Steeve Akam, alias Ramon Cotta, réfugié au Gabon et critique virulent de Paul Biya, a été extradé vers le Cameroun.
À ce qui semble, il ne fait plus bon vivre au Gabon pour les Camerounais opposés au régime de Paul Biya, âgé de 91 ans (né le 13 février 1933) et à la tête du pays depuis novembre 1982, célébrant ainsi récemment ses 41 ans au pouvoir sans partage. Steeve Akam, plus connu sous le nom de Ramon Cotta, un activiste camerounais réfugié à Libreville, a été arrêté le week-end dernier avant d’être extradé au Cameroun.
L’arrestation inattendue
Après avoir fui le Cameroun, son pays d’origine, Steeve Akam, connu sous le pseudonyme de Ramon Cotta, s’est réfugié au Gabon depuis plusieurs années. Depuis Libreville, il critiquait ouvertement le régime de Paul Biya sur les réseaux sociaux, pensant sans doute être à l’abri. Cependant, il n’avait pas anticipé le rapprochement diplomatique entre Libreville et Yaoundé après la chute du régime d’Ali Bongo Ondimba et l’accession au pouvoir de Brice Clotaire Oligui Nguema, qui entretient d’excellentes relations avec Paul Biya.
Ramon Cotta vivait au Gabon depuis bien avant 2009. Il a été garde du corps pour André MBA Obame, décédé aujourd’hui et candidat à la présidentielle de cette année-là. Marié à une Gabonaise avec qui il a des enfants, il était profondément intégré dans son pays d’accueil. Selon la Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951, un réfugié ne doit pas être expulsé vers un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées. Bien que Ramon Cotta n’ait pas eu officiellement le statut de réfugié politique, ses conditions de vie et son intégration au Gabon lui accordaient des protections en vertu des droits humains internationaux.
kidnapping
Enlevé par des inconnus au cœur du plus grand marché de Libreville, Mont-Bouët, où il exerçait une activité commerciale, ses proches étaient sans nouvelles de lui depuis le vendredi 19 juillet 2024. C’est seulement au bout de 72 heures que l’activiste camerounais est apparu dans une vidéo vite devenue virale. Menotté, entouré des membres des forces de sécurité gabonaise, à Kye-ossi, forcé par ses suppliciés de demander pardon à Paul Biya, à la ville frontalière entre le Gabon et le Cameroun, il demande pardon aux autorités de son pays d’accueil, mais surtout à celui qu’il appelle désormais son “père”, le dirigeant camerounais, Paul Biya.
Il est essentiel de rappeler les protections internationales en matière de liberté d’expression : Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) : L’article 19 garantit à chacun le droit à la liberté d’opinion et d’expression, y compris la liberté de recevoir et de diffuser des informations sans ingérence. Le pacte International relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) : L’article 19 protège également ce droit. Ces normes protègent les critiques, même sévères, envers un régime politique et ne peuvent justifier des mesures de répression ou d’extradition injustifiées.
Une extradition controversée
Steeve Akam alias Ramon Cotta serait « accusé d’activités subversives contre le président camerounais », son extradition « a été facilitée par une collaboration entre les gouvernements gabonais et camerounais », croit savoir le média en ligne Cameroun web. Selon une source bien informée, en plus de ses critiques acerbes à l’égard du régime de Paul Biya dont il dénonçait la mauvaise gouvernance, Steeve Akam alias Ramon avait des relations tendues avec l’ambassadrice du Cameroun au Gabon, Ngaeto Zam Edith Félicie Noëlle. Il dénonçait régulièrement la hausse des frais de délivrance des cartes consulaires et d’autres documents administratifs fournis par l’ambassade du Cameroun au Gabon. Si le Gabon était un refuge pour tous les Camerounais opposés au pouvoir de Paul Biya, à ce qui semble ce n’est plus le cas.
L’affaire Ramon Cotta : Une extradition qui met à mal les droits de l’homme
L’arrestation et l’extradition de Ramon Cotta soulèvent de sérieuses inquiétudes concernant le respect des droits de l’homme et des procédures judiciaires. Les Principes de Bangkok sur l’extradition, adoptés par l’ONU, stipulent clairement que les procédures judiciaires et les droits de l’individu doivent être scrupuleusement respectés lors des demandes d’extradition. Dans le cas de Ramon Cotta, l’absence d’une procédure judiciaire équitable avant son extradition constitue une violation flagrante de ces principes.
En outre, la Convention contre la Torture des Nations Unies, en son article 3, interdit à tout État d’expulser une personne vers un pays où il existe des raisons sérieuses de croire qu’elle pourrait être soumise à la torture. Le régime de Paul Biya au Cameroun, notoirement connu pour ses violations systématiques des droits de l’homme, comme l’ont documenté de nombreux rapports internationaux, rend cette extradition particulièrement préoccupante.
Le Laisser des autorités judiciaires
Comment peut-on laisser les forces judiciaires d’un autre pays venir arrêter une personne au Gabon ? Cela signifie qu’il n’y a pas eu de changement à la tête de l’État gabonais. Selon les dénonciations sur les réseaux sociaux, l’ambassadrice du Cameroun au Gabon dispose d’informateurs bien introduits dans la communauté. De plus, d’après d’autres allégations, elle serait la nièce du dirigeant camerounais. Cela la place-t-elle au-dessus des plus hautes autorités du Gabon parce qu’elle est la nièce du tyran camerounais Paul Biya ?
Brice Clotaire Oligui Nguema
Ramon Cotta a combattu derrière tous les défenseurs de la démocratie en Afrique depuis le Gabon, il a soutenu les activistes sans relâche, sous le régime déchu d’Ali Bongo Ondimba, le 30 août 2023. Il a cru que le Gabon était une terre capable non seulement de l’accueillir, mais aussi de le protéger. Il a ainsi contribué à sa mesure à la fin d’un régime vieux de 56 ans. Il a été pris par les autorités de la transition et livré à la dictature camerounaise.
Oligui Nguema a fait un coup d’État de préservation du pouvoir, c’est triste et pathétique que le Gabon soit revenu à la case départ. C’est extrêmement grave ce qui s’est passé. Comment comprendre qu’on extrade un homme simplement pour ses opinions ? La CEMAC serait-elle une organisation mafieuse pour persécuter le peuple ? – C’est un kidnapping, et non pas une extradition qui en réalité obéit à une procédure.
Des précédents
L’affaire Cotta n’est pas sans rappeler autres cas similaires en Afrique, tels que l’extradition d’Ayuk Tabe par le Nigeria ou celle de Nnamdi Kanu par le Kenya. Ces événements dessinent un schéma préoccupant de coopération inter-étatique au détriment des opposants politiques.
La coopération entre le Gabon et le Cameroun en matière de sécurité soulève des questions cruciales concernant les droits de l’homme. Selon la Charte de l’Union africaine (UA) et l’Acte constitutif de l’UA, les États membres doivent promouvoir et protéger les droits de l’homme et s’abstenir de toute action qui pourrait violer les droits fondamentaux des individus.
Le régime de Paul Biya est régulièrement dénoncé pour ses violations des droits de l’homme. Les rapports des Nations Unies et d’Amnesty International documentent des cas de torture, de détentions arbitraires et de répression violente des opposants politiques.
Les Enjeux pour la démocratie régionale
Cette situation soulève des questions cruciales sur l’avenir de la démocratie dans la région. Le Gabon, qui aspirait à un renouveau démocratique après le coup d’État de 2023, voit son image ternie par cette affaire qui ravive les spectres du passé. L’extradition de Ramon Cotta représente une transgression manifeste de divers instruments internationaux et régionaux assurant la protection des droits humains et l’équité.
DBnews, Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME
25/07/2024