En décidant de bannir l’exportation de manganèse brut dès 2029, le Gabon déclenche la fureur d’Eramet. Une mesure souveraine qui illustre les frictions grandissantes entre les stratégies nationales et les ambitions d’une multinationale.
Les vieux réflexes
Madame Christel Bories, votre sortie médiatique du 16 juin dernier sur Boursorama marque un tournant révélateur dans cette bataille pour la souveraineté économique gabonaise. Face à la décision historique du gouvernement gabonais du 30 mai 2025 d’interdire l’exportation du manganèse brut à compter du 1er janvier 2029, vous avez choisi de dévoiler votre vrai visage : celui d’une dirigeante pétrie de mépris colonial, incapable d’accepter qu’un pays africain puisse reprendre le contrôle de ses ressources.
En tant que citoyenne gabonaise fière de ses origines, tout en reconnaissant l’hospitalité française dont je bénéficie, je ne peux laisser passer vos propos sans réagir. Car au-delà de votre personne, c’est tout un système d’exploitation néocoloniale que vous incarnez et défendez avec une arrogance qui force l’admiration… par son caractère anachronique.
Votre première erreur, Madame la PDG, consiste à croire que le Gabon sollicite votre avis pour définir sa politique économique. Nous ne sommes plus au temps des colonies où les décisions se prenaient dans les salons parisiens. Quand vous qualifiez notre pays de « petit pays de deux millions d’habitants », vous ne formulez pas une analyse géopolitique, mais un jugement de valeur méprisant qui révèle votre vision hiérarchisée du monde.
Cette logique pernicieuse voudrait que la taille démographique conditionne le droit à la souveraineté. Oseriez-vous tenir les mêmes propos sur la Norvège et ses 5,4 millions d’habitants ? Évidemment non, car votre double standard révèle ce que vous n’osez dire : pour vous, l’Afrique doit rester à sa place, celle du pourvoyeur docile de matières premières.
Petit pays !
Vos arguments techniques s’effondrent dès qu’on les confronte à la réalité. Depuis 2000, vos installations de Moanda transforment une partie de notre manganèse en utilisant notre énergie hydroélectrique. Votre Complexe Métallurgique, opérationnel depuis 2020, produit de l’oxyde de manganèse destiné aux marchés internationaux. Ces faits indiscutables pulvérisent vos allégations sur l’impossibilité technique de la transformation locale.
Votre hyperbole sur les infrastructures nécessaires, équivalant soi-disant à « deux fois la capacité de l’Europe« , relève de la manipulation pure. Le Gabon n’a besoin de transformer que SA production, pas celle du continent européen ! Cette exagération grotesque ne vise qu’à effrayer l’opinion et décourager une initiative parfaitement réalisable.
Le plus révoltant reste votre paternalisme assumé quand vous déclarez vouloir « aider » le Gabon à « faire ses arbitrages« . Cette condescendance insupportable nie notre capacité à prendre des décisions autonomes. Le Gabon est une République souveraine dirigée par des hommes compétents, parfaitement capables d’analyser les enjeux et de choisir leur voie de développement.
Le Président Brice Clotaire Oligui Nguema s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs – Léon Mba, Omar Bongo Ondimba, Ali Bongo Ondimba – qui ont tous œuvré pour la valorisation de nos ressources nationales. Sa décision du 30 mai répond à une question fondamentale : pourquoi continuer à enrichir vos actionnaires européens avec NOS richesses pendant que NOS populations peinent à bénéficier de LEURS propres ressources ?
Le sentiment de supériorité
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : vos milliards de bénéfices proviennent de notre sous-sol, exploité par notre main-d’œuvre, transformé avec notre énergie. Votre modèle économique repose entièrement sur cette captation de valeur que vous voulez maintenir coûte que coûte. L’époque où l’Afrique nourrissait aveuglément l’industrie européenne touche à sa fin, que cela vous plaise ou non.
Votre argument énergétique ne tient pas davantage. Le déficit de 335 MW que vous agitez comme un épouvantail est parfaitement gérable pour un pays disposant d’un immense potentiel hydroélectrique et de quatre années de préparation. D’ailleurs, si ce déficit était si rédhibitoire, comment expliquez-vous votre présence industrielle sur notre territoire depuis plus de vingt ans ?
Nous assistons à un moment historique où l’Afrique reprend ses destins en main. Le Gabon ouvre la voie vers une nouvelle ère de souveraineté économique. Nous pouvons avoir des divergences légitimes avec l’homme du 30 août 2023, mais nous ne tolérerons jamais que des profiteurs de nos richesses tentent de dicter notre politique industrielle ou de rabaisser notre nation.
Vos tentatives d’intimidation se brisent sur notre détermination. L’avenir du Gabon se construira selon NOS priorités, avec ou sans Eramet. Si vous acceptez de jouer le jeu d’un partenariat équitable et respectueux, vous resterez les bienvenus. Si vous persistez dans cette arrogance coloniale, d’autres partenaires moins complexés sauront saisir les opportunités que vous méprisez.
Nouvelle ère
Le temps des génuflexions africaines devant les oukases occidentaux appartient définitivement au passé. Nous assumons notre souveraineté et la défendrons contre toutes les tentatives de restauration néocoloniale, même déguisées en expertise technique.
Madame Bories, l’histoire vous regarde. Vous pouvez choisir d’accompagner cette mutation en acceptant un partenariat d’égal à égal, ou vous cramponner à vos privilèges coloniaux. Dans ce dernier cas, vous rejoindrez le musée des nostalgiques de l’empire.
Notre patience a des limites et notre détermination n’en a aucune. L’avenir du Gabon s’écrit à Libreville, pas dans vos conseils d’administration parisiens.
Le message est cristallin : évoluez ou sombrez dans l’obsolescence. L’Afrique souveraine ne vous attendra pas.
Le Gabon maître de son destin !
Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME
24 juin 2025