Kenya : Destitution de Rigathi Gachagua, un tournant politique choquant

La destitution de Rigathi Gachagua, vice-président du Kenya, marque un tournant inédit dans l’histoire politique du pays. Pour la première fois, une procédure constitutionnelle a abouti à l’éviction d’un vice-président, mettant en lumière les tensions croissantes au sommet de l’État.

Publié par Anne Marie DWORACZEK-BENDOME | 21 octobre 2024

Kenya, le Vice-président Rigathi Gachagua destitué jeudi 17 octobre 2024.
Kenya, le Vice-président Rigathi Gachagua destitué jeudi 17 octobre 2024.

Un contexte de tensions politiques grandissantes

La destitution de Rigathi Gachagua s’inscrit dans un contexte de tensions politiques de plus en plus vives entre lui et le président William Ruto. Nommé vice-président en 2022, Gachagua a joué un rôle crucial dans la victoire électorale de Ruto, mais les relations entre les deux hommes se sont rapidement détériorés. Des accusations de corruption et des menaces envers les juges ont entaché la réputation de Gachagua, entraînant une défiance croissante de la part de l’opinion publique. Cette crise, exacerbée par des manifestations antigouvernementales, a culminé avec l’adoption d’une motion de destitution par l’Assemblée nationale, qui a été approuvée à l’unanimité.

La procédure, bien que prévue par la Constitution de 2010, est inédite pour le Kenya et révèle une fracture au sein de la classe politique. Comme l’a souligné un analyste politique, « la destitution de Gachagua révèle des fractures profondes au sein du gouvernement, mettant en question sa légitimité. »

Les accusations et la procédure de destitution

Le Sénat kényan a jugé Gachagua coupable de « violation grave » de la Constitution, en l’accusant de menaces envers les juges et de promouvoir des pratiques de division ethnique. Toutefois, il a été innocenté des accusations de corruption, ce qui soulève des questions sur la nature des accusations portées contre lui. Les avocats de Gachagua soutiennent que la procédure a été précipitée et anticonstitutionnelle, arguant qu’il n’a pas eu la possibilité de se défendre efficacement en raison de son hospitalisation. En effet, quelques heures avant le vote, il a été admis à l’hôpital avec de fortes douleurs thoraciques. Cette situation soulève des inquiétudes sur l’équité de la procédure et la possibilité d’un procès équitable, deux principes fondamentaux dans une démocratie. Comme l’a déclaré un avocat de la défense, « il est inconcevable qu’un individu soit écarté sans avoir eu l’opportunité de se défendre. »

Les répercussions sur la scène politique kényane

La destitution de Gachagua soulève des incertitudes sur la stabilité politique du Kenya, traditionnellement perçu comme une démocratie stable dans une région souvent marquée par des troubles. Le président Ruto, en choisissant Kithure Kindiki comme successeur, cherche à consolider son pouvoir, mais cela pourrait également creuser davantage le fossé entre les factions au sein du gouvernement. Gachagua, qui se considère comme une « cartouche usagée », accuse le président d’être complice de son éviction.

Ce climat de méfiance et de rivalités internes au sein du gouvernement pourrait avoir des conséquences sur la gouvernance et la capacité à répondre aux préoccupations des citoyens. Pour beaucoup de Kényans, cette crise politique est le signe d’une déconnexion entre les dirigeants et le peuple. Un commentateur politique a affirmé que « cette destitution pourrait précipiter une fracture irréversible au sein du gouvernement. »

L’avenir de la gouvernance au Kenya

Avec la destitution de Gachagua, le Kenya est à un carrefour. Le président Ruto a un délai de 14 jours pour nommer un nouveau vice-président, mais les candidats potentiels, dont Kithure Kindiki et Musalia Mudavadi, doivent faire face aux attentes de la population. L’événement a déjà été qualifié de tournant historique, mais il reste à voir si cela débouchera sur une gouvernance plus efficace ou si cela ne fera qu’accentuer les divisions existantes.

Alors que la classe politique se bat pour la survie de son pouvoir, les Kényans, quant à eux, espèrent des dirigeants capables de répondre à leurs aspirations. Cette situation incertaine pourrait également inciter à une réforme des mécanismes de gouvernance pour éviter que des crises similaires ne se reproduisent à l’avenir. Un politologue a déclaré : « La destitution de Gachagua est un appel à la refonte de notre gouvernance, car le statu quo ne peut plus perdurer. »

DBnews

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