FOCAC 2024, le 9ᵉ Forum sur la Coopération sino-africaine, qui s’est achevé le 6 septembre 2024 à Beijing, marque un tournant majeur dans les relations entre la Chine et l’Afrique. Cet événement historique, qui a rassemblé les dirigeants de 53 pays africains et de la Chine, a abouti à l’adoption consensuelle de la Déclaration de Beijing, posant les jalons d’une « communauté d’avenir partagé Chine-Afrique de tout temps à la nouvelle ère« .
Par Anne Marie DWORACZEK-BENDOME | Date : 11 septembre 2024
Une nouvelle ère de coopération économique et financière
Le sommet a été marqué par l’annonce spectaculaire de 50 milliards de dollars de nouveaux financements chinois pour l’Afrique sur les trois prochaines années. Cette injection massive de capitaux vise à catalyser le développement des infrastructures, de l’agriculture et des énergies vertes sur le continent. Concomitamment, la Chine s’est engagée à accorder à l’Afrique un soutien global de 360 milliards de yuans RMB, soit environ 50 milliards de dollars. Comprenant une ligne de crédit de 210 milliards de yuans, de diverses aides pour 80 milliards de yuans, et un engagement d’investissements directs d’au moins 70 milliards de yuans par les entreprises chinoises.
Parmi les délégations africaines présentes, celle du Gabon, dirigée par le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, accompagné d’une importante délégation incluant Marcel Abeke, ministre gabonais du Pétrole et du Gaz. Le chef de l’État par intérim du Gabon, a mis en avant l’importance des nouveaux engagements financiers pour le développement économique du Gabon et de l’ensemble du continent africain.
Cette aide financière s’accompagne de mesures concrètes visant à faciliter les échanges commerciaux. Pékin s’est notamment engagé à accorder un traitement douanier à tarif zéro pour 100 % des catégories de produits provenant des pays les moins avancés entretenant des relations diplomatiques avec la Chine. Cette initiative, combinée à l’instauration de « corridors verts » pour les produits agricoles africains et au soutien à la création de pavillons nationaux africains dans la zone pilote de l’e-commerce « Route de la Soie« , devrait fortement stimuler les exportations africaines vers le marché chinois.
Par ailleurs, la Chine s’est engagée à annuler les dettes liées aux prêts intergouvernementaux sans intérêt non remboursées et arrivant à échéance fin 2024 des pays les moins avancés africains. Cette décision, saluée par de nombreux observateurs, répond aux préoccupations croissantes concernant le fardeau de la dette africaine et témoigne de la volonté chinoise d’adapter sa stratégie de coopération aux réalités économiques du continent.
L’industrialisation et la modernisation agricole au cœur des priorités
L’accent mis sur l’industrialisation et la modernisation agricole de l’Afrique constitue indéniablement l’un des points saillants de ce FOCAC. La Chine s’est engagée à établir des cercles de développement de la coopération industrielle sino-africaine dans les cinq sous-régions africaines. À réaliser des infrastructures nécessaires pour dix parcs industriels et à organiser 100 séminaires pour des professionnels de l’industrialisation. Ces initiatives s’inscrivent dans une volonté affichée de soutenir l’Afrique dans sa quête d’autonomie productive et de diversification économique.
Le ministre gabonais Marcel Abeke a exprimé une grande satisfaction quant à ces initiatives pour le Gabon, en mettant l’accent sur le fait que la diversification économique et l’industrialisation sont des priorités pour le gouvernement de transition. Il a notamment souligné les opportunités de coopération dans le domaine de la transformation des ressources naturelles, un secteur stratégique pour l’économie du pays.
Dans le domaine agricole, le programme est tout aussi ambitieux. Pékin prévoit de construire ou moderniser dix centres de démonstration de technologies agricoles, de développer 100 villages de démonstration de la réduction de la pauvreté par le développement agricole, et d’envoyer 500 agronomes en Afrique. Un accent particulier est mis sur l’innovation, avec la création d’une alliance Chine-Afrique pour l’innovation scientifique et technologique agricole et le développement de centres de coopération sur des technologies spécifiques comme le juncao et le bambou.
Ces initiatives s’accompagnent d’un volet formation substantiel, avec l’engagement de former 1000 entrepreneurs agricoles pionniers et de créer au moins un million de postes d’emploi par le biais des entreprises chinoises en Afrique. L’objectif affiché est non seulement d’accroître la productivité agricole, mais aussi de favoriser la transformation locale des produits et le développement de chaînes de valeur intégrées.
Une coopération renforcée dans les domaines du numérique et des énergies vertes
Le FOCAC 2024 a également mis en lumière l’importance croissante du numérique et des énergies vertes dans la coopération sino-africaine. Dans le domaine numérique, la Chine s’est engagée à établir des centres de coopération sur les technologies numériques et à promouvoir la réalisation en Afrique de 20 projets de démonstration sur les infrastructures numériques et la transition numérique. Cette initiative s’accompagne d’un important volet de formation, avec l’engagement de former 60 000 Africains dans divers domaines, notamment le numérique.
En matière d’énergies vertes, le sommet a vu l’adoption d’engagements concrets pour soutenir la transition énergétique de l’Afrique. La Chine s’est engagée à développer 30 projets d’énergies propres et de développement vert, et à mettre en place un fonds spécial sino-africain pour les chaînes industrielles vertes. Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre plus large de la lutte contre le changement climatique, un domaine dans lequel la coopération sino-africaine s’est considérablement renforcée ces dernières années.
Le ministre gabonais Marcel Abeke a souligné l’importance de ces engagements pour le Gabon, pays fortement engagé dans la préservation de son patrimoine forestier et la lutte contre le changement climatique. Il a évoqué les possibilités de coopération dans le domaine des énergies renouvelables, spécialement l’hydroélectricité, un secteur où le Gabon a un potentiel important.
Par ailleurs, le sommet a vu l’annonce de la création d’un forum Chine-Afrique sur l’utilisation pacifique des technologies nucléaires, illustrant la volonté de Pékin de partager son expertise dans ce domaine stratégique. La coopération spatiale n’est pas en reste, avec l’engagement de construire en Afrique un centre affilié au Centre de coopération sino-africaine sur l’application de la télédétection par satellite.
Renforcement des liens culturels et éducatifs
Au-delà des aspects économiques et technologiques, le FOCAC 2024 a accordé une place importante au renforcement des liens culturels et éducatifs entre la Chine et l’Afrique. Pékin s’est engagé à fournir la formation à 60 000 Africains, notamment à travers des programmes sur l’autonomisation des femmes et l’épanouissement des jeunes. La Chine a également annoncé la création ou la modernisation de dix Ateliers Luban et de 20 établissements scolaires en Afrique.
Dans le domaine culturel, le sommet a vu l’annonce de dix projets d’échanges humains et culturels, ainsi que la mise en œuvre d’un programme de coopération sino-africaine sur l’innovation audiovisuelle. L’année 2026 a été désignée comme l’Année sino-africaine des échanges humains et culturels, témoignant de la volonté des deux parties de renforcer la compréhension mutuelle et les liens entre leurs peuples.
La coopération dans le domaine de la santé a aussi été renforcée, avec l’annonce de la création d’une alliance des hôpitaux chinois et africains. La mise en place de centres de médecine conjoints et de médecine traditionnelle, et l’engagement d’envoyer en Afrique 2000 professionnels médicaux et experts de santé publique.
Perspectives et défis pour l’avenir de la coopération sino-africaine
Si le FOCAC 2024 a incontestablement marqué une nouvelle étape dans l’approfondissement des relations sino-africaines, il soulève également des questions sur la pérennité et l’impact à long terme de cette coopération. L’ampleur des engagements financiers et des projets annoncés témoigne de l’importance stratégique que la Chine accorde à l’Afrique dans sa politique étrangère. Cependant, la mise en œuvre effective de ces nombreuses initiatives représentera un défi considérable, tant pour la Chine que pour ses partenaires africains.
L’accent mis sur l’industrialisation et la modernisation agricole répond à une demande de longue date des pays africains pour une coopération plus axée sur le transfert de technologies et le développement des capacités productives locales. Néanmoins, la concrétisation de ces ambitions nécessitera une coordination étroite entre les différents acteurs impliqués et une adaptation aux réalités spécifiques de chaque pays africain.
Par ailleurs, bien que le sommet ait réaffirmé l’engagement de la Chine à respecter la souveraineté des pays africains et à ne pas s’ingérer dans leurs affaires intérieures, certains observateurs continuent d’exprimer des inquiétudes quant à l’asymétrie de la relation sino-africaine. La question de la dette africaine envers la Chine, malgré l’annonce d’annulations partielles, reste un sujet de préoccupation pour de nombreux pays du continent. Enfin, le renforcement de la coopération sino-africaine s’inscrit dans un contexte géopolitique en mutation, marqué par une compétition croissante entre grandes puissances sur le continent africain. La capacité de l’Afrique à tirer profit de ces rivalités tout en préservant son autonomie stratégique sera déterminante pour l’avenir de ses relations avec la Chine et les autres partenaires internationaux.
Transition : Forum – Chine & Gabon
La participation du Gabon, représenté par Brice Clotaire Oligui Nguéma, président de la Transition, illustre la complexité des enjeux actuels. En pleine période de transition politique, le pays s’efforce de consolider ses relations économiques avec la Chine tout en préservant son autonomie décisionnelle.
Dans ce contexte délicat, le Gabon considère la Chine comme un partenaire stratégique essentiel pour soutenir ses objectifs de développement. Depuis le coup d’État du 30 août 2023, et sous la pression des institutions financières internationales pour mettre un terme rapide à cette transition, le Gabon a intensifié ses alliances, en particulier avec la Chine. Le Plan national de développement de la Transition (PNDT) est désormais un pilier de cette collaboration, comme en témoigne le Forum sur la Coopération Sino-Africaine (Focac), organisé à Pékin en septembre 2024, accompagné du 2e forum Gabon-Chine en marge de l’événement.
Lors de ce forum, le président gabonais et sa délégation, notamment Marcel Abéké, ont discuté de questions clés pour l’avenir du Gabon. Ces échanges ont porté sur des enjeux tels que la diversification économique, la gestion durable des ressources naturelles et le développement des infrastructures, autant de domaines stratégiques pour assurer la prospérité du pays.
À cette occasion, le général Brice Clotaire Oligui Nguéma a salué l’engagement des entreprises d’État chinoises, prêtes à injecter 12,35 milliards USD, soit environ 7300 milliards de francs CFA, dans l’économie gabonaise. Cet investissement vise à financer des projets d’infrastructure de grande envergure, tels que la construction du chemin de fer reliant Belinga à Mayumba, le développement du port de Mayumba et l’aménagement de 3000 kilomètres de routes bitumées. Ces projets sont essentiels pour stimuler l’économie, renforcer la connectivité interne et faciliter l’accès aux marchés internationaux. Ils offrent également un élan crucial pour moderniser le pays, qui cherche à diversifier son économie encore largement tributaire des ressources naturelles, en particulier du pétrole.
Forum sur la Coopération sino-africaine Plan d’action de Beijing (2025-2027)
Le FOCAC 2024 a irréfutablement marqué un tournant dans la coopération sino-africaine, ouvrant de nouvelles perspectives dans des domaines cruciaux pour le développement du continent. La mise en œuvre effective des nombreux engagements pris lors de ce sommet sera scrutée de près dans les années à venir, et déterminera largement la nature et l’intensité des relations entre la Chine et l’Afrique à l’horizon 2030.