« Les Aquatiques », roman qui signe le refus de danse au bal des apparences



« Les Aquatiques », roman qui signe le refus de danse au bal des apparences

« Les Aquatiques », roman qui signe le refus de danse au bal des apparences

Le premier roman d’Osvalde Lewat pointe les dangers que font courir les fausses démocraties en Afrique. Un récit de vie aux cinglants accents de vérité

Le jour où l’administration lui annonce qu’il va falloir déplacer la tombe de sa mère, le monde de Katmé s’effondre. Il faut dire que son mari a décidé de faire de la cérémonie de transfert un événement politique. En quelques jours à peine, toutes les certitudes de sa vie confortable, et parfaitement organisée, de femme de préfet volent en éclats : depuis sa relation complice avec l’artiste Samuel Pankeu jusqu’à ses discussions policées avec les autres épouses membres du très sélect Caz (Club des Amies du Zambuena).
Le vernis de respectabilité et de stabilité si patiemment posé au fil des années se fendille pour laisser paraître la violence des ambitions politiques de son époux Tashun, la lâcheté et la perfidie des amis de toujours et le jugement sans appel de la bonne société du Zambuena, pays fictif et pourtant ô combien réaliste. Il y a des choses qui ne se font pas, des choses qu’on ne dit pas au Zambuena, comme ailleurs… Katmé et Samy vont l’apprendre à leurs dépens.
Arrêté et jeté en prison, Samy voit son sort devenir un enjeu de pouvoir entre les deux époux et sa réputation salie à titre d’exemple. Bien décidée à tirer son ami de toujours des griffes de la justice, Katmé organise la résistance, au risque de se retrouver elle-même au ban de la société.

Les mirages de la vie

« Les Aquatiques », roman qui signe le refus de danse au bal des apparences

Il flotte un parfum de chasse aux sorcières sur Les Aquatiques, premier roman d’Osvalde Lewat, autrice d’origine camerounaise qui s’est d’abord fait connaître en tant que photographe et cinéaste documentariste. Son sens de l’image se perçoit dès les premières phrases où la conteuse prouve qu’elle sait manier le suspense, les symboles et les révélations. Dans cette histoire de dévoilement et de transformation, on suit le cheminement d’une femme intuitive et drôle, passionnée, fidèle à ses convictions et pourtant prise dans un engrenage qui la dépasse. Au fil des semaines et des épreuves, Katmé refuse les faux-semblants et se révèle aux autres et à elle-même.
Le souffle du récit, la précision des descriptions, la force des scènes et les dialogues incisifs qui les enserrent : tout dans l’écriture d’Osvalde Lewat séduit le lecteur et l’entraîne dans cette région du Haut-Fenn si singulière et si belle sous sa plume.
On pourrait croire Katmé à l’abri des périls qui défraient la chronique en Afrique. Pourtant, il a suffi d’une campagne électorale, et son cortège de jalousies et complots, pour que son univers soit irrémédiablement bouleversé, soumis à l’opprobre et à l’arbitraire du jugement populaire. L’écriture limpide et belle, tragique et ironique, emporte le lecteur malgré la cruauté qu’elle révèle. Et l’on se surprend à ralentir la lecture pour rester dans cet univers captivant.

Être artiste ou être femme en Afrique

À travers le parcours de Katmé, Les Aquatiques offrent des instantanés d’Afrique et un profond bain culturel tant l’auteure y exprime sa passion pour la beauté formelle, les arts plastiques et les créateurs souvent méconnus hors du continent. Ancré dans cette classe moyenne ou supérieure si peu présente dans les médias, le roman donne à voir ces hommes et ces femmes qui rêvent d’une autre Afrique, cette frange de population qui renonce ou se bat. Sans oublier les tabous qui la dirigent et la figent. Posant la question de la place de l’artiste et de la femme non mariée dans la société africaine, ainsi que les ressorts de la quête de pouvoir et de la corruption, le livre montre à quel point les diktats de la société menacent les libertés individuelles. Singulièrement lorsqu’on est une femme.

Karin Tshidimba

★★★ Les Aquatiques Récit de vie De Osvalde Lewat, Edition Les Escales, 298 pp. Prix 20€, version numérique 14 €

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Avec La Libre Afrique

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