Le dimanche 20 octobre, la Moldavie a voté sur son adhésion à l’UE. Le « oui » l’emporte de justesse avec 50,08 %, révélant une nation profondément divisée. Ce résultat mitigé soulève des questions sur l’avenir politique du pays.
Par Anne Marie DWORACZEK-BENDOME | 21 octobre 2024
Un scrutin sous haute tension
Le référendum moldave sur l’adhésion à l’Union européenne s’est déroulé dans un climat de tension palpable. Avec une participation d’environ 50%, juste suffisante pour valider le scrutin, les citoyens moldaves ont exprimé leur vision de l’avenir du pays. Le dépouillement a été un véritable thriller politique, le « non » menant longtemps avant que le vote de la diaspora ne renverse la vapeur in extremis. Cette situation a mis en lumière les profondes divisions au sein de la société moldave, entre les partisans d’un rapprochement avec l’Occident et ceux privilégiant des liens plus étroits avec la Russie.
Le résultat final, avec 50,08 % pour le « oui » et 49,92 % pour le « non », illustre parfaitement ce clivage. Ce scénario rappelle étrangement le référendum britannique sur le Brexit de 2016, où une marge aussi étroite avait eu des conséquences considérables. En Moldavie, cette victoire à l’arraché du camp pro-européen pose la question de la légitimité et de la pérennité de cette décision, dans un pays où presque la moitié de la population s’est prononcée contre l’adhésion à l’UE.
Les accusations d’ingérence étrangère
Le processus référendaire a été entaché par de sérieuses allégations d’ingérence étrangère. La présidente Maia Sandu, fer de lance du mouvement pro-européen, n’a pas mâché ses mots en dénonçant l’implication de groupes criminels et de forces hostiles dans la manipulation du scrutin. Selon elle, des fonds massifs auraient été déployés pour influencer le vote, accompagnés d’une campagne de désinformation orchestrée. Ces accusations, bien que graves, ne sont pas sans précédent dans la région, où l’influence russe est souvent pointée du doigt lors de processus électoraux cruciaux.
Le Kremlin, pour sa part, a catégoriquement rejeté ces allégations, les qualifiant de sans fondement et exigeant des preuves concrètes. Cette situation met en lumière la vulnérabilité des démocraties émergentes face aux influences extérieures et soulève des questions sur l’intégrité du processus démocratique en Moldavie. La communauté internationale, et particulièrement l’Union européenne, se trouve maintenant dans une position délicate, devant à la fois reconnaître le résultat du référendum tout en prenant au sérieux les accusations d’ingérence qui pourraient compromettre sa légitimité.
Les conséquences politiques internes
Bien que le « oui » ait remporté le référendum, ce résultat serré est largement perçu comme un revers pour Maia Sandu et son agenda pro-européen. La présidente, qui avait fait de ce référendum un pilier de sa stratégie politique, se trouve maintenant dans une position précaire. Son image de leader capable de rassembler une majorité solide autour du projet européen a été écornée, ce qui pourrait avoir des répercussions significatives sur sa carrière politique. À l’approche du second tour de l’élection présidentielle, prévu pour le 3 novembre, Sandu fait face à un défi de taille. Son adversaire, Alexandr Stoianoglo, soutenu par les socialistes prorusses, pourrait capitaliser sur ce résultat mitigé pour renforcer sa position.
Le paysage politique moldave, déjà complexe, se trouve encore plus fragmenté, avec un risque accru de polarisation et d’instabilité gouvernementale. Les partis d’opposition, en particulier ceux favorables à un rapprochement avec la Russie, pourraient être galvanisés par ce résultat serré, remettant en question la légitimité du processus d’adhésion à l’UE et exigeant potentiellement un nouveau référendum dans un avenir proche.
Les perspectives pour la Moldavie
L’issue du référendum, bien que techniquement favorable à l’adhésion à l’UE, ouvre une période d’incertitude pour la Moldavie. Le pays se trouve à la croisée des chemins, tiraillé entre ses aspirations européennes et son héritage historique lié à la Russie. Cette situation géopolitique délicate pourrait avoir des répercussions sur les relations de la Moldavie avec ses voisins, notamment l’Ukraine, également engagée dans un processus de rapprochement avec l’UE, et la Roumanie, membre de l’UE partageant des liens culturels et linguistiques forts avec la Moldavie. Sur le plan économique, le résultat du référendum pourrait influencer les investissements étrangers et les programmes d’aide, avec des conséquences potentielles sur le développement du pays.
L’Union européenne, de son côté, devra naviguer avec précaution dans ses relations avec la Moldavie, en tenant compte de la forte opposition interne à l’adhésion. Le processus d’intégration, s’il se poursuit, risque d’être long et semé d’embûches, nécessitant des réformes profondes et un consensus national qui semble actuellement faire défaut. En fin de compte, l’avenir de la Moldavie dépendra de sa capacité à transcender ses divisions internes et à forger un consensus sur son orientation future, que ce soit vers l’Ouest ou l’Est.
DBnews