’activistes (“rarement plus de cinq hommes”, selon une source zimbabwéenne) bien armés et très mobiles qui mènent des petites opérations commandos qui jusqu’ici sapent toute organisation militaire. “Ils sont très difficiles à détecter. Ces djihadistes vivent parfois au sein de petits villages qui les hébergent en échange d’une forme de non-agression et de quelques dons en vivres”, explique un ancien ministre du Zimbabwe qui insiste sur le fait que “ces combattants ne cherchent pas les affrontements face aux armées étrangères. Ils n’ont aucun scrupule à fuir. Ils connaissent le terrain et savent qu’ils reviendront. Il y a d’ailleurs très peu de chefs qui sont capturés”.

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Une armée nationale qui ne convainc pas

Dans ce contexte, les troupes rwandaises et les détachements envoyés par la communauté des États d’Afrique australe (Sadec) doivent aussi faire face à la défiance des populations locales à l’égard des troupes gouvernementales avec lesquelles ils sont amenés à travailler sur le terrain. Sous-équipés, sous-entraînés, sous-payés, les militaires locaux sont régulièrement accusés d’être à l’origine de violences contre les populations civiles. L’ONG Acled estime que 20 % des incidents recensés dans la zone sont attribués aux forces armées. De quoi compliquer l’action des troupes régionales et montrer toute la nécessité de réformer les forces de sécurité avant le départ de ces troupes étrangères.

Une population aux abois

En septembre, quatre attaques – toutes documentées sur les réseaux de propagande de l’État islamique – ont fait au moins 12 000 nouveaux déplacés sur un total estimé à un million de personnes jetées sur les routes depuis 2017, selon l’ONU. “Les djihadistes incendient quelques cases et les motos, ils raflent ce qu’ils trouvent et, surtout, ils sèment la panique et ils photographient et filment tout ce qu’ils font. Beaucoup de réfugiés sont sans cesse ballottés d’un camp de fortune à l’autre. À chaque fois, ils doivent abandonner le peu qu’ils ont”, constate un humanitaire actif dans la région.

Pour Tatiane Francisco, spécialiste en santé mentale pour Médecins sans frontières : “Lorsque vous êtes constamment dans cet état de peur, il est difficile de penser à l’avenir, il est difficile de planifier les choses. Vous vivez toujours en mode survie. Les gens vivent dans une sorte de vide depuis des années maintenant.”

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Avec La Libre Afrique

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