Entretien exclusif de S. Exc. Monsieur Ibrahim ALBALAWI, Ambassadeur, Délégué Permanent du Royaume d’Arabie Saoudite auprès de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), depuis le 22 mai 2017, date de présentation de ses lettres de créance à Mme Irina Bokova, ancienne Directrice générale de l’UNESCO. De sa prise de fonction à ce jour, Monsieur l’Ambassadeur ne cesse œuvrer au rayonnement de l’Unesco et de son pays l’Arabie Saoudite au sein de la vénérable institution.
Qui est S. Exc. Monsieur Ibrahim ALBALAWI, Ambassadeur, Délégué Permanent du Royaume d’Arabie Saoudite auprès de l’UNESCO ?
Exc. Monsieur Ibrahim ALBALAWI : Il est difficile de parler de soi. Je suis Professeur et chercheur en sciences du langage, en didactologie des langues et cultures, j’ai enseigné à l’Université Roi Saud à Riyad, Rédacteur en chef de plusieurs revues scientifiques. J’ai occupé le poste de Conseiller culturel auprès de l’Ambassade du Royaume d’Arabie Saoudite à Paris, créé différentes revues de recherches et publié des ouvrages, parallèlement à mes enseignements à l’Université et en tant que Conseiller culturel. Je poursuis cette activité aujourd’hui dans le cadre mes fonctions d’Ambassadeur, Délégué Permanent du Royaume d’Arabie Saoudite auprès de l’UNESCO.
Vous êtes l’Ambassadeur Représentant permanent du Royaume d’Arabie Saoudite à l’UNESCO, quel est le rôle et la coopération entre le Royaume et l’UNESCO à ce jour ?
Exc. Monsieur Ibrahim ALBALAWI : Avant toute chose, je rappelle que l’Arabie Saoudite est membre à part entière de l’UNESCO depuis le 04 novembre 1946, ce n’est pas hier. Le Royaume d’Arabie Saoudite est très présent à l’UNESCO, il renforce son action et son engagement à travers sa Délégation Permanente, ses Fondations et ses Programmes qui ont établi des partenariats avec l’Organisation, notamment en matière de patrimoine, d’éducation et de dialogue entre les cultures pour assurer la paix.
Vous êtes un grand défenseur des langues autochtones, quelle différence faites-vous entre langue et dialecte ?
Exc. Monsieur Ibrahim ALBALAWI : Sur le plan scientifique, toutes les langues se valent en tant qu’elles permettent la communication, expriment des cultures et représentent des identités. Les dialectes peuvent être des langues locales ou des variétés de langue. Les langues et cultures ont beaucoup de points universels et de valeurs communes. Ce sont des trésors et patrimoine de l’humanité qu’il faut préserver et promouvoir pour tisser des passerelles entre les cultures et les identités.
En parlant des langues, on voit bien que l’avènement des nouvelles technologies dans les échanges sont principalement faits en anglais, français, portugais, espagnol, etc. qui dominent, comment envisagez-vous la protection des langues dites autochtones face à cette réalité ?
Exc. Monsieur Ibrahim ALBALAWI : Il est important d’inclure d’une manière ou d’une autre les langues autochtones dans les processus éducatifs de manière à assurer une transition qui permet une bonne intégration des enfants locuteurs des langues autochtones dans le système éducatif afin d’inclure ces populations dans la marche du monde, en améliorant l’accès à l’éducation et en utilisant les technologies et les médias où s’exprime le plurilinguisme.
Il y a des coopérations entres les délégations présentes ici au siège de l’UNESCO à Paris, à ce sujet, pouvez-vous nous éclairer sur les relations que vous entretenez avec les autres groupes dans cette grande maison ?
Exc. Monsieur Ibrahim ALBALAWI : Nous entretenons de très bons rapports avec les Délégations et les Représentations des autres pays au sein de l’UNESCO. C’est le principe même de l’UNESCO en tant qu’organisation des Nations-Unies qui œuvre à construire la Paix, notamment à travers des relations multilatérales. Nous avons notamment intégré le Groupe Afrique de l’UNESCO en 2018 et développé nos échanges avec beaucoup de pays, nous élargissons notre intérêt avec différentes régions du monde à travers le Comité de pilotage de l’Année internationale des langues autochtones 2019.
Vous étiez du 10 au 13 septembre dernier à Madagascar, où vous aviez pris part à la 1ère conférence régionale des ministres africains sur la mise en œuvre en Afrique du Plan d’action de Kazan (PAK). C’est quoi exactement cette initiative de l’UNESCO ?
Exc. Monsieur Ibrahim ALBALAWI : Le Plan de Kazan a été adopté le 15 juillet 2017 par la « sixième conférence internationale des ministres et hauts fonctionnaires responsables de l’éducation physique et du sport de l’UNESCO ». Son but est de permettre l’élaboration de politiques sportives dans le cadre du « Programme de développement durable 2030 » des Nations-Unies par une coopération internationale et nationales multipartite. Le but de l’UNESCO est de favoriser le temps consacré à l’éducation physique et sportive dans l’éducation et en faire un levier de développement durable pour construire des sociétés durables, notamment par l’ODD et en ciblant la jeunesse. L’Afrique est une priorité et le but est de conjuguer le programme 2030 avec l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, identifier les priorités régionales africaines et promouvoir les partenariats et les investissements en faveur de l’éducation physique, de l’activité physique et du sport, et même des jeux sportifs traditionnels qui permettent de transmettre les connaissances autochtones traditionnelles.
La culture de la paix et du développement durable sont au cœur du mandat de l’UNESCO. Comment le Royaume d’Arabie Saoudite dont vous êtes le représentant s’inscrit dans cette vision ?
Exc. Monsieur Ibrahim ALBALAWI : L’Arabie Saoudite s’inscrit tout naturellement dans la culture, la vision de la paix et de la prévention des conflits, notamment par le partenariat que le Programme du Roi Abdullah bin Abdulaziz pour la culture de la paix et du dialogue a établi, il y a quelques années avec l’Organisation. Cette vision n’est pas nouvelle car elle s’inscrit dans le Programme du Roi Abdulaziz pour le dialogue national, qui a vu le jour il a quelques décennies, et la « Vision 2030 du Royaume d’Arabie Saoudite » de Son Altesse Royale, le Prince héritier Mohammed bin Salman bin Abdulaziz Al Saoud, qui est mise en œuvre depuis 2016 et qui vise à développer l’économie et permettre une prospérité économique qui permet la durabilité, la stabilité et la paix, à travers les relations multilatérales de l’Arabie Saoudite. L’UNESCO est l’endroit approprié pour construire la culture de la paix et le dialogue des cultures. C’est l’une des raisons d’ailleurs qui ont motivé notre intégration du Groupe francophone de l’UNESCO, l’un des principes de l’Organisation Internationale de la Francophonie est de promouvoir le dialogue des cultures et la culture du dialogue.
L’Année internationale 2019 touchera bientôt à sa fin, quel bilan en faites-vous ?
Exc. Monsieur Ibrahim ALBALAWI : L’Année internationale des langues autochtones a permis de prendre conscience des différentes problématiques auxquelles il faut répondre. Elle a permis de révéler que la mondialisation exacerbe les identités culturelles et qu’il est nécessaire de travailler par l’éducation pour promouvoir les langues et cultures qui sont menacées. L’Année a permis aussi de révéler les inégalités économiques dans le monde pour des populations qui n’ont pas les moyens d’accéder à la marche économique. Ce qui nécessite d’accentuer le travail de l’inclusion par le développement économique et la mise en œuvre de l’ODD 4 notamment.
L’Année a montré donc des réalités différentes et a permis un certain éclairage, notamment à travers le travail du Comité de l’Année internationale des langues autochtones, mais aussi de différentes conférences qui ont été organisées en Chine, en Russie, et ailleurs. Beaucoup de choses sont accomplies si l’on tient compte du temps qui a été court pour organiser le travail du Comité et mettre en œuvre les évènements à l’UNESCO et ailleurs, à l’échelle nationale, régionale internationale, ce qui montre d’ailleurs l’effort important effectué par l’UNESCO.
Le lancement de cette année, la bonne couverture médiatique et le travail réalisé en commun permettent au moins la mise en lumière et la rencontre des langues et cultures et la nécessité de renforcer l’inclusion. Ce qui est de bonne augure pour réaliser beaucoup de choses et faire converger les efforts pour la suite, à travers des partenariats bilatéraux et multilatéraux. Le Document final des résultats stratégiques de l’organisation de l’Année est un cadre pour travailler dans ce but.
Différentes élections se tiendront bientôt au sein de votre organisation, quelles sont les ambitions de votre délégation dans cette optique ?
Exc. Monsieur Ibrahim ALBALAWI : L’ambition du Royaume d’Arabie Saoudite est d’intégrer le Conseil exécutif lors des élections qui se tiendront lors de la Conférence générale en novembres 2019, pour qu’il puisse mieux contribuer au travail de l’UNESCO avec les pays membres pour la réalisation des missions de l’Organisation. L’Arabie Saoudite s’intéresse notamment à la préservation et la promotion du patrimoine culturel et aux rapports entre les cultures.
Un dernier mot, Monsieur l’Ambassadeur-Représentant Permanent du Royaume d’Arabie Saoudite auprès de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education ?
Exc. Monsieur Ibrahim ALBALAWI : Les risques augmentent dans le monde d’aujourd’hui, à cause des différentes problématiques qui le traversent : les crises impactent les sociétés, provoquent des bouleversements et des changements rapides, augmentent les inégalités et menacent de fragmentation les sociétés et l’humanité. Ce qui rend encore plus nécessaire et urgent le travail de l’UNESCO, notamment à travers l’éducation. Sans l’éducation, une mise en œuvre efficace et transversales des ODD n’est pas possible. Renforcer l’éducation et permettre l’accès à une éducation de qualité, partout dans le monde, est le seul moyen d’y arriver. Ce sont des défis importants mais il est possible d’y parvenir par le travail de l’UNESCO. L’Arabie Saoudite entend remplir son rôle auprès de l’Organisation pour réaliser ses missions.
Propos recueillis par AM-BD
06 novembre 2019
Ci-joint, à titre informatif, le Curriculum Vitae (C.V) du Professeur Ibrahim ALBALAWI, Ambassadeur, Délégué Permanent du Royaume d’Arabie Saoudite auprès (pdf, 526.4 kB)).