Une nouvelle tempête politique ébranle le Gabon jusqu’aux fondements. En dépit du rejet catégorique de la population, Marie-Madeleine Mborantsuo, figure controversée et ex-présidente de la Cour constitutionnelle, se pavane avec le titre de « Présidente Honoraire de la Cour Constitutionnelle ». Cette manœuvre sournoise des autorités de la Transition bafoue ouvertement la volonté du peuple, révélant leur cynisme et leur mépris flagrant pour l’opinion publique.
Par Anne Marie DWORACZEK-BENDOME | 01 octobre 2024
Marie-Madeleine Mborantzuo
En juillet 2024, le peuple gabonais s’était clairement exprimé : pas de titre honorifique pour Marie-Madeleine Mborantsuo, l’ancienne présidente de la Cour constitutionnelle. Cette femme, surnommée « la tour de Pise » pour sa propension à faire pencher la justice en faveur du pouvoir, symbolisait pour beaucoup l’ancien régime corrompu et autoritaire. Les Gabonais, aspirant à un renouveau après le coup d’État du 30 août 2023, voyaient dans ce refus une occasion de tourner la page d’une ère marquée par les compromissions et les arrangements politiques.
La voix du peuple semblait avoir été entendue. Un communiqué officiel de la Cour constitutionnelle de la Transition, largement relayé par les médias, annonçait l’annulation de la décision d’octroyer les titres honorifiques à Mborantsuo et à sa collègue Louise Angue. Ce geste avait été salué comme un signe encourageant d’une nouvelle ère de transparence et de respect de la volonté populaire. Les Gabonais pensaient avoir remporté une victoire symbolique importante.
La révélation choquante de la Cour internationale de Justice de la Haye
Pourtant, le 30 septembre 2024, cette illusion de changement a volé en éclats. Lors d’une audience à la Cour internationale de Justice de la Haye, concernant le différent frontalier avec la Guinée équatoriale, le nom de Marie-Madeleine Mborantsuo est apparu dans la délégation gabonaise, avec le titre de « Présidente Honoraire de la Cour Constitutionnelle ». Cette révélation a eu l’effet d’une bombe dans l’opinion publique gabonaise. Mais de qui se moque-t-on ?
Comment une telle situation a-t-elle pu se produire ? Les nouvelles autorités, censées incarner le changement après des décennies de règne de la famille Bongo, avaient-elles délibérément trompé le peuple ? Ou bien s’agissait-il d’une manœuvre en coulisses, orchestrée par les réseaux de l’ancien régime encore influents dans les arcanes du pouvoir ? Quoi qu’il en soit, cette affaire a mis en lumière la persistance de pratiques opaques et antidémocratiques au plus haut niveau de l’État.
Les implications politiques et sociales
Ce scandale soulève de nombreuses questions sur la nature réelle du changement promis après le coup d’État. La transition, censée rompre avec les pratiques du passé, semble reproduire les mêmes schémas de mensonge et de mépris envers la population. Cette affaire risque de saper gravement la confiance déjà fragile entre les citoyens et leurs dirigeants.
Au-delà du cas Mborantsuo, c’est tout le processus de transition qui est remis en question. Comment croire aux promesses de réformes, de lutte contre la corruption, ou de renouveau démocratique, quand les nouvelles autorités honorent en secret ceux qui ont été les piliers de l’ancien système ? Cette contradiction flagrante entre les discours et les actes pourrait alimenter un désenchantement profond au sein de la population gabonaise, qui avait placé beaucoup d’espoirs dans ce changement de régime.
Les perspectives et suite de la Transition gabonaise
Cette imposture éhontée a déclenché un véritable séisme dans la société gabonaise. Confrontées à ce énième tour de passe-passe, les autorités de transition se retrouvent acculées. Leur silence ne ferait qu’attiser la rage populaire, tandis qu’avouer leur duplicité signerait l’arrêt de mort de leur légitimité déjà chancelante. Les observateurs avertis pressentent déjà les prémices d’une nouvelle tourmente politique si des explications convaincantes ne sont pas fournies dans les plus brefs délais.
Au vu des scandales qui s’accumulent jour après jour, des voix s’élèvent pour exiger un démantèlement total des institutions transitoires. Cette affaire n’est que la preuve flagrante de leur opacité et de leur corruption intrinsèque. Force est de constater que ces soi-disant réformateurs ne valent guère mieux que le régime qu’ils ont renversé le 30 août 2023.
L’affaire Mborantsuo dépasse largement le cadre d’une simple querelle de titre honorifique. Elle met à nu les tares profondes d’un système politique gabonais gangrené jusqu’à la moelle, incapable de se régénérer même après un putsch. C’est l’avenir même de la transition, et plus globalement du processus démocratique au Gabon, qui est en jeu.