Nommé lors du Conseil des ministres du 19 décembre 2024, Persis Lionel Essono Ondo est désormais le directeur général du Fonds Gabonais d’Investissements Stratégiques (FGIS). Cette décision, marquée par un CV flou et des antécédents politiques discutables, soulève des questions sur la gestion des fonds publics et la crédibilité du régime.
Décryptage | Anne Marie DWORACZEK-BENDOME | 07/01/2025
Un curriculum vitae qui soulève des doutes
Persis Essono Ondo se présente comme un banquier d’affaires chevronné. Pourtant, ses expériences chez Natixis Capital Equity et Nexus Capital Market, des sociétés introuvables dans les registres officiels, jettent un doute sur son parcours. En effet, selon les registres britanniques, Racine Investment Bank ne dispose que de 100 livres sterling (environ 120 euros) d’actifs nets, et sa filiale ivoirienne, créée en 2024, n’a qu’un capital de 10 millions de FCFA (15 000).
Ces éléments contrastent fortement avec l’image d’un banquier d’affaires expérimenté, capable de gérer un fonds souverain de 1,5 milliard de dollars. De plus, les incohérences dans son CV, notamment son passage chez Nexus Capital Market, une société qui n’existe pas au Luxembourg, et chez Natixis Capital Equity, une entité introuvable en France, soulèvent des questions sur sa crédibilité professionnelle. Ces doutes sur son parcours soulèvent des questions légitimes sur les motivations derrière sa nomination. Est-ce un choix basé sur le mérite, ou une décision politique visant à récompenser un allié du régime ?
Un passé politique trouble
Ancien membre du parti Réagir, Essono Ondo a été exclu pour falsification de documents et usage de faux. Sa nomination à la tête du FGIS est intervenue grâce à François Ndong Obiang, Premier Vice-Président de l’Assemblée Nationale du Gabon, qui a été accusé d’avoir utilisé un faux tampon pour faciliter cette désignation. Cette manœuvre, révélatrice des pratiques opaques qui persistent au sein du régime, soulève des questions sur la légitimité de cette nomination. Essono Ondo a également été un acteur clé de la campagne pour le « oui » au référendum constitutionnel de novembre 2024, soutenant ainsi le régime militaire dirigé par Brice Clotaire Oligui Nguema. Cependant, son passé politique est loin d’être irréprochable.
Exclu du parti Réagir en novembre 2024, tout comme son mentor, François Ndong Obiang, Premier Vice-Président de l’Assemblée Nationale du Gabon pour falsification de documents et usage de faux, ces accusations, confirmées par une décision judiciaire, soulignent un manque d’éthique et de transparence, des qualités pourtant essentielles pour diriger une institution comme le FGIS.
De plus, ses liens avec le clan Bongo, qui l’a soutenu financièrement pendant des années, ajoutent à la controverse. Essono Ondo a été hébergé et soutenu par des membres de la famille Bongo, notamment Félix Bongo et Natacha Bongo, qui l’ont aidé à s’installer en Côte d’Ivoire. Ces relations étroites avec l’ancien régime, combinées à son exclusion récente du parti Réagir, soulèvent des questions sur sa capacité à diriger le FGIS de manière impartiale et transparente.
Le FGIS, une institution en crise
Le FGIS, déjà éclaboussé par des scandales à répétition et les erreurs de gestion, cherche à retrouver sa crédibilité. La nomination d’Essono Ondo, perçue comme un retour aux pratiques opaques, risque de compromettre les promesses de transparence du régime. Les Gabonais, lassés des promesses non tenues, attendent des résultats tangibles.
Depuis sa création en 2012, le FGIS a été éclaboussé par une série de scandales, notamment des détournements de fonds, des investissements douteux et une gestion peu orthodoxe. Sous la direction de Serge Thierry Mickoto, beau-frère d’Ali Bongo, le FGIS a subi une hémorragie de capitaux avec des sorties de fonds de plus de 100 milliards de FCFA dans des projets non rentables, sans jamais rendre de comptes au public. Son successeur, Akim Daouda, proche de Noureddine Bongo, n’a pas fait mieux, laissant derrière lui une institution en crise.
La nomination d’Essono Ondo, malgré les promesses de réforme du CTRI, semble s’inscrire dans la continuité de ces pratiques. Les Gabonais, lassés par des décennies de mauvaise gestion, attendent des résultats tangibles et une transparence totale. Cependant, la nomination d’un profil aussi controversé risque de compromettre les efforts de réforme et de renforcer le scepticisme des citoyens envers le régime.
Un enjeu économique crucial
Avec 1,5 milliard de dollars sous gestion, le FGIS joue un rôle clé dans l’économie gabonaise. Sa gestion impacte des secteurs vitaux comme les infrastructures, la santé et l’éducation. Confier cette institution à un profil aussi discutable pourrait aggraver les défis économiques du pays. Le FGIS joue un rôle important dans le développement économique du Gabon, en investissant dans des projets stratégiques comme les centrales hydroélectriques, les infrastructures de santé et les PME. Cependant, la gestion opaque et les scandales financiers ont entaché sa réputation, réduisant sa capacité à attirer des investissements étrangers.
La nomination d’Essono Ondo, avec son parcours imprécis et ses liens politiques controversés, risque d’aggraver cette situation. Les investisseurs, déjà méfiants, pourraient se détourner davantage du Gabon, fragilisant une économie déjà vulnérable. De plus, les conflits d’intérêts potentiels, liés à sa banque d’affaires Racine Investment Bank, dont il demeure jusqu’à ce jour président, pourraient compromettre la gestion transparente des fonds publics. Les Gabonais, qui attendent des résultats concrets, risquent d’être une fois de plus déçus par une institution censée servir l’intérêt général.
Néanmoins, face à ce décryptage, certains pensent que Persis Lionel Essono Ondo sera jugé sur les résultats, mais cette perspective est trompeuse. Avec un départ déjà entaché de doutes, un CV flou et des antécédents politiques discutables, il y a de fortes chances que cette aventure se termine en eau de boudin, laissant les Gabonais une fois de plus déçus.