Gabon. 16 juin 2025 | Cérémonie d’inauguration de la station de pompage du PK5 à Libreville |En avant : Oligui Nguema, Président du Gabon et Akinwumi Adesina, ancien président de la Banque africaine de développement.
Gabon. 16 juin 2025 | Cérémonie d’inauguration de la station de pompage du PK5 à Libreville |En avant : Oligui Nguema, Président du Gabon et Akinwumi Adesina, ancien président de la Banque africaine de développement.

Le 16 juin 2025, le président Brice Clotaire Oligui Nguema inaugurait la station de pompage du PK5 à Libreville, une réalisation clé du Programme intégré d’alimentation en eau potable et d’assainissement (PIAEPAL), financée par la BAD et le fonds AGTF.

Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME

Gabon. 16 juin 2025 | Cérémonie d’inauguration de la station de pompage du PK5 à Libreville |En avant : Oligui Nguema, Président du Gabon et Akinwumi Adesina, ancien président de la Banque africaine de développement.
Gabon. 16 juin 2025 | Cérémonie d’inauguration de la station de pompage du PK5 à Libreville |En avant : Oligui Nguema, Président du Gabon et Akinwumi Adesina, ancien président de la Banque africaine de développement.

Inauguration de la station de pompage

La mise en œuvre du projet de la station de pompage d’eau potable du PK5 à Libreville s’inscrit dans un cadre chronologique marqué par des changements politiques majeurs. Les premières étapes concrètes du projet remontent au 23 septembre 2021, sous le gouvernement d’Ali Bongo Ondimba, avec le lancement des travaux par Alain-Claude Bilie-By-Nze, ministre des Ressources hydrauliques de l’époque. Ce dernier avait également supervisé le démarrage de la construction du château d’eau de Ntoum-Centre, préfigurant une dynamique infrastructurelle plus large. Toutefois, les tensions politiques et la chute du régime Bongo en août 2023 ont interrompu la continuité des chantiers, laissant plusieurs projets en suspens. Ce n’est qu’en avril 2024, après l’avènement du général Brice Clotaire Oligui Nguema au pouvoir, que les travaux du PK5 ont repris, cette fois-ci insérés dans une nouvelle donne politique et institutionnelle. Le contexte post-coup d’État a imposé un impératif de crédibilisation rapide des actions publiques, ce qui explique l’attention portée à la réhabilitation et à la modernisation des infrastructures essentielles comme celle-ci.

Le lancement officiel des travaux de raccordement de la canalisation principale à la station de pompage est intervenu le 9 avril 2024, marquant le début effectif de la phase opérationnelle du projet. Les essais techniques ont commencé fin juin 2024, permettant de valider les performances techniques avant l’inauguration finale. Cette reprise des activités traduit une volonté affirmée du nouveau pouvoir de relancer les grands projets publics, souvent bloqués ou désorganisés sous l’ancien régime. L’inauguration du 16 juin 2025, donc, ne constitue pas seulement un événement technique, mais aussi un signal politique fort envoyé à l’opinion nationale et internationale sur la capacité du régime militaire à tenir ses engagements. Elle témoigne d’une reconciliation entre les héritages administratifs antérieurs et les orientations nouvelles, tout en affirmant une continuité de service public malgré les bouleversements politiques. En somme, c’est toute une histoire de recomposition étatique qui se lit à travers ce projet, où les acteurs successifs se sont succédés.

Gabon. 16 juin 2025 | Cérémonie d’inauguration de la station de pompage du PK5 à Libreville | Tribune officielle.
Gabon. 16 juin 2025 | Cérémonie d’inauguration de la station de pompage du PK5 à Libreville | Tribune officielle.

Financement international

Le projet de la station de pompage d’eau potable du PK5 à Libreville n’aurait pu voir le jour sans un appui financier conséquent provenant de partenaires internationaux. En effet, son coût total s’élève à 117,4 millions d’euros, montant couvert par deux acteurs majeurs : la Banque africaine de développement (BAD) et le fonds Africa Growing Together Fund (AGTF). La BAD a octroyé un prêt de 75,4 millions d’euros, confirmant ainsi son rôle central dans l’appui aux grands projets d’infrastructure en Afrique subsaharienne. Ce financement s’inscrit dans une logique plus large d’appui au développement durable et à la résilience des systèmes publics dans les pays membres réguliers de l’institution. Par ailleurs, l’AGTF, cofinancé conjointement par la Banque populaire de Chine, a contribué à hauteur de 42 millions d’euros, illustrant une fois de plus l’intensification de la coopération sino-africaine dans le domaine des services essentiels.

L’intervention de ces bailleurs extérieurs ne se limite pas à un simple transfert monétaire ; elle implique également des exigences de transparence, de suivi technique et de respect des normes internationales en matière de gouvernance publique. Ces contraintes sont particulièrement pertinentes dans un contexte gabonais marqué par une gestion historiquement opaque des ressources publiques. Ainsi, la participation de la BAD et de l’AGTF peut être interprétée comme une forme de garantie pour la bonne exécution du projet, mais aussi comme un levier pour encourager des réformes structurelles dans le secteur hydraulique national.

Au-delà de leur dimension financière, ces contributions traduisent la confiance et une volonté partagée de renforcer les capacités locales en matière de distribution d’eau potable. Elles s’accompagnent souvent de transferts technologiques, de formations spécialisées et d’un accompagnement institutionnel destiné à améliorer la planification et la mise en œuvre des infrastructures publiques. Cela suppose une coordination étroite entre les autorités gabonaises et les experts des institutions financières internationales. Malgré ces défis, la réussite relative du projet du PK5 démontre qu’une coopération bien encadrée peut produire des résultats tangibles, même dans un environnement post-Transition.

Enfin, il convient de souligner que cette mobilisation internationale intervient dans un contexte géopolitique particulier. Alors que la Chine intensifie sa présence économique sur le continent africain, notamment via des investissements dans les infrastructures, la participation de l’AGTF marque une évolution notable dans la configuration des relations Sud-Sud. De son côté, la BAD, traditionnellement ancrée dans une approche multilatérale, continue de jouer un rôle stabilisateur en soutenant des projets alignés sur les Objectifs de développement durable (ODD), notamment celui visant à assurer l’accès universel à l’eau potable d’ici 2030. En somme, le projet du PK5 illustre comment les dynamiques de financement international peuvent concourir à la réalisation d’infrastructures vitales, tout en reflétant les équilibres diplomatiques et économiques.

Gabon. 16 juin 2025 | Cérémonie d’inauguration de la station de pompage du PK5 à Libreville |En avant : Oligui Nguema, Président du Gabon et Akinwumi Adesina, ancien président de la Banque africaine de développement.
Gabon. 16 juin 2025 | Cérémonie d’inauguration de la station de pompage du PK5 à Libreville |En avant : Oligui Nguema, Président du Gabon et Akinwumi Adesina, ancien président de la Banque africaine de développement.

Accès à l’eau potable

L’inauguration de la station de pompage du PK5 le 16 juin 2025 marque un tournant décisif dans la lutte contre les déficits en eau potable à Libreville. Cette infrastructure, conçue pour desservir environ 300 000 foyers supplémentaires, soit près de 31 % de la population urbaine, répond à un besoin criant dans une ville où le taux d’accès à l’eau potable était estimé à seulement 55 % avant la mise en œuvre du Programme intégré d’alimentation en eau potable et d’assainissement de Libreville (PIAEPAL). Grâce à cette nouvelle capacité de distribution, des quartiers entiers, notamment ceux situés dans les zones périurbaines ou mal desservies comme certains secteurs d’Owendo ou d’Akanda, vont  désormais bénéficier d’un approvisionnement plus régulier et sécurisé. La réduction des coupures intempestives et l’amélioration de la qualité de l’eau distribuée constitueront des progrès tangibles appréciés par les habitants, qui  souffrent de disfonctionnements chroniques du réseau.

Le projet ne se limite pas à un simple accroissement quantitatif de la distribution. Il intègre également une modernisation complète des infrastructures de traitement et de transport de l’eau. En effet, la station du PK5 dispose d’équipements dernier cri permettant de filtrer et désinfecter l’eau avec une efficacité accrue. Ces technologies avancées garantissent une conformité stricte aux normes sanitaires internationales, ce qui contribue à limiter la propagation des maladies diarrhéiques, souvent liées à la consommation d’eau contaminée.

En outre, la construction de nouveaux réservoirs, dont celui de 10 000 m³ inauguré en même temps que la station de pompage, a permis de stocker suffisamment d’eau pour faire face aux pics de demande. Cela assure une continuité de service même en période de forte chaleur ou lors des travaux de maintenance sur d’autres parties du réseau. Le dimensionnement des canalisations et leur raccordement optimisé au reste du système permettent également une meilleure gestion des pressions hydrauliques, limitant ainsi les risques de fuites ou de ruptures. Avant ces améliorations, les pertes non comptabilisées atteignaient parfois plus de 40 % dans certaines zones de Libreville, en raison de fuites, de fraudes ou de vétusté des conduites. Aujourd’hui, grâce à des matériaux plus résistants et à un suivi informatisé des flux, ces pertes ont été réduites de manière significative.

Sur le plan social, l’accès élargi à l’eau potable améliore non seulement la santé publique mais aussi la qualité de vie quotidienne des ménages. Moins de temps passé à chercher de l’eau signifie plus de temps dédié à l’éducation, au travail ou à la famille. Les femmes et les enfants, souvent chargés de collecter l’eau dans des conditions précaires, en sont les premiers bénéficiaires. L’impact économique est également notable : les entreprises locales, en particulier celles du secteur informel ou artisanal, disposent désormais d’une ressource essentielle pour leurs activités. Ce facteur pourrait stimuler localement l’entrepreneuriat et contribuer à une dynamisation économique modeste mais tangible.

Cependant, si les effets immédiats sont encourageants, il convient de rester vigilant quant à la pérennité du service. L’efficacité de la station dépendra non seulement de sa maintenance technique, mais aussi de la gouvernance globale du secteur hydraulique au Gabon. En somme, la station de pompage du PK5 représente une percée concrète dans l’accès à l’eau potable, mais elle ne constitue qu’un maillon d’une chaîne plus large d’interventions nécessaires pour garantir durablement ce droit fondamental à tous les citoyens gabonais.

16 juin 2025 | Banlieue de Libreville - Station de pompage du PK5
16 juin 2025 | Banlieue de Libreville – Station de pompage du PK5

Action de l’Etat

Au-delà de sa fonction essentielle en matière de distribution d’eau potable, l’inauguration de la station de pompage du PK5 à Libreville le 16 juin 2025 constitue un événement aux résonances politiques et symboliques profondes. Elle intervient après l’investiture le 3 mai 2025, d’Oligui Nguema,  Chef de l’État gabonaissous, issu d’une transition militaire après la chute de la dynastie Bongo en août 2023. Dans ce contexte fragile marqué par une recomposition institutionnelle, cette inauguration sert autant d’acte technique que de démonstration de capacité gouvernante. Le projet, initié sous le régime précédent en septembre 2021, a connu des interruptions dues à la crise politique, avant d’être relancé en avril 2024 sous l’autorité de la Transition. 

Sur le plan symbolique, cette inauguration illustre également la question centrale de la propriété des actes d’État. Comme le rappelle le droit administratif gabonais, une action posée au nom de l’État n’appartient ni à un individu, ni à un ministre, ni même à un président. Elle relève de la puissance publique, incarnée par une personne morale de droit public, indépendamment des personnes qui se succèdent à la tête de l’exécutif. Cela signifie que si le général Oligui Nguema a procédé à l’inauguration officielle, le projet lui-même reste une œuvre collective de l’État gabonais, dont bénéficient tous les citoyens sans distinction. Cette notion, souvent bafouée dans les discours politiques où les réalisations publiques sont fréquemment présentées comme des succès personnels, mérite d’être rappelée pour éviter les instrumentalités partisanes.

Enfin, cet événement marque un tournant dans la communication étatique autour des infrastructures publiques. Contrairement à certaines inaugurations passées, où la dimension spectaculaire dominait parfois sur le fond technique, les autorités ont insisté sur les chiffres clés : 300 000 foyers supplémentaires desservis, un taux d’accès global porté à 90 % dans les zones urbaines, une baisse notable des pertes dans le réseau hydraulique. Cette approche factuelle, appuyée sur des données mesurables, témoigne d’une tentative de recentrage sur les résultats concrets plutôt que sur les effets d’annonce. Elle traduit également une volonté de répondre aux attentes légitimes des populations, fatiguées des promesses non tenues et des chantiers abandonnés. En somme, la station de pompage du PK5 incarne bien plus qu’un simple ouvrage technique : elle est le miroir d’un État en reconstruction, cherchant à réconcilier efficacité, légitimité et service public.

Prospective : Eau et assainissement au Gabon

L’achèvement de la station de pompage du PK5 à Libreville marque une étape importante dans la trajectoire gabonaise visant à garantir un accès universel à l’eau potable et à l’assainissement. Ce projet, intégré au Programme intégré d’alimentation en eau potable et d’assainissement de Libreville (PIAEPAL), s’inscrit dans une vision stratégique plus large, celle du Plan National de Développement pour la Transition (PNDT) adopté par le gouvernement du général Brice Clotaire Oligui Nguema pendant la Transition . L’un des objectifs affichés est d’étendre les réseaux d’eau potable, touchant non seulement les zones urbaines mais aussi périurbaines du Grand Libreville — comprenant Libreville elle-même, Akanda, Owendo et Ntoum. Cette ambition repose sur une logique de justice territoriale et sociale, visant à réduire les écarts persistants entre quartiers bien desservis et autres secteurs marginalisés.

En termes quantitatifs,  cet effort cible particulièrement les zones où les habitants dépendent encore de solutions informelles ou insalubres, comme les puits non traités ou les citernes privées. Ces améliorations structurent un système hydraulique plus résilient, capable de répondre à la croissance démographique rapide de la capitale gabonaise.

Au-delà de Libreville, les autorités entendent étendre ces acquis à l’ensemble du pays. Le Gabon, malgré ses richesses naturelles, accuse un retard notable en matière d’accès à l’eau potable, notamment dans les provinces intérieures où les infrastructures restent rudimentaires voire inexistantes. Selon les données disponibles, moins de 60 % de la population totale a un accès régulier à l’eau potable, un chiffre qui tombe à moins de 40 % en milieu rural. Réduire cet écart constitue donc un impératif national, renforcé par les engagements pris dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD 6), notamment celui visant à assurer d’ici 2030 l’accès universel à des services d’eau et d’assainissement « sûrs et abordables ».

Pour cela, plusieurs leviers doivent être activés. D’une part, il convient de pérenniser les investissements publics dans les infrastructures hydrauliques, ce qui suppose une planification à long terme et une mobilisation continue des partenaires financiers internationaux. La Banque africaine de développement (BAD), principal bailleur du PIAEPAL avec un prêt de 75,4 millions d’euros, reste un acteur incontournable dans cette dynamique. Son nouveau président, Sidi Ould Tah, élu le 29 mai 2025 lors des Assemblées annuelles tenues à Abidjan, pourrait jouer un rôle décisif dans la poursuite de cette coopération. D’autre part, il est indispensable de renforcer la gouvernance du secteur de l’eau, notamment en instaurant des mécanismes de suivi rigoureux, une gestion transparente des ressources et une responsabilisation accrue des opérateurs locaux.

Par ailleurs, la question de la tarification de l’eau demeure un enjeu sensible. Si l’accès doit être garanti à tous, il ne peut se faire sans une rationalisation économique du service. Le défi est donc double : maintenir un modèle économiquement viable tout en protégeant les ménages les plus vulnérables par des subventions ciblées ou des politiques sociales adaptées. Une telle approche nécessite une concertation constante entre les pouvoirs publics, les fournisseurs d’eau et les représentants des usagers, afin d’éviter les tensions sociales liées à la hausse des prix ou à la baisse de qualité du service.

La station de pompage du PK5 représente sans conteste une avancée significative dans la modernisation du secteur hydraulique au Gabon. Toutefois, elle ne constitue qu’un maillon parmi d’autres dans une chaîne plus vaste d’interventions nécessaires pour transformer durablement l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. L’enjeu dépasse désormais les seules frontières de Libreville : il s’agit de construire un modèle national fondé sur des principes d’équité territoriale, de solidarité sociale et de responsabilité publique. C’est précisément dans cette optique que la gestion rigoureuse des réseaux et le contrôle systématique de la qualité de l’eau deviennent des priorités absolues. Ces éléments sont déterminants pour éviter un retour à la situation antérieure, marquée par des pannes fréquentes, une maintenance déficiente et une usure rapide des équipements. Une infrastructure peut être moderne, elle n’atteindra pleinement ses objectifs que si elle est accompagnée d’une gouvernance efficace et d’une planification stratégique à long terme.

À l’aube d’un nouveau cycle politique et institutionnel, le Gabon dispose d’une opportunité historique — à condition toutefois que les nouvelles autorités affichent une volonté politique claire et soutenue — de poser les bases d’un service public véritablement moderne, fiable et inclusif. Ce n’est pas seulement une question d’infrastructures, mais bien d’engagement étatique envers tous les citoyens, quels que soient leur lieu de résidence ou leurs moyens.

 

DBnews, 17 juin 2025

 

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.