DIG/ Deux ans et demi après avoir accordé son dernier entretien exclusif à notre média Direct Infos Gabon, l’agent d’affaires Franck Ping en remet une couche sur sa vision actuelle de l’économie nationale et de l’avenir politique du Gabon.

Relations actuelles avec le pouvoir, gestion des fonds Covid, crise à la CNSS, élection présidentielle de 2023, défection des soutiens de son père Jean Ping, position de Nourredin Bongo Valentin, ouvrage de Christian Kerangall…L’homme d’affaires n’élude aucune question tout en restant droit dans ses bottes.

Entretien (1ère partie)

Direct Infos :  Déjà 6 ans d’exil forcé…Comment se porte aujourd’hui Frank Ping ? Mais surtout que devient-il ?

Franck Ping : Par la grâce de Dieu, je me porte merveilleusement bien ! Cette année a scellé mes 50 ans d’existence sur Terre, dont six ans d’exil en terre ivoirienne.  Le Gabon, mon pays me manque plus que tout, et ici, je n’ai pas eu le besoin de me réinventer, et en aucun cas eu besoin de me redéfinir.

L’idée de l’exil est à relativiser car je suis chez moi à Abidjan. Que ce soit sur les bords du Komo ou de la lagune Ébrié à Abidjan, ma détermination et ma capacité à créer des opportunités sont les mêmes. Dieu m’a permis de m’adapter à toutes les situations, même les plus alambiquées.

La crise sanitaire que le monde traverse a inexorablement soulignée l’importance du capital santé. Prendre soin de ses proches et de soi-même n’a jamais eu autant d’importance qu’aujourd’hui. Toutes les familles de ce monde ont de près ou de loin été confrontées au décès d’un proche, d’un ami, d’un parent. Nul n’y a échappé.

Direct Infos : Vous aviez pris part dernièrement à Abidjan, au CEO Forum Africa. Aviez-vous un intérêt particulier en tant qu’homme d’affaires ?

Ce forum est une merveilleuse opportunité de mesurer le niveau de santé économique du continent.

Je représente les intérêts de nombreuses entités internationales en activité en Afrique de l’ouest et en Afrique centrale. À cette fin, nous nous devions d’être présents à ce haut lieu ou décideurs politiques et opérateurs économiques de tous les horizons se donnent rendez-vous.

La Côte d’Ivoire est une terre bénie pour les investisseurs du monde entier. Cela est le fruit de 10 années d’une savante gouvernance, tout simplement.  Ce pays doit présentement servir d’exemple en Afrique et ouvrir la voie à tous ceux qui refusent d’entreprendre le train des réformes nécessaires au bien-être des populations.

Direct Infos : La délégation gabonaise était fortement représentée à ces assises. Aviez-vous eu des échanges avec certaines personnalités gabonaises ? De quoi avez-vous parlé ?

Il était intéressant de converser avec certains compatriotes que je côtoyais lorsque je vivais à Libreville. La bienséance m’interdit de les nommer.

Je constate que les 1500 kilomètres qui séparent ces deux capitales permettent d’adoucir les adversités le temps d’un forum. J’ai pris un plaisir certain à échanger à propos de tous les sujets, de l’économie au sport en passant par la cuisine de chez nous. Mon pays me manque éperdument.

Mon assise en Côte d’Ivoire est réelle, néanmoins j’éprouve un plaisir nostalgique dès que j’ai la possibilité de me rappeler du son, des couleurs et des notes de mon pays, même avec des adversaires.

Direct Infos : L’actualité économique au Gabon est très riche actuellement. Et vous aviez souvent eu un regard assez objectif sur certaines questions. Quels commentaires faites-vous de la décision du FMI de finalement décaisser un appui budgétaire en faveur du Gabon malgré la publication du rapport controversé du cabinet Deloitte sur la gestion des fonds Covid ?

Il s’agissait plus d’une menace que d’une suspension. Le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé le 27 juin dernier un décaissement de 96 Milliards de Francs cfa de droits de tirage spéciaux (DTS), et ce consécutivement au rapport fourni par le cabinet Deloitte.

Je tiens à rappeler que ces fonds s’inscrivent dans un programme économique triennal initié depuis le 28 juillet 2021 afin de renforcer l’économie et d’accompagner la croissance gabonaise.

La lecture de ce rapport délivré par le cabinet Deloitte soulève néanmoins quelques incohérences. En effet, ledit cabinet n’a audité que 10% des dépenses réelles effectuées par l’État Gabonais afin de contrer la pandémie. De très nombreux contrats attenants furent attribués sans respecter la procédure de passation de marché. Le Gabon étant englué dans le clientélisme et la plus vile forme de corruption, il ne pouvait en être autrement de la gestion de ces fonds.

Notre pays n’a tout d’abord jamais su favorablement convertir l’usufruit de l’exploitation et l’exportation des hydrocarbures. Je n’en attendais donc pas moins des autorités sur la gestion de ce cette manne remise sans outil de contrôle strict.

Direct Infos : La CNSS est en situation de quasi-faillite. Une administration provisoire a été mise en place pour redresser les comptes de l’organisme. Qui, selon vous, porte la responsabilité de cette situation dramatique ? En tant que manager avisé, quel plan de sauvetage, auriez-vous suggérer afin d’éviter la banqueroute ?

Ce naufrage ne concerne pas exclusivement la CNSS. La CNAMGS est également en situation de péril économique avancé. Les deux piliers les plus importants de notre système de sécurité sociale sont en passe de s’effondrer conséquemment à des années de gabegie et de tergiversations administratives.

L’État est bien évidemment le premier responsable du drame qui se compose. Lorsqu’un État est debout, lorsqu’un État est fonctionnel, lorsqu’il est structuré et valide, ce genre d’anomalies nauséeuses ne peuvent se produire. Le Gabon n’est pas un pays en ruine, ou un État totalement failli tout de même. Notre dette publique est certes abyssale, 75% du Pib, mais rien ne peut justifier que des femmes et des hommes qui ont cotisé toute leur carrière se voient privés de ce que l’État leur doit.

Ils ont décidé de voler la voix du peuple en 2016 pour en 2022 signifier leur incapacité de préserver les fondations de L’État social Gabonais.

Le peuple ne doit plus pâtir de ces criardes incompétences à diriger.  Représenter les intérêts des Gabonais, c’est un honneur, et à des postes aussi clés que la direction de la CNSS, il faut se montrer précis et se doter d’éléments de contrôle infaillibles. L’institution accuse à ce jour un déficit de 28 Milliards de Francs cfa. Personne n’a vu cela venir ?

De manière impérative, les mots doivent donner le relais à des actes, et la volonté politique doit laisser place à des mesures rapides. Il est grand temps que nous apprenions de tout ce que l’histoire souhaiterait que nous retenions. N’attendons pas que les coques des navires qui guident et portent la Nation gabonaise soient percées avant de songer à les panser. Nos dirigeants doivent se secouer, se réveiller et s’aligner aux conditions de vie réelle des citoyens.

Direct Infos : L’un des hommes d’affaires les plus influents du Gabon, Christian Kerangall, a commis un ouvrage testamentaire dont une large partie évoque la vie politique et économique du Gabon sous l’ère Bongo père et fils. L’une de ses conclusions est sans équivoque : A l’allure où vont les choses, l’émergence du Gabon n’est qu’une chimère. Connaissez-vous personnellement Mr Kerangall et que pensez-vous de son analyse ?

Selon moi, le niveau d’émergence d’une Nation se mesure dans les profondeurs de la couche sociale.

Il se mesure dans la casserole de la ménagère, dans l’estomac des étudiants et des retraités, dans les assiettes de la population. En me référant uniquement à la conclusion que vous avez souligné, je n’évoquerai aucun des indicateurs relatifs à l’activité économique gabonaise. Nul besoin ! Allons à l’essentiel, regardons les gabonais, leurs vies.

Selon la banque Mondiale, un Gabonais sur trois vivait dans la pauvreté et environ un Gabonais sur dix souffrait d’extrême pauvreté.

D’après l’Enquête pour l’Évaluation et le Suivi de la Pauvreté (EGEP) de 2017, 33,4 % de la population gabonaise vit en dessous du seuil national de pauvreté établi selon la méthode du coût des besoins essentiels, qui est fixé à 840 400 FCFA par habitant par an. Il faut savoir que 8,2 % des Gabonais vivent dans l’extrême pauvreté et n’ont pas les moyens d’acquérir les denrées alimentaires de base pour couvrir leurs besoins nutritionnels minimaux de 2 100 kilocalories (kcal) par personne et par jour.

Il est strictement interdit de parler d’émergence lorsque plus de 30 % de la population d’un pays vit dans la pauvreté. Cela n’a de sens !

La notion « d’émergence » devrait être labellisé et interdit d’usage à tous ceux qui comme au Gabon dirigent un pays sans schéma réel, sans conviction et donc sans résultats.

Je ne connais pas Monsieur Kerangall, et je n’ai pas attendu la parution de cet ouvrage afin de clamer que l’émergence du Gabon était un leurre. Nous crions cela depuis plus de 8 ans.

Il suffit à chacun de prendre connaissance des statistiques évolutives établies par la Banque Mondiale.

Entretien réalisé par la rédaction de Direct Infos Gabon

 

 

 



Avec Direct Infos Gabon

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