Référendum du 16 novembre 2024 : Les jeux sont faits avec la bénédiction de Paris
Référendum du 16 novembre 2024 : Les jeux sont faits avec la bénédiction de Paris

Le coup d’État du 30 août 2023 promettait un nouveau départ pour le Gabon. Pourtant, derrière les promesses de changement, les mêmes visages et stratégies semblent toujours dominer la scène politique.

Par Anne Marie DWORACZEK-BENDOME | 18 octobre 2024

Référendum du 16 novembre 2024 : Les jeux sont faits avec la bénédiction de Paris
Référendum du 16 novembre 2024 : Les jeux sont faits avec la bénédiction de Paris

Coup d’État au Gabon : un changement de décor ou une pièce de théâtre jouée d’avance ?

Le 30 août 2023, un coup d’État militaire a balayé Ali Bongo Ondimba et son clan du pouvoir, faisant naître un espoir profond de renouveau au Gabon. Pourtant, ce qui devait être le début d’une ère de justice et de transformation ressemble de plus en plus à une simple réécriture d’un vieux scénario, où les acteurs changent de costume, mais où la trame reste la même. Le peuple, assoiffé de changement, risque de se retrouver une fois encore floué, pris au piège d’un théâtre politique où les cartes sont distribuées à l’avance.

Octobre 2024. Fabrice Mauriès, nouvel ambassadeur de France et l’ancien 1ᵉʳ ministre Alain Claude By Bilié bi Nzé
Octobre 2024. Fabrice Mauriès, nouvel ambassadeur de France et l’ancien 1ᵉʳ ministre Alain Claude By Bilié bi Nzé

Le mystère Alain Claude Bilié By Nzé : acteur ou figurant ?

Alain Claude Bilié By Nzé, ancien Premier ministre d’Ali Bongo, a su, avec une rare dextérité, se maintenir au centre de la scène politique. Cet homme, autrefois perçu comme un second rôle sans avenir, a réussi à « tuer » symboliquement ses mentors, comme Paul Mba Abessole, et à tracer son propre chemin à coups de manœuvres politiques et d’intelligence tactique. Mais ne nous méprenons pas : s’il a pu s’imposer aujourd’hui comme une figure de l’opposition, c’est aussi parce que le script du pouvoir le permet. À croire que dans ce jeu de dupes, « le caméléon a peut-être changé de couleur, mais il reste le même animal. »

Bilié By Nzé semble jouer habilement son rôle de contestataire, mais en y regardant de plus près, n’est-il pas lui-même un pur produit du système qu’il prétend dénoncer ? Certes, il organise des conférences, écrit un livre et a même fondé un mouvement politique, mais ces actions suffisent-elles à dissimuler le fait qu’il a longtemps été un rouage de ce même régime ? Ne faut-il pas rappeler que ce personnage, aujourd’hui soi-disant opposant, a activement participé à la fameuse concertation de l’esplanade de la Défense en février 2023. Une mascarade politique orchestrée par l’ancien régime pour légitimer la candidature à vie d’Ali Bongo Ondimba ?

D’ailleurs, il n’était pas le seul à prendre part à cette comédie. L’actuel ministre de la Justice de la Transition, Paul-Marie Gondjout, était, lui aussi, présent, cautionnant par sa participation cette farce démocratique. Ce forum n’avait pour but que de garantir à Ali Bongo un siège à vie, et aujourd’hui, les mêmes acteurs se retrouvent étrangement bien placés dans ce nouveau décor politique.

Comme l’a si bien dit Machiavel : « Celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes. » N’est-ce pas exactement ce que nous voyons aujourd’hui ? – Un système où la peur et la manipulation sont toujours les outils de ceux qui se maintiennent au pouvoir, sous couvert d’un discours de changement. Est-ce cela la démocratie tant promise après le coup d’État ?

26 septembre 2024, image sur la remise des lettres de créance du nouvel Ambassadeur de France, Fabrice MAURIÈS, au chef de l’État gabonais, le général Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA
26 septembre 2024, image sur la remise des lettres de créance du nouvel Ambassadeur de France, Fabrice MAURIÈS, au chef de l’État gabonais, le général Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA

Le rôle ambigu de la France : gardienne ou marionnettiste ?

Dans cette pièce de théâtre politique, l’arrivée de Fabrice Mauriès, nouveau représentant de la France, introduit une dimension internationale captivante. Ses rencontres avec des personnalités influentes comme Alain Claude Bilié By Nzé, militant de base du Parti Démocratique Gabonais (PDG), et Angélique Ngoma, la récente secrétaire générale de cette même formation, soulèvent de sérieuses interrogations. 

Le parti démocratique Gabonais a en effet repris ses activités avec la bénédiction des militaires, alors qu’il aurait dû être mis en sourdine, conformément aux recommandations du dialogue national inclusif d’avril 2024. Ce retournement soulève de sérieuses interrogations sur la véritable volonté de changement des nouveaux dirigeants. Est-ce là une simple façade pour apaiser les esprits, ou s’agit-il d’une manœuvre calculée pour maintenir le contrôle sur le paysage politique ? Les promesses de réformes et de transition semblent de plus en plus illusoires, tandis que les mêmes acteurs continuent d’évoluer sur la scène politique, comme si rien n’avait changé. Le statu quo persiste, et avec lui, les doutes quant à la sincérité des intentions de ceux qui prétendent vouloir renouveler la démocratie gabonaise.

Est-ce une simple coïncidence diplomatique, ou un acte intentionnel de soutien tacite à ceux qui préservent le statu quo ? La France, dans ses relations historiques et souvent tumultueuses avec le Gabon, semble être en phase avec ce qui se déroule. Entre l’appui à des idéaux démocratiques et la sauvegarde de ses propres intérêts stratégiques, Paris se trouve dans une position délicate. Blanc bonnet, bonnet blanc !

Comme l’a si bien dit Sartre : « L’homme est condamné à être libre. » Mais de quelle liberté s’agit-il ici ? Celle de choisir entre différentes facettes d’un même pouvoir, où chaque option ne représente qu’un reflet d’une réalité immuable ? Ou bien celle d’être un spectateur passif d’un spectacle où tout est déjà décidé à l’avance, comme dans une tragédie écrite par des dramaturges invisibles ? Le coup d’État n’a-t-il été qu’un simple écran de fumée, destiné à apaiser les foules, pendant que le système en place renforce son emprise sur le pays ?

Alors que les Gabonais aspirent à un changement authentique, la façade d’une transition politique ne fait que masquer les mêmes visages qui ont été aux commandes pendant des décennies. Les promesses de renouveau résonnent comme des échos lointains, tandis que la réalité sur le terrain dépeint un tableau bien plus sombre. Ce tourbillon de manœuvres politiques soulève une question essentielle : à quel prix la prétendue liberté sera-t-elle acquise ? La démocratie, tant vantée, ne semble-t-elle pas être qu’une illusion entretenue pour dissimuler la continuité d’un régime qui se refuse à céder véritablement le pouvoir  ?

14 octobre 2024, image Audience accordée par la SG, Angelique NGOMA à l’Ambassadeur Haut Représentant de la République Française près la République Gabonaise, Son Excellence M. Fabrice MAURIES.
14 octobre 2024, image Audience accordée par la SG, Angelique NGOMA à l’Ambassadeur Haut Représentant de la République Française près la République Gabonaise, Son Excellence M. Fabrice MAURIES.

Un peuple trahi par les illusions de changement

Le peuple gabonais, qui croyait en une rupture avec les abus du passé, se retrouve une nouvelle fois pris dans un piège savamment tendu. Ceux qui, hier, étaient les bourreaux de la nation semblent aujourd’hui se repositionner comme ses sauveurs. Le fameux slogan « l’essor vers la félicité » résonne désormais comme une mauvaise plaisanterie, une illusion vendue à un peuple qui ne demande qu’à y croire. En réalité, « c’est un vieux vin que l’on sert dans de nouvelles bouteilles », et ceux qui tiennent les rênes du pouvoir se contentent de faire des ajustements de façade.

Comme disait Frantz Fanon, « chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. » La génération actuelle de Gabonais est-elle en train de voir sa mission trahie, étouffée par des élites autoproclamées qui, derrière le masque du renouveau, n’ont que leurs propres intérêts en ligne de mire ?

À suivre…

DBnews

 

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.