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 Félix Tshisekedi réussira-t-il là où ses prédécesseurs ont échoué?

En République démocratique du Congo (RDC), le président Félix Tshisekedi a décrété l’état de siège qui débute ce 6 mai 2021, en raison de l’insécurité qui prévaut dans le pays, notamment au Kivu et en Ituri, deux provinces fortement touchées par les violences et qui restent des nids de groupes armés qui y font la loi depuis des années. C’est dans ce sens qu’une administration militaire a été nommée en remplacement de l’administration civile, pour expérimenter la thérapie de choc que compte administrer le locataire du Palais de marbre à ces provinces orientales du pays, qui s’entêtent à vouloir rester en dehors de la République. Ainsi, le Général  Luboya Nkashama, nommé gouverneur-militaire du Nord-Kivu, et son homologue Constant Ndima Kongba qui prend les commandes de l’Ituri, devraient être installés dans leurs fonctions ce 6 mai. Ils seront aidés, dans leur tâche, par des officiers de police et de l’armée qui prendront le contrôle de tous les échelons administratifs dans ces provinces.

 

Une mesure qui n’avait que trop tardé

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le président Tshisekedi a pris à bras-le-corps le problème de l’insécurité en RDC, notamment la pacification de l’Est du pays, qui, soit dit en passant, était une promesse de campagne. La question que l’on pourrait alors se poser, est de savoir s’il réussira là où ses prédécesseurs ont échoué. La question est d’autant plus fondée que si l’insécurité dans l’Est de la RDC a aujourd’hui pour principal nom les ADF, ces rebelles musulmans ougandais des Forces démocratiques alliées ne sont pas au début de leurs exactions. En effet, selon certaines organisations internationales, ils ont à leur actif plus de 6300 assassinats, essentiellement des civils, depuis le début de leur activité en 1996. Ces mêmes chiffres les rendent coupables de l’assassinat de près d’un millier de civils depuis l’arrivée du président Félix Tshisekedi au pouvoir en 2019. Même l’offensive lancée contre eux, en octobre 2019, à l’initiative du chef de l’Etat, tarde à montrer ses fruits sur le terrain. C’est pourquoi, pour de nombreux Congolais, la récente proclamation de l’Etat de siège, est une mesure qui n’avait que trop tardé. Et tout le mal que l’on souhaite au président Tshisekedi, c’est de réussir à ramener la paix dans son pays. Car, le pays en a besoin pour son développement. Et, de toute évidence, le successeur de Joseph Kabila a plus à y gagner qu’à perdre. En effet, à quelques encablures de la présidentielle de 2023, il a intérêt à se montrer proche des masses s’il veut se donner les chances d’obtenir un second mandat. Et c’est peu de dire que cela pourrait être déterminant dans la course à l’échalote et lui valoir son pesant de voix dans la perspective d’un éventuel second mandat qu’il compte briguer. S’il échoue, il aura toujours l’excuse et au moins le mérite d’avoir essayé en s’attaquant frontalement à un mal pernicieux qui a survécu à bien de ses prédécesseurs. S’il réussit, non seulement il aura nettement mieux fait, mais aussi c’est le pays tout entier qui se réjouirait de pouvoir récolter les dividendes de la paix retrouvée dans cette partie du territoire qui ressemble aujourd’hui à un nid de scorpions où il ne fait pas bon de mettre les pieds.

 

L’autre défi est la question du DDR

 

Ce n’est pas le diplomate italien récemment tué par des hommes armés dans l’attaque d’un convoi humanitaire dans la zone, qui dirait post mortem, le contraire.  En tout état de cause, en prenant ces « mesures radicales » face à l’insécurité dans l’Est du pays pour pallier un tant soit peu ce qui ressemble à une absence de l’autorité de l’Etat, on espère que Fatshi a les moyens de sa politique. Mais s’il apparait évident que c’est un combat qui ne saurait être gagné sans le soutien de partenaires stratégiques comme la France à laquelle Félix Tshisekedi a réitéré son appel à l’aide lors de son récent séjour à l’Elysée, l’on est porté à croire que  cette lutte ne saurait non plus être gagnée sans le concours de ses voisins rwandais et ougandais avec qui il partage le destin  commun de la problématique de ces rébellions armées transfrontalières qui semblent avoir durablement élu domicile dans la forêt dense qui leur fait office de frontière commune et qui y ont développé une véritable économie du pillage. L’autre défi est la question du DDR (Désarmement, démobilisation, réinsertion) qui peine véritablement à prendre corps au moment où certains miliciens piaffent d’impatience de déposer les armes, à condition que la question de leur prise en charge soit résolue. C’est une piste à ne pas négliger en ce qu’elle pourrait être une solution durable pour une paix durable.

 

« Le Pays »