20 novembre 2023 -Justice sélective sous la Transition au Gabon/ Montage : ©DBNEWS
20 novembre 2023 -Justice sélective sous la Transition au Gabon/ Montage : ©DBNEWS

À la suite du renversement du régime d’Ali Bongo Ondimba le 30 août 2023 par l’armée, la transition politique en cours au Gabon semble avoir fait le choix malencontreux d’une justice à géométrie variable, propre à semer le doute.

20 novembre 2023 -Justice sélective sous la Transition au Gabon/ Montage : ©DBNEWS
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L’après 30 août : La justice au Gabon

Dans l’émission « Frontal » du 4 octobre 2023, diffusée sur la Nouvelle Chaîne Africaine et animée avec brio par M. Richard Togbé, j’avais mis en exergue avec justesse que le pillage du Gabon sous la gouvernance dAli Bongo Ondimba ne pouvait être perpétré sans son assentiment tacite.

En août 2023, alors qu’il entamait sa campagne électorale, l’ancien président déchu clamait être en pleine forme et en parfaite santé. De telles déclarations suscitaient l’étonnement, tant elles étaient en décalage avec la réalité. On s’interroge donc sur la décision des autorités de transition d’accorder l’impunité à M. Ali Bongo Ondimba pour ses 14 années de gestion calamiteuse aux commandes du Gabon. L’ancien dirigeant demeure immaculé, tel un innocent égaré parmi les décombres auxquels il a largement contribué.

Une transition en trompe-l’œil

Sous la présidence d’Ali Bongo Ondimba, le Gabon a été le théâtre d’un pillage effréné de ses ressources, ayant des conséquences funestes pour la population. Pourtant, le général BRICE CLOTAIRE OLIGUI Nguema et son gouvernement ont choisi de fermer les yeux sur ces exactions, laissant M. Ondimba échapper à toute responsabilité judiciaire.

Pendant ce temps, le peuple gabonais, qui a payé un lourd tribut sous la gouvernance néfaste et prédatrice d’Ali Bongo Ondimba, se voit bâillonné et privé de toutes les voies de recours, ordinaires et extraordinaires, offertes par le Code judiciaire.

« Circulez, il n’y a rien à voir » semble être la ligne de conduite des militaires. Cette injustice flagrante, masquée sous le manteau de l’impunité, soulève des questions cruciales sur la véritable nature de la transition en cours au Gabon.

L’absolution accordée à M. Ali Bongo Ondimba apparaît comme un déni des souffrances endurées par le peuple gabonais et une mise en garde contre toute quête légitime de justice. Ce traitement de faveur est une offense pour la population qui a tant pâti. Cette nébuleuse de justice à géométrie variable envoie un message alarmant, celui que les puissants sont au-dessus des lois. Elle risque aussi d’éroder la confiance des citoyens dans le gouvernement de transition, censé incarner un nouveau départ pour le pays.

« Là où la justice montre du doigt les puissants, l’injustice ferme les yeux« , disait Jean de La Fontaine.

 La clémence ambiguë de la Transition envers les piliers de l’ancien régime

Lorsque l’iniquité prend le relais de l’arbitraire, il est manifeste que les principes de l’État de droit sont bafoués. Le droit ne saurait en effet faire de distinction ou transiger : il se doit de s’appliquer à tous de manière égale, en sanctionnant chaque faute à la mesure de sa gravité.

Pourtant, au Gabon, la justice transitionnelle semble vouloir accorder l’impunité aux figures de proue du régime déchu d’Ali Bongo Ondimba. Une mansuétude pour le moins ambiguë et inquiétante, qui contraste avec les souffrances endurées par le peuple gabonais ces dernières années. Quand la clémence se mue en complaisance envers les puissants, comment espérer jeter les bases d’une véritable refondation démocratique ?

Vers une réconciliation nationale illusoire

Plutôt que d’étouffer les crimes du passé, la priorité devrait être de rendre justice aux victimes et de combattre l’impunité. Le président renversé n’est cependant le seul à profiter des bonnes dispositions des nouvelles autorités du pays, il y a notamment, Mme Marie-Madeleine Mborantzuo, ancienne présidente de la cour constitutionnelle ; Mme Lucie Milebou-Aubusson (épouse Mboussou), ancienne présidente du sénat ; M. Faustin BOUKOUBI, ancien président de l’Assemblée nationale, Mme Denise Mekam’ne Edzidzie, plusieurs fois ministre, dont ministre d’État aux Relations avec les institutions constitutionnelles sous Ali Bongo ; M. Julien Nkoghé Bekale et Alain Claude Bilié bi Nzé, tous les deux (2), anciens premiers ministres d’Ali Bongo ; Henri-Claude Oyima, le président-fondateur du groupe bancaire BGFI, etc. Une véritable réconciliation nationale nécessite d’abord la reconnaissance des tourments endurés par le peuple. Tant que l’élite politique continuera à s’octroyer des privilèges, la transition au Gabon demeurera une illusion.

Une justice à double vitesse

Peut-on sincèrement prétendre que Madame Sylvia Bongo Ondimba, Noureddine Bongo Valentin et leur entourage sont les uniques responsables des turpitudes ayant émaillé la gouvernance du Gabon ? Force est de constater que depuis l’avènement des militaires, ces derniers sont les seuls à avoir été incarcérés à la prison centrale de Libreville.

Une détention qui sonne comme un troublant message, tant elle contraste avec l’impunité accordée à l’ancien président et à bon nombre de dignitaires de l’ancien régime. Difficile dans ces conditions de croire en la moralisation promise par la transition. La justice semble s’être égarée en chemin.

Par Anne Marie DWORACZEK-BENDOME
Journaliste

20/11/2023

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