Gabon 2025 : Une nouvelle législation sur les partis politiques

La nouvelle législation gabonaise sur les partis politiques, promulguée le 17 juin 2025, bouleverse radicalement l’architecture démocratique du pays. Sous prétexte d’assainissement, cette transformation impose des contraintes drastiques qui menacent directement le pluralisme politique et favorisent l’émergence d’un système présidentiel hégémonique dans la perspective des prochaines consultations électorales.

[Politique ], par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME

Gabon. La nouvelle législation gabonaise sur les formations politiques.
Gabon. La nouvelle législation gabonaise sur les formations politiques.

La réforme partis politiques Gabon 

« La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. » Cette célèbre citation d’Abraham Lincoln résonne étrangement face aux transformations en cours au Gabon. Effectivement, la loi sur les partis politiques Gabon du 17 juin 2025 instaure un dispositif contraignant qui exige désormais de chaque formation politique la constitution d’un socle d’au moins 12 000 adhérents munis d’un Numéro d’Identification Personnel (NIP). Cette mesure, présentée comme une modernisation nécessaire, constitue en réalité un filtre administratif d’une sévérité inédite dans l’actualité politique Gabon.

Au-delà de cette obligation quantitative, la législation exige également une présence territoriale effective dans plusieurs provinces, l’organisation régulière de congrès, une transparence financement politique Gabon supervisée par la Cour des comptes, ainsi qu’une participation obligatoire à deux scrutins consécutifs. Ces critères financement partis politiques Gabon créent un parcours du combattant que seules les structures disposant de moyens logistiques et financiers considérables peuvent espérer franchir. Dans un pays comptant 2 593 130 habitants au 25 juin 2025, mobiliser près de 12 000 citoyens identifiés administrativement représente un défi titanesque, particulièrement dans les zones rurales où l’accès aux services d’état civil demeure problématique.

Cette transformation s’inscrit officiellement dans la continuité du Dialogue National Inclusif d’avril 2024, qui avait pointé la fragmentation excessive du nombre de partis politiques Gabon avec 103 formations officielles. Néanmoins, les modalités choisies suscitent de vives inquiétudes quant à leurs conséquences sur la vitalité démocratique. Les observateurs politiques dénoncent unanimement un mécanisme qui favorise les organisations proches du pouvoir au détriment des structures alternatives ou des contestataires, transformant ainsi la rationalisation annoncée en instrument de domestication politique.

Gabon - Dialogue National Inclusif d'avril 2024.
Gabon – Dialogue National Inclusif d’avril 2024.

L’hécatombe programmée 

Par conséquent, cette nouvelle architecture législative condamne irrémédiablement de nombreuses formations qui ont façonné l’histoire du multipartisme gabonais depuis la démocratisation des années 1990. Les partis politiques reconnus au Gabon – comme le Parti gabonais du progrès (PGP), le Centre démocrate pour la jeunesse (CDJ) ou le Mouvement de redressement national (Morena) risquent purement et simplement de disparaître du paysage politique, non pas par le verdict des urnes, mais par l’application d’un couperet administratif implacable.

Cette élimination progressive des acteurs historiques s’accompagne d’une marginalisation systématique des voix alternatives et des mouvements citoyens émergents. Les formations issues de la société civile, l’opposition politique Gabon et les petites structures régionales se trouvent désormais dans l’impossibilité matérielle de satisfaire aux nouvelles exigences. L’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze dénonce explicitement cette « domestication du pluralisme« , alertant sur les dangers d’une concentration excessive des pouvoirs et d’une définition restrictive de la citoyenneté politique.

L’impact de cette sélection artificielle dépasse largement la simple réduction numérique des formations autorisées. Elle provoque une uniformisation idéologique préoccupante en éliminant les courants de pensée minoritaires, les approches critiques et les propositions alternatives qui nourrissaient traditionnellement le débat démocratique gabonais. Cette standardisation forcée transforme le multipartisme en façade institutionnelle, vidant progressivement la compétition politique de sa substance pluraliste et de sa capacité d’innovation. Le financement des partis politiques Gabon devient ainsi un enjeu crucial dans cette nouvelle configuration, où seules les formations disposant de ressources importantes pourront prétendre au maintien de leur statut légal.

3 JUIN 2025 – Libreville - Avant-projet de loi sur les partis politiques - le Chef de l’État recevant les conclusions du comité de rédaction.
3 JUIN 2025 – Libreville – Avant-projet de loi sur les partis politiques – le Chef de l’État recevant les conclusions du comité de rédaction.

Oligui Nguema et la construction d’un parti hégémonique

Parallèlement, le président Brice Clotaire Oligui Nguema, élu en avril 2025 comme candidat indépendant, s’apprête à créer sa propre formation politique dont le lancement, initialement prévu le 28 juin, a été reporté au 5 juillet 2025. Cette initiative stratégique, s’appuyant sur le réseau du Rassemblement des bâtisseurs qui avait soutenu sa candidature présidentielle, vise explicitement à doter l’exécutif d’un « outil politique fédérateur » capable d’incarner durablement sa vision gouvernementale en perspective des élections Gabon.

Cette création intervient dans un contexte législatif taillé sur mesure pour garantir la domination des grandes structures organisées. Contrairement aux formations historiques condamnées par les nouvelles exigences, le futur parti présidentiel bénéficie de tous les atouts nécessaires pour franchir aisément les obstacles administratifs : réseau militant étendu, ressources financières importantes, implantation territoriale structurée et soutien institutionnel. Cette asymétrie flagrante révèle la dimension stratégique d’une réforme qui, sous couvert de modernisation, organise méthodiquement l’avènement d’un système présidentiel dominant. Le fonctionnement partis politiques Gabon se trouve ainsi profondément modifié, privilégiant les structures capables de mobiliser massivement leurs sympathisants.

L’ambition affichée de construire une formation « inclusive considérant toutes les sensibilités » du pays masque mal la réalité d’une opération de recyclage politique. Cette nouvelle structure permettra d’absorber les anciens cadres du Parti démocratique gabonais (PDG) tout en évitant l’émergence d’une opposition structurée, reproduisant ainsi les mécanismes de contrôle et de verrouillage institutionnel caractéristiques de l’ancien système. Le futur parti présidentiel se profile comme un « PDG modernisé« , destiné à exercer une hégémonie comparable à celle de son prédécesseur dans un paysage artificiellement restreint à trois ou quatre formations survivantes. La question de la subvention partis politiques prendra une dimension particulière dans ce nouveau contexte, où le poids électoral des partis au Gabon déterminera largement l’accès aux ressources publiques et la répartition subventions selon des critères désormais drastiquement resserrés.

Gabon, Libreville. Image : Brice Clotaire Oligui Nguema annonçant l'organisation d'une assemblée générale initialement prévue le 28 juin et reportée depuis au 5 juillet 2025, pour le lancement de sa formation politique.
Gabon, Libreville. Image : Brice Clotaire Oligui Nguema annonçant l’organisation d’une assemblée générale initialement prévue le 28 juin et reportée depuis au 5 juillet 2025, pour le lancement de sa formation politique

Gabon : démocratie sous surveillance !

En définitive, cette mutation du système partisan gabonais annonce l’établissement d’un modèle politique profondément différent de celui qui prévalait depuis la démocratisation. Certes, les défenseurs de cette réforme pourraient légitimement invoquer l’exemple américain, où la démocratie fonctionne efficacement avec seulement deux formations dominantes : les Démocrates et les Républicains. Ils arguent également que le président Oligui Nguema mérite le bénéfice du doute, sa démarche s’inscrivant dans une logique de rationalisation légitime plutôt que de confiscation du pouvoir. Cette nouvelle configuration implique nécessairement une redéfinition des partis bénéficiaires d’argent public Gabon, où seules les formations répondant aux critères stricts pourront prétendre aux subventions étatiques.

Cependant, cette comparaison révèle ses limites face aux spécificités du contexte gabonais. Aux États-Unis, le bipartisme résulte d’une évolution historique naturelle sur plus de deux siècles, où les formations alternatives peuvent émerger et concurrencer les partis établis lors de chaque scrutin, sans entraves administratives préalables. Le système électoral américain, malgré ses défauts, garantit une alternance réelle et une compétition ouverte, contrairement au dispositif gabonais qui érige des barrières artificielles à l’entrée. De surcroît, les contre-pouvoirs institutionnels américains (Congrès, Cour suprême, États fédérés) offrent des mécanismes d’équilibre inexistants dans le système présidentiel gabonais.

Gabon. 17 juin 2025 - Réformes politiques - La nouvelle loi sur les partis adoptée par l’Assemblée nationale.
Gabon. 17 juin 2025 – Réformes politiques – La nouvelle loi sur les partis adoptée par l’Assemblée nationale.

 

L’argument de la bonne foi présidentielle bute également sur l’analyse des modalités concrètes de mise en œuvre. Si l’intention d’assainir un paysage politique fragmenté peut paraître louable, les moyens choisis révèlent une stratégie d’exclusion méthodique plutôt qu’une volonté d’amélioration démocratique. L’instauration simultanée de contraintes prohibitives pour les formations existantes et la création opportune d’un parti présidentiel parfaitement adapté à ces nouvelles exigences suggère une orchestration délibérée plutôt qu’une coïncidence heureuse.

Les prochaines législatives de septembre 2025, constitueront un test décisif pour mesurer l’impact réel de ces transformations sur la qualité démocratique gabonaise. Cette évolution place le Gabon à la croisée des chemins entre modernisation démocratique authentique et régression autoritaire déguisée, avec des conséquences durables pour l’ensemble de la nation.

 

DBnews, le 25 juin 2025

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