Le Gabon signe un CEPP stratégique avec Maurel & Prom, catalysant son industrie pétrolière. Cet accord promet d’attirer des IDE substantiels, d’optimiser la rente pétrolière et de stimuler la croissance économique nationale.
Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME, le 27 septembre 2024
Ce Contrat d’Exploitation et de Partage de Production (CEPP) devrait induire un afflux substantiel d’investissements directs étrangers (IDE) et optimiser la répartition de la rente pétrolière. Cette initiative s’inscrit dans une stratégie de développement économique ambitionnant à maximiser la valeur ajoutée du secteur extractif. Le CEPP est conçu comme un mécanisme de croissance endogène, favorisant le transfert de technologies et le développement du capital humain local. Il intègre des dispositions aspirant à renforcer les effets d’entraînement sur l’économie domestique, notamment à travers des clauses de contenu local.
Cette alliance « public-privé » s’aligne sur les objectifs de diversification économique du Gabon, tout en consolidant sa position dans la chaîne de valeur mondiale de l’industrie pétrolière. Elle devrait contribuer à améliorer la balance commerciale du pays et à renforcer sa résilience face aux chocs exogènes sur les marchés des matières premières. En somme, cet accord représente un levier stratégique pour accélérer la croissance économique, augmenter les recettes fiscales, et promouvoir un développement durable du secteur énergétique gabonais.
Une nouvelle impulsion pour l’économie pétrolière gabonaise
Le 17 septembre 2024 marque un tournant dans la politique énergétique gabonaise avec la signature d’un nouveau Contrat d’Exploitation et de Partage de Production (CEPP) entre l’État et Maurel & Prom. Cette initiative innove dans une stratégie de relance sectorielle ayant pour but de dynamiser l’industrie des hydrocarbures, pilier de l’économie nationale.
Le choix de Maurel & Prom, opérateur établi depuis plus de 15 ans au Gabon, reflète une approche de partenariat stratégique basée sur l’expertise sectorielle et la connaissance du bassin sédimentaire local. Cette décision s’aligne sur les objectifs de maximisation et d’efficience dans l’exploitation des ressources naturelles.
Le CEPP concerne un bloc offshore profond de 1 200 km² dans le bassin de Port-Gentil, avec des réserves potentielles estimées à plus de 250 millions de barils. Cette découverte pourrait augmenter la production nationale de 15 % d’ici à 2030, fouettant significativement la croissance du PIB et les recettes d’exportation.
Ce contrat intervient dans un contexte macroéconomique favorable, caractérisé par une stabilisation des cours du pétrole autour de 80 dollars le baril, créant un environnement propice aux investissements directs étrangers dans le secteur extractif. L’accord prévoit un investissement de 6 milliards de francs CFA (environ 9,15 millions d’euros) sur huit ans, représentant un afflux substantiel de capitaux étrangers dans un secteur qui contribue à environ 65 % des recettes budgétaires de l’État. Cette injection de capital vise à stimuler la croissance économique et à diversifier la base productive nationale.
La signature de ce CEPP met fin à une période de quatre ans sans nouveaux contrats d’exploration, malgré l’adoption d’un nouveau code pétrolier en juillet 2019 visant à améliorer l’attractivité du pays pour les investisseurs. Cette relance de l’activité exploratoire témoigne d’une volonté politique de redynamiser un secteur clé de l’économie gabonaise. Cette initiative s’aligne sur la stratégie macro-économique articulée par Marcel Abéké, nommé à la tête du Ministère du Pétrole et des Hydrocarbures en septembre 2023. Dès son entrée en fonction, il a souligné le rôle pivot du secteur des hydrocarbures dans la structure productive nationale, s’engageant à maximiser ses effets multiplicateurs sur l’économie. Sa vision ambitionne d’optimiser la contribution de cette industrie extractive au PIB, aux recettes fiscales et à la balance commerciale du Gabon, dans une perspective de croissance durable et de diversification économique.
Le contrat d’Exploitation et de Partage de Production (CEPP) : Analyse économique du secteur pétrolier Gabonais
Le CEPP signé avec Maurel et Prom prévoit un investissement initial de 150 millions de dollars sur une période de cinq ans pour la phase d’exploration. Le régime fiscal associé comporte un taux de redevance progressif allant de 10 % à 15 %, indexé sur les niveaux de production. La clause de « contenu local renforcé » fixe un objectif ambitieux : atteindre 60 % d’emplois locaux d’ici à 2030, contre une moyenne sectorielle actuelle de 40 %, soit une augmentation de 20 points de pourcentage sur six ans. Le mécanisme de « prix plancher » garantit un revenu minimum à l’État gabonais, tandis que le système de « super-profits » s’active lorsque le cours du baril dépasse 100 dollars, assurant une répartition plus favorable des bénéfices exceptionnels. Un fonds environnemental de 50 millions de dollars est prévu pour la conservation de la biodiversité côtière. Le potentiel pétrolier gabonais reste largement sous-exploité :
- Total des blocs pétroliers : 96
- Blocs en exploitation : 17 (soit 17,7 % du total) • 7 blocs offshore (41,2 % des blocs exploités) • 12 blocs onshore (58,8 % des blocs exploités)
- Blocs inexploités : 79 (82,3 % du total) • 62 blocs offshore disponibles • 13 blocs onshore disponibles
Le 12ᵉ appel d’offres a porté sur l’attribution de 35 blocs en eaux profondes et ultra-profondes, représentant 36,5 % du total des blocs disponibles. Ces chiffres soulignent l’ampleur des opportunités de développement dans le secteur pétrolier gabonais, avec plus de 80 % des blocs encore inexploités. Le gouvernement vise à capitaliser sur ce potentiel pour stimuler la croissance économique nationale. Il est important de noter que ce pacte est l’aboutissement d’un processus de négociation qui a débuté plusieurs mois auparavant. En effet, le 13 mai 2024, en marge du forum sur les investissements énergétiques en Afrique à Paris, le Ministre Marcel Abeke avait rencontré Olivier Clément de Lagavant, CEO de Maurel & Prom. Lors de cette rencontre, les deux hommes avaient longuement discuté des sujets d’intérêt communs entre le Gabon et la société pétrolière, dont le projet de signature du CEPP EF9. Cette promotion active du potentiel pétrolier gabonais semble avoir porté ses fruits, comme en témoigne la signature de ce nouveau CEPP.
Perspectives macroéconomiques du nouveau CEPP gabonais
La conclusion du CEPP s’écrit dans un contexte de restructuration structurelle du secteur des hydrocarbures gabonais. Après une période de décroissance des produits pétroliers, l’industrie extractive nationale se trouvait à un point d’inflexion critique. Sous l’égide du nouveau régime, via l’action du ministère de tutelle, une refonte réglementaire ambitieuse a été initiée pour stimuler la relance sectorielle. L’accord avec Maurel et Prom est considéré comme un projet pilote pour évaluer l’efficacité de ce nouveau cadre incitatif.
Néanmoins, les réalités opérationnelles imposent une approche prudente. Les challenges technologiques inhérents à l’exploration offshore en eaux profondes sont substantiels. Le taux de réussite moyen pour ces forages n’excède pas 30 % à l’échelle internationale. En outre, le décalage entre la phase de prospection et celle de production peut s’étendre sur un cycle pluriannuel, différant ainsi le retour sur investissement et les externalités positives anticipées.
L’acceptabilité sociétale du projet constitue également un enjeu majeur. Les populations littorales, sensibilisées par des précédents de dégradation environnementale, examinent attentivement les engagements écologiques de Maurel et Prom. L’exécutif devra faire preuve de gouvernance transparente et d’une communication efficace pour justifier la pertinence de cet investissement dans les énergies fossiles, dans un contexte global de transition vers une économie bas-carbone.
Externalités positives et perspectives macroéconomiques pour le Gabon
Ce « Contrat d’Exploration et de Partage de Production (CEPP) » représente un vecteur potentiel de croissance endogène pour l’économie gabonaise. Le ministre Marcel Abéké a souligné l’impact multiplicateur attendu sur le tissu économique local. L’accent mis sur le capital humain et le transfert technologique devrait stimuler la productivité de la main-d’œuvre gabonaise à long terme.
En termes d’investissements, le développement du bloc pétrolier implique des injections substantielles de capitaux dans les infrastructures régionales, avec des effets d’entraînement anticipés sur l’économie locale. Les recettes fiscales projetées devraient contribuer à l’assainissement des finances publiques.
Néanmoins, la viabilité du projet ne saurait être évaluée uniquement à travers le prisme des indicateurs macroéconomiques traditionnels. L’enjeu réside également dans l’optimisation de l’exploitation des ressources naturelles selon les principes de durabilité économique. Le CEPP entre le Gabon et Maurel et Prom se situe dans une stratégie de développement axée sur la valorisation des avantages comparatifs du pays dans le secteur des hydrocarbures, tout en visant une croissance inclusive. La concrétisation de ces objectifs dépendra de la capacité à surmonter les défis inhérents à l’économie de rente.
Le ministère devra veiller à la mise en œuvre efficiente de ce projet, en maximisant les retombées positives pour l’économie nationale. Par ailleurs, il sera crucial de maintenir une politique de diversification économique pour atténuer la dépendance aux hydrocarbures et favoriser une résilience accrue de l’économie gabonaise face aux chocs exogènes.