25 novembre : La France face à l'urgence des violences faites aux femmes.
25 novembre : La France face à l'urgence des violences faites aux femmes.

En France, 103 féminicides ont déjà été recensés en 2024, soit une femme tuée tous les trois jours par son conjoint ou ex-conjoint. Face à ce constat alarmant, la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes résonne comme un cri d’urgence. Alors que plus de 400 organisations se mobilisent à travers le pays, le gouvernement est appelé à prendre des mesures drastiques.

Par Anne Marie DWORACZEK-BENDOME | 25 novembre 2024

25 novembre : La France face à l'urgence des violences faites aux femmes.
25 novembre : La France face à l’urgence des violences faites aux femmes.

Une réalité qui s’aggrave : le bilan français 2024.

La Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes intervient cette année dans un contexte particulièrement préoccupant. Avec une augmentation significative des violences physiques et sexuelles comme le procès des viols de Mazan, affaire Dominique Pelicot, conjuguée à l’émergence de nouvelles formes de violences numériques, dessine les contours d’une problématique sociétale qui, loin de se résorber, tend à se complexifier.

L’analyse des dernières données statistiques révèle une aggravation inquiétante du phénomène en France. Les services de police et de gendarmerie ont enregistré une hausse de 7 % des violences physiques et sexuelles par rapport à 2022, totalisant 444 700 victimes de violences physiques et 114 700 victimes de violences sexuelles. Cette tendance à la hausse s’inscrit dans un contexte plus large de violences systémiques, comme en témoigne le chiffre glaçant de 103 féminicides perpétrés par des conjoints ou ex-conjoints depuis le début de l’année.

Le fléau mondial des violences sexistes : état des lieux international

La problématique revêt une dimension internationale alarmante. L’Organisation des Nations Unies rapporte qu’en 2023, 85 000 femmes et filles ont été tuées intentionnellement dans le monde, dont 60% par un partenaire intime ou un membre de leur famille. Cette violence létale, qui se traduit par un féminicide toutes les dix minutes à l’échelle mondiale, reflète un continuum de violences profondément ancré dans les structures sociales.

Les disparités géographiques dans la prévalence des violences soulignent l’impact des facteurs socio-culturels et économiques. L’Afrique enregistre les taux les plus élevés de féminicides domestiques, suivie des Amériques et de l’Océanie. En Europe et dans les Amériques, la majorité des meurtres (64 % et 58 % respectivement) sont commis par des partenaires intimes, révélant la persistance de schémas patriarcaux violents au sein même des sociétés dites développées.

Mobilisation historique : vers une réforme structurelle

Face à cette situation critique, une mobilisation sans précédent s’organise en France. Plus de 400 organisations et personnalités publiques ont appelé à manifester dès le 23 novembre dans plusieurs métropoles françaises. Cette coalition inédite porte des revendications structurelles majeures, notamment l’adoption d’une loi-cadre intégrale contre les violences, inspirée du modèle espagnol, assortie d’un budget conséquent de 2,6 milliards d’euros.

L’enjeu juridique apparaît comme central dans la lutte contre ces violences. La création de tribunaux spécialisés dans le traitement des violences sexistes et sexuelles constitue une des principales revendications du mouvement. Cette juridiction spécialisée permettrait d’améliorer le traitement judiciaire des plaintes, dont le nombre reste significativement inférieur aux cas réels de violences, suggérant un phénomène massif de sous-déclaration.

La campagne 2024, placée sous le thème « Il n’y a #PasDExcuse à la violence contre les femmes et les filles« , s’inscrit dans une perspective plus large de transformation sociétale. Elle précède le 30ᵉ anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, offrant l’occasion d’un bilan critique des avancées et des résistances en matière de lutte contre les violences de genre.

Le viol comme arme de guerre : une violence systématique qui détruit des sociétés entières

La violence sexuelle comme arme de guerre témoigne de la barbarie ultime des conflits armés modernes. En République démocratique du Congo (RDC), théâtre d’affrontements persistants, elle revêt une dimension particulièrement dévastatrice. Dans ce contexte, le parcours de Tatiana Mukanire Bandalire, orpheline devenue militante internationale, illustre à la fois la brutalité de ces crimes et la force de la résistance qui s’organise.

Victime d’un viol pendant l’insurrection de Bukavu en 2004, Tatiana Mukanire a été soignée à l’hôpital de Panzi par le Dr Denis Mukwege, devenu depuis Prix Nobel de la Paix. De cette expérience traumatique, elle a forgé un combat devenu emblématique. Aujourd’hui coordinatrice nationale du Mouvement des survivantes des violences sexuelles en RDC et du réseau mondial SEMA, elle porte la voix des victimes jusqu’aux Nations Unies, transformant les traumatismes individuels en lutte collective.

Son engagement se matérialise à travers des actions concrètes. La publication de son livre « Au-delà de nos larmes » et la production du film « SEMA« , écrit et interprété par des survivantes, brisent le silence entourant ces crimes. La création de la Maison de l’espoir, qui accueille des enfants nés de viols, et le développement de projets d’agriculture et de formation professionnelle témoignent d’une approche holistique de la reconstruction.

Cette mobilisation s’inscrit dans un combat plus large contre l’impunité. Malgré la reconnaissance du viol comme crime de guerre par le droit international, les poursuites restent rares et les condamnations exceptionnelles. Une situation qui souligne l’urgence d’un renforcement des mécanismes juridiques internationaux et d’une volonté politique plus affirmée. En siégeant au conseil d’administration de Stand Speak Rise Up! depuis 2023, Tatiana Mukanire poursuit ce plaidoyer essentiel pour la justice et la reconnaissance des survivantes.

L’instrumentalisation systématique du viol dans les zones de conflit révèle une stratégie délibérée visant à détruire le tissu social des communautés ciblées. Au-delà des traumatismes individuels, ces violences impactent des générations entières, créant des blessures sociétales profondes qui nécessitent des décennies de reconstruction. L’action de Tatiana Mukanire et du réseau SEMA démontre qu’une réponse efficace doit conjuguer soins médicaux, soutien psychologique, autonomisation économique et justice internationale.

Tatiana Mukanire Bandalire est une militante congolaise remarquable qui se bat contre les violences sexuelles en République démocratique du Congo (RDC).
Tatiana Mukanire Bandalire est une militante congolaise remarquable qui se bat contre les violences sexuelles en République démocratique du Congo (RDC).

Perspectives et enjeux : vers une approche globale

Plusieurs facteurs contemporains contribuent à l’aggravation de la situation. Les crises géopolitiques et climatiques, l’instrumentalisation de la violence sexuelle comme arme de guerre, et l’émergence de nouvelles formes de violences numériques complexifient la problématique. La montée des discours misogynes en ligne et le recul des protections juridiques dans certains pays témoignent d’une régression préoccupante des droits des femmes.

Les experts soulignent la nécessité d’une approche holistique, intégrant prévention, protection et répression. L’accès aux soins psychotrauma, le renforcement de l’éducation sexuelle et affective, et la lutte contre l’impunité constituent les piliers d’une stratégie globale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

La période des « 16 jours d’activisme », qui s’étend jusqu’au 10 décembre, Journée internationale des droits humains, offre une opportunité de mobilisation intensive. Les organisations féministes appellent à un engagement renforcé des pouvoirs publics et de la société civile pour faire face à ce qui apparaît désormais comme une pandémie silencieuse.

L’ampleur du phénomène et sa persistance malgré les dispositifs existants interrogent l’efficacité des politiques publiques actuelles. Une refonte systémique de l’approche des violences faites aux femmes, incluant une révision des procédures de dépôt de plainte et un renforcement significatif des moyens alloués aux structures d’accueil et d’accompagnement, s’impose comme une nécessité urgente.

DBnews

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