Le 15 juillet dernier, Bertrand Zibi Abeghé a provoqué un séisme sur la scène politique gabonaise en annonçant son retrait de la course à la présidentielle du 26 août prochain. Lors d’une conférence de presse, l’opposant a justifié cette décision par un « souci d’unité de l’opposition » derrière un candidat unique. Mais, dans les coulisses, la réalité semble plus complexe.
Un retrait aux airs de coup politique
Lors de sa conférence de presse, Bertrand Zibi Abeghé a annoncé se retirer de la course à la présidentielle pour permettre l’union de l’opposition. Mais, cette version est remise en cause par plusieurs sources. Certains y voient un calcul politique habile, quand d’autres dénoncent une supercherie visant à masquer l’inéligibilité de Zibi.
Au cœur de cette controverse : la véracité du récit présenté par le principal intéressé sur les raisons de son retrait. » J’ai décidé de faire ce sacrifice pour l’alternance démocratique dans notre pays. Je retire ma candidature pour rassembler l’opposition derrière un champion commun« , a déclaré avec emphase Bertrand Zibi lors de cette conférence de presse mouvementée. Des propos accueillis par une salve d’applaudissements et un concert de louanges saluant le « sens du devoir » et l' »abnégation » de l’opposant. Pourtant, en coulisses, plusieurs voix discordantes se font entendre.
Tentative de « mener les gens en bateaux »
Une chose est certaine, « Bertrand Zibi n’a jamais déposé sa candidature auprès du Conseil gabonais des élections. Il ne peut donc pas techniquement se retirer de la course présidentielle« , souligne sous couvert d’anonymat un responsable de l’opposition. Une information corroborée par plusieurs sources, qui jettent un doute sur la véracité de la version présentée par Zibi. D’autant que ce dernier a été condamné en 2016 à une lourde peine d’inéligibilité.
Alors, s’agit-il d’une manipulation visant à masquer cette incapacité juridique à se présenter ? Ou d’un coup politique habile pour peser sur le choix du candidat unique de l’opposition ? Les avis divergent. « Zibi sait pertinemment qu’il ne peut pas être candidat. Mais, cette mise en scène lui permet de négocier quelques strapontins en coulisses auprès du futur challenger d’Ali Bongo », analyse un politologue gabonais qui connait bien la classe politique de ce pays et son fonctionnement. – « Il s’agit avant tout d’une opération de communication pour exister politiquement, malgré son inéligibilité », abonde un homme des médias.
Cette affaire révèle les manipulations dont certains éminents personnages de l’opposition peuvent faire preuve
De leur côté, les partisans de Zibi démentent fermement. « Tout cela n’est que cabale pour discréditer un homme politique gênant. Nous maintenons cette histoire de retrait patriotique », assure un proche conseiller. Cette controverse illustre les tensions au sein de l’opposition gabonaise, alors que s’approche l’échéance capitale du 26 août. Incapables de s’entendre sur un champion unique, les opposants multiplient les coups médiatiques et les contestations spectacles. – « Ces guerres d’ego nuisent à la crédibilité de l’opposition et servent les intérêts du pouvoir », déplore un citoyen.
Selon l’article 10 de la Constitution gabonaise, seuls les citoyens gabonais jouissant de leurs droits civils et politiques sont éligibles à la fonction présidentielle.
Alors que le pays attend avec impatience une réaction concertée de toutes les personnes se présentant comme prêtes à défier le régime, il est flagrant que l’opposition gabonaise souffre d’un manque de cohésion et de franchise profondes. Ce constat est particulièrement criant à la lumière du débat entourant Bertrand Zibi Abeghé, d’autant plus que le processus électoral, déjà en cours, a été altéré suite à la récente modification du code électoral. Cette incapacité à s’unir la rend vulnérable et semble laisser le champ libre au président sortant Ali Bongo, qui brigue un troisième mandat controversé.
Cela ne présage rien de bon !
À moins de six semaines du scrutin, l’opposition gabonaise parait plus divisée que jamais. Au grand dam d’une population échaudée, qui aspire au changement. Parviendra-t-elle à surmonter ses querelles intestines pour proposer un projet rassembleur à même de l’emporter le 26 août prochain ? L’histoire ne manquera pas de nous dire…
Anne Marie DWORACZEK-BENDOME
19/07/2023