Dans la nuit du 7 au 8 mai 1999, trois journalistes chinois ont péri dans le bombardement de leur ambassade à Belgrade, ce que l’Otan a reconnu comme une «bavure tragique». Pourtant, la version officielle des événements a vite été mise en doute.
Les guerres de Yougoslavie, qui ont fait des dizaines de milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés, n’ont pas épargné un pays aussi éloigné de la zone du conflit qu’est la Chine: en mai 1999, des bombardiers américains ont attaqué l’ambassade chinoise à Belgrade, tuant trois personnes qui se trouvaient à l’intérieur. Bien que l’Otan ait vite présenté ses excuses, évoquant une bavure due à une erreur de cartes, nombreux sont ceux qui croient toujours qu’il s’agissait d’une action délibérée.
Destruction et explications
Dans la nuit du 7 au 8 mai 1999, des bombardiers furtifs B-2, arrivés en Europe depuis la base aérienne de Whiteman dans le Missouri, ont largué cinq bombes guidées JDAM sur le bâtiment abritant la mission diplomatique chinoise à Belgrade. Le personnel de l’ambassade avait été évacué dans les jours précédant l’attaque, mais trois journalistes chinois encore présents dans les locaux, Shao Yunhuan, Xu Xinghu et l’épouse de ce dernier, Zhu Ying, ont péri dans le bombardement.
Le raid meurtrier, qui a fait en outre une trentaine de blessés, a suscité une vague de colère en Chine, des foules de manifestants envahissant les rues de Pékin avant de s’en prendre aux ambassades états-unienne et britannique. Le gouvernement chinois a condamné l’attaque, la qualifiant d’«acte de barbarie».
Soucieux de calmer le jeu, l’Occident a multiplié regrets et explications. Le Président américain de l’époque, Bill Clinton, a parlé d’une «tragique erreur» et présenté ses «sincères condoléances» au peuple chinois, alors que l’Otan a fait savoir que l’ambassade avait été confondue avec les locaux de la Direction fédérale yougoslave de l’armement, en raison d’une «information erronée» des services de renseignements.
Les États-Unis ont fini par verser 4,5 millions de dollars aux familles des victimes du bombardement ainsi que 28 millions de dollars pour les dommages causés à la mission diplomatique.
Enquête troublante
À la suite de la destruction de l’ambassade, des journalistes du quotidien danois Politiken et de l’hebdomadaire britannique The Observer ont mené pendant quatre mois une enquête, au cours de laquelle ils se sont entretenus avec plusieurs haut gradés de l’Otan et de l’armée américaine sous couvert d’anonymat, avant de conclure que l’attaque avait été délibérée. Selon eux, les États-Unis soupçonnaient l’ambassade de fournir des services de communication au fameux leader des milices serbes Željko Ražnatović, alias Arkan, et voulaient mettre fin à ces activités.
La secrétaire d’État américaine Madeleine Albright et le chef de la diplomatie britannique Robin Cook ont rejeté les conclusions des journalistes, Mme Albright les qualifiant même de «balivernes». Les grands médias états-uniens tels que le Washington Post ou le New York Times ont, pour leur part, soutenu l’hypothèse d’une frappe accidentelle.
Meurtre de William Bennett
Dix ans après la fin de la guerre du Kosovo, l’officier américain à la retraite William Bennett, tenu pour responsable dans la transmission à l’aviation des coordonnées erronées entraînant ainsi la destruction de l’ambassade, a été retrouvé mort à Loudoun, en Virginie. L’homme, 57 ans, et son épouse Cynthia, 55 ans, avaient été violemment passés à tabac par un groupe de jeunes; la femme a survécu à l’attaque, alors que l’ex-officier a succombé à ses blessures.
Les assaillants ont rapidement été identifiés avant d’être condamnés à des peines allant de 43 ans de prison à la réclusion à perpétuité. Les enquêteurs ont établi que le meurtre de M.Bennett n’avait aucun rapport avec son passé militaire. Le shérif de Loudoun Stephen O.Simpson, a déclaré que les époux «étaient simplement au mauvais endroit au mauvais moment»: une formule qui peut également être appliquée aux journalistes décédés dans le bâtiment de la mission diplomatique, au plus fort des hostilités en 1999.
Par Regardsurlafrique avec Sputnik