Les dessous de la superpuissance américaine : une (super) puissance militaire ?

Les dessous de la superpuissance américaine : une (super) puissance militaire ?

Derrière l’image caricaturale transmise par Hollywood ou la propagande anti-américaine, retour en six étapes sur l’état réel de la superpuissance américaine. 

Les Etats-Unis, leurs médias et leur domesticité internationale n’ont pas de mots assez durs pour dénoncer les ingérences russes, chinoises, iraniennes, etc. dans des pays tiers. Or rien qu’en 2018, voici la liste (dressée par un éminent professeur américain de science politique) des pays où Washington est chroniquement intervenu- voire au quotidien – de façon militaire ou civile : Afghanistan, Afrique (guerre secrète de forces spéciales US), Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Bolivie, Brésil, Equateur, Honduras, Hongrie, Irak, Iran, Liban, Libye, Nicaragua, Paraguay, Pologne, Royaume-Uni, Russie, Syrie, Ukraine, Venezuela, Yémen, etc. N’oublions pas l’aspiration des télécoms et de l’Internet mondial par la NSA-CIA ; ni les homicides extra-judiciaires par tirs de drones; ni enfin les cyber-attaques type Stuxnet, etc.

1 – Écrasante puissance militaire – écrasante, mais ?

Une domination mondiale

Mondialement, les Etats-Unis disposent de 865 bases militaires (hors du territoire national), soit 95% de toutes ces bases existant au monde. Y sont implantés ±500 000 militaires US et ± 100 000 civils sous contrat. Allemagne, 268 bases, Japon, 124, Italie, 83, Grande-Bretagne, 45, etc. Coût général : ± 140 milliards de dollars par an.

Armée dans l’armée, les 71 000 soldats et cadres des forces spéciales américaines conduisent, à l’été 2018, des missions de tout type (Commandos, renseignement, soutien « politique ») dans 133 pays du monde, une moitié au Moyen-Orient et en Asie du Sud. Rappel : à son apogée, la Couronne britannique disposait au total de 80 000 hommes pour contrôler son gigantesque empire. Que font vraiment ces forces, pourquoi et comment ? Nul ne le sait, hors de leur propre état-major (SOCOM) et (peut-être) de la Maison Blanche ; en tout cas, pas le Congrès des Etats-Unis.

En Afrique on sait quand même que ces forces spéciales sont implantées dans les pays suivants : Cameroun, Djibouti, Kenya, Libye, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Ouganda, Somalie, Tunisie. Au delà, à coup sûr : dans les Pays baltes, en Afghanistan, en Syrie et au Yémen.

L’armée, maintenant : l’état-major de CENTCOM (United States Central Command, implanté à Tampa, Floride) en charge des opérations militaires américaines au Moyen-Orient, Asie centrale et Asie du Sud, dispose d’un Joint Intelligence Center-US Central Command Intelligence Unit) fort à lui seul de 1 500 analystes civils, militaires ou sous contrat, visant à l’informer sur le territoire qu’il supervise.

Plus largement, le Pentagone – premier, de loin, propriétaire immobilier du monde, agit globalement dans tous domaines ; sorte de planétaire boîte à outils ou couteau à six lames au service de la puissance US, il pilote des programmes de santé publique, de réforme de l’agriculture, d’accession à l’état de droit, de développement des PME, etc.

Un dispositif militaire mondial – mais introverti

(Congressional Research Service) Sur l’aspect introverti des Etats-Unis, y compris leur propre armée, voici le détail des décès de l’armée des Etats-Unis de 2006 à 2016 :

– Au total, 15 851 militaires d’active ou réservistes ont péri en fonction,

– Dont 11 341 (72%) hors du champ de bataille,

– 93% des décès, aux Etats-Unis mêmes.

– Morts en Overseas Contingency Operations (OCO) : ± 920 morts par an,

– Non-OCO : 16%, accidents de la route, 14% par surdose mortelle de stupéfiants,

– OCO = 50% : IED (Improvised Explosive Devices, bombes explosant au long des routes).

– OCO-Irak, 2006/2016 : 2 177 tués (1 751 à l’ennemi, dont 1082 IED ; 421 accidents).

– OCO-Afghanistan, 2006/2016 : 1 961 morts à l’ennemi, 1658 ; accidents, 303.

Un appareil d’Etat paranoïaque

Obsédé par le secret, le gigantesque appareil de défense/sécurité des Etats-Unis compte de 180 000 à 200 000 individus habilités au Top Secret ; le seul Special Access Program du Pentagone nécessite un annuaire de 300 pages. Le cran au-dessous (« Très secret« ) en est à 580 000 habilités, dont 260 000 dans le privé. Le tout figurant sur environ 15 000 byzantines listes d’habilitations, finement compartimentées.

Un renseignement myope et peu réactif

Au service d’une superpuissance ou pas, la tâche première d’un appareil de renseignement est, ou devrait être, de détecter tout danger émergent. Or aux Etats-Unis (sans doute ailleurs aussi, d’ailleurs) le lourd appareil américain de renseignement se mobilise difficilement sur ce qui est neuf – puis s’en désintéresse vite. C’est ainsi (dit une commission spéciale du Congrès US) que depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ces services spéciaux ont successivement « loupé » :

– L’invasion de la Corée du Sud par le Nord, en juin 1950,

– L’intervention de la R. P. de Chine dans la même guerre, novembre 1950,

– L’invasion de la Tchécoslovaquie par l’URSS en août 1968,

– L’attaque Arabe contre Israël en octobre 1973,

– L’effondrement de l’URSS, 1989-91,

– L’invasion du Koweït par l’Irak en août 1990,

– Les attentats du 11 septembre 2001 (New York et Washington),

– La brutale intervention russe en Syrie (fin 2015-début 2016), que les services US n’avaient pas même envisagée ; fracassant déploiement de la puissance militaire russe opéré par totale surprise.

Pourquoi cette difficulté à capter le neuf, l’inouï ? Selon diverses commissions d’enquêtes, la problématique du management a contaminé toute l’administration américaine – renseignement inclus ; une pensée-powerpointparesseuse, sachant seulement concevoir des stratégies linéaires. Or en matière de ruptures d’ambiances et de signaux faibles, l’obtuse voie linéaire n’est pas optimale…

2 – Champ de bataille, le monde entier

Après les attentats du 11 septembre, l’appareil d’Etat de Washington et les « néo-conservateurs » qui alors, l’alimentent idéologiquement, croient le moment venu de remettre la planète sur pieds, de fonder un nouvel ordre mondial. L’objectif est titanesque – en vrac : chasser les pires tyrans et mater les autres, éloigner la violence terroriste des pays occidentaux – Etats-Unis en tête – répandre la démocratie, subjuguer le sectarisme fanatique, protéger les populations, réduire la corruption, propager le droit des femmes, combattre les trafics transcontinentaux de stupéfiants, fonder des nations démocratiques solides et pacifiques dotées de forces armées disciplinées et efficaces. Coût de l’aventure environ 6 000 milliards de dollars en 18 ans, 3 millions de militaires engagés dans la durée ; dont ± 7000 tués entre l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie, la Somalie, etc.

A la fin, échec à peu près total, pour cause d’objectifs stratégiques impalpables et incohérents, d’illusions idiotes (transformer douze milices tribales en une armée nationale est impossible) et d’ineptes instruments d’ingénierie sociale (« nation building« ). Revient ici à l’esprit l’image féroce de Simon Leys sur la direction maoïste « seulement capable de casser des œufs sans jamais arriver à faire une omelette ».

Un seul exemple : par millions de dollars, la CIA a créé en Afghanistan une strike force (force de frappe, sorte de « commando de chasse »), pour combattre les moudjahidine sur le terrain. Or comment créer même un embryon d’armée nationale en l’absence préalable de tout Etat-nation constitué ? Du XVIe au XVIIe siècle, les Européens l’ont appris lors des pires guerres de leur histoire – mais depuis le Vietnam, Washington s’acharne à nier ce criant impératif. Ainsi, la force de frappe opérant en Afghanistan est formée de miliciens tribaux agissant comme tels : seule leur tribu compte – le reste n’est que gibier. D’où, d’évidentes atrocités et au bout du compte, une armée américaine qui épouvante toujours plus les populations.

Une durable fascination pour les islamistes

Dès les guerres coloniales de la décennie 1950, les Etats-Unis, plutôt anticolonialistes par réflexe, sont fascinés par l’islamisme militant. Durant la seconde guerre mondiale déjà, voilà comment les services spéciaux américains (OSS, Office of Strategic Services, ancêtre de la CIA) annonçaient le proche débarquement en Afrique du Nord aux tribus du Maroc « Gloire au Dieu Unique… Les combattants américains de la Guerre Sainte arrivent pour livrer le grand Djihad de la liberté »…

Ainsi de suite jusqu’à l’attaque contre la Libye, visant à renverser le colonel Kadhafi (été-automne 2011). Sur le terrain, l’un des principaux alliés des Etats-Unis et de l’Otan est alors Abdelhakim Belhaj, à la tête de Libyan Dawn, force « modérée » d’environ 3 000 combattants – aimable maquillage du groupe salafiste-djihadiste Ansar al-Sharia. Naguère moudjahid en Afghanistan et soldat d’al-Qaïda, le « modéré » Belhaj, qui pose alors tout sourire au milieu de sénateurs américains, fait par la suite allégeance à L’Etat islamique.

Somalie – Irak – Syrie : l’art de ne pas comprendre

1993, Mogadiscio, Black Hawk Down – la Guerre froide à peine finie, place au chaos mondial. Champ de bataille : des bidonvilles surpeuplés ; ennemi, des guérillas innombrables et infiniment remplaçables. Là-dedans, des Rangersaméricains méprisant les skinnies (maigrichons) qu’ils affrontent, veulent capturer le chef tribal-islamiste local Mohamed Farah Aïdid. Six tentatives et à la septième, le piège: 18 Rangers tués, l’armée américaine fuit sans insister. Conçoit-elle alors que son matériel high-tech est inopérant pour la néo-guerre des bidonvilles ? Non, sans doute. Car dix ans plus tard en Irak…

Tout est décidément trop compliqué dans cette région pour la binaire vision de Washington. Ou sont les amis ? L’ennemi ? les « good guys » et les « bad guys » ? Ca dépend. Au lieu même où, voici des millénaires, s’inventa la notion de stratégie indirecte, on voit un dignitaire sunnite – aligné sur Téhéran – au crucial poste de président du parlement d’Irak. Et des alliés kurdes de Washington en Irak s’entendre avec Téhéran. Tandis que les « Unités de Protection du Peuple », Kurdes du nord de la Syrie alliés des Etats-Unis, guerroient contre la Turquie de RT Erdogan – autre allié de Washington et membre de l’OTAN.////

Par RSA avec atlantico – source Xavier Raufer



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