Gabon : L'affaire Webcor ITP dévoile les failles de la Transition.
Gabon : L'affaire Webcor ITP dévoile les failles de la Transition.

Dans le silence assourdissant des institutions gabonaises, l’affaire Webcor ITP révèle l’ampleur du défi qui attend le pays dans sa quête de renouveau démocratique.

Par Anne Marie DWORACZEK-BENDOME | 17 septembre 2024

Les promesses trahies de la Transition

Lorsque le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) a pris les rênes du pouvoir le 30 août 2023, les Gabonais ont cru voir poindre l’aube d’une ère nouvelle. La promesse d’éradiquer la corruption et de restaurer l’intégrité des institutions résonnait comme un écho aux aspirations profondes d’un peuple las des dérives de l’ancien régime. Aujourd’hui, l’affaire Webcor ITP vient brutalement rappeler que le chemin vers la rédemption est semé d’embûches, quand il n’est pas délibérément saboté par ceux-là mêmes qui devaient le tracer.

Le protocole transactionnel signé par l’Agence judiciaire de l’État (AJE) et le Conseil d’État, engageant l’État gabonais à verser plus de 70 milliards de FCFA à la société maltaise Webcor ITP, est plus qu’une simple erreur de jugement. C’est un camouflet infligé à la souveraineté nationale et un désaveu cinglant des principes qui ont justifié le changement de régime. Comment expliquer qu’un gouvernement de transition, censé incarner la rupture avec les pratiques du passé, puisse s’engager dans une transaction aussi douteuse, en contradiction flagrante avec une décision favorable de la Cour d’appel de Paris ?

Gabon : L'affaire Webcor ITP dévoile les failles de la Transition.
Gabon : L’affaire Webcor ITP dévoile les failles de la Transition.

Une justice aux abonnés absents

Le silence assourdissant du parquet de la République face à la plainte déposée par Hervé Patrick Opiangah le 8 juillet 2024 est symptomatique d’un mal plus profond qui ronge les institutions gabonaises. Plus de deux mois après le dépôt de cette plainte courageuse, l’inaction de la justice soulève des questions troublantes sur son indépendance et sa détermination à lutter contre la corruption.

Cette paralysie judiciaire contraste de manière saisissante avec la réactivité dont font preuve les tribunaux dans des affaires de moindre envergure. Elle alimente les soupçons d’une justice à deux vitesses, prompte à s’abattre sur les petits délinquants, mais curieusement indulgente lorsqu’il s’agit de crimes en col blanc impliquant les hautes sphères du pouvoir.

L’incapacité – ou le refus – du parquet à enquêter sur des allégations aussi graves que la concussion, la fraude fiscale et la haute trahison jette une ombre inquiétante sur la crédibilité du processus de transition. Cette inertie judiciaire sape les fondements mêmes de l’État de droit que le CTRI prétendait restaurer et alimente la défiance des citoyens envers leurs institutions.

Diane Moussounda, Directrice générale de l’AJE serait la belle sœur du Président de la Transition
Diane Moussounda, Directrice générale de l’AJE

La souveraineté nationale bradée sur l’autel des intérêts occultes

L’affaire Webcor ITP soulève des questions cruciales sur la protection des intérêts nationaux face aux pressions extérieures. En acceptant de verser une somme colossale à une entreprise étrangère, malgré une décision de justice favorable, les signataires du protocole transactionnel ont fait preuve d’un mépris flagrant pour la souveraineté du Gabon.

Cette capitulation inexplicable face aux intérêts d’une société maltaise aux contours flous jette une lumière crue sur les zones d’ombre qui persistent au cœur du pouvoir gabonais. Quelles forces occultes, quels intérêts personnels ont pu motiver une décision aussi contraire aux intérêts de la nation ? Le spectre de la corruption, que le CTRI s’était engagé à combattre, semble plus que jamais présent dans les couloirs du pouvoir.

L’ironie de la situation n’échappe à personne : ceux qui se présentaient en gardiens de la souveraineté nationale semblent aujourd’hui prêts à la brader au plus offrant. Ce revirement spectaculaire soulève des doutes légitimes sur la sincérité des engagements pris lors de la prise du pouvoir et sur la capacité réelle du CTRI à incarner le changement tant espéré.

Jean Paul Komanda, ancien 1er Président du Conseil d'État gabonais
Jean-Paul Komanda, ancien 1ᵉʳ Président du Conseil d’état gabonais

L’urgence d’une mobilisation citoyenne

Face à cette situation alarmante, l’heure est à la mobilisation citoyenne. Le peuple gabonais, qui a placé ses espoirs dans le processus de transition, ne peut rester spectateur de ce qui s’apparente à une trahison de ses aspirations les plus profondes.

L’affaire Webcor ITP doit servir de catalyseur à un sursaut démocratique. Les organisations de la société civile, les syndicats, les intellectuels et chaque citoyen épris de justice ont le devoir de se lever pour exiger des comptes. Il est temps que le peuple gabonais fasse entendre sa voix et refuse catégoriquement la perpétuation d’un système qui bafoue ses droits et hypothèque son avenir.

La communauté internationale, trop souvent complaisante face aux dérives de la gouvernance en Afrique, doit également prendre ses responsabilités. Les partenaires du Gabon ne peuvent continuer à fermer les yeux sur des pratiques qui minent les fondements de la démocratie et compromettent le développement du pays.

L’affaire Webcor ITP représente un tournant crucial pour le Gabon. Elle met à nu les défis colossaux qui attendent le pays dans sa quête de renouveau démocratique. La manière dont cette crise sera gérée dans les semaines à venir sera révélatrice de la capacité réelle du CTRI à incarner le changement.

Le peuple gabonais se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Soit il se résigne à voir ses espoirs de changement une nouvelle fois déçus, soit il se mobilise pour exiger une véritable refondation de ses institutions. L’affaire Webcor ITP doit être le point de départ d’une prise de conscience collective et d’une mobilisation citoyenne sans précédent.

L’avenir du Gabon est entre les mains de son peuple. Il est temps que les citoyens prennent leur destin en main et exigent une gouvernance transparente, responsable et véritablement au service de l’intérêt national. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que le pays pourra enfin tourner la page des années de mauvaise gouvernance et s’engager sur la voie d’un développement durable et équitable.

DBnews

 

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