Dans un contexte marqué par le changement de régime politique au Gabon en août 2023, la question de la dette publique du pays suscite des préoccupations croissantes. Sous le régime précédent d’Ali Bongo, le Gabon était déjà confronté à un lourd fardeau financier, une réalité qui persiste malgré les efforts de la transition pour restaurer la confiance des bailleurs de fonds.
La dette publique du Gabon
La dette publique, un sujet complexe, reflète la situation dans laquelle les dépenses dépassent les revenus. Cette réalité économique implique souvent des emprunts pour combler les déficits budgétaires, une stratégie similaire à celle d’un individu cherchant à équilibrer ses finances personnelles en recourant à diverses sources de financement.
Malgré les discours rassurants des dirigeants de la transition, la dette publique gabonaise reste un sujet de préoccupation, notamment en ce qui concerne les relations avec la Chine. Les arriérés de paiement et la lenteur des réformes compromettent la crédibilité financière du pays, créant ainsi des tensions dans les négociations avec les partenaires internationaux.
Des assurances peu convaincantes
Le président de la transition avait suscité l’enthousiasme des populations en annonçant que la dette du Gabon avait été payée en seulement quatre mois, mais cette déclaration avait laissé perplexes les observateurs de la sphère économique gabonaise. En réalité, la dette n’a pas été entièrement payée, mais la crédibilité du Gabon auprès des bailleurs de fonds a quelque peu été restaurée.
La dette gabonaise vis-à-vis de la Chine : un fardeau lourd à porter
La dette du Gabon envers la Chine est particulièrement significative, représentant un fardeau financier considérable pour le pays. Avec des remboursements annuels de 120 millions de dollars US et un stock de dette de 800 millions de dollars US, le Gabon se retrouve dans une position délicate vis-à-vis des institutions financières chinoises. Les arriérés de paiement, s’élevant à 140 milliards de FCFA, exacerbent cette situation, plaçant le Gabon parmi les pays « à risques » pour les prêteurs chinois.
Au pied du mur, le gouvernement pourrait se voir contraint de céder aux exigences de Pékin, qui réclame entre autres 1 à 2 cargos de pétrole par an pour éponger progressivement cette ardoise. Toutefois, pour aboutir à un tel accord, il faudrait que l’État gabonais s’acquitte d’au moins 40 % du montant de ses arriérés, soit environ 56 milliards de FCFA, une tâche qui s’annonce ardue dans le contexte actuel.
« Sous la transition dirigée par Brice Clotaire Oligui Nguema : encore et encore des emprunts ! »
Dans un contexte économique incertain, le Gabon envisage de mobiliser 488 milliards FCFA sur le marché des capitaux de la CEMAC en 2024.
Suite à un article paru en mars dernier dans le journal « Agence Ecofin« , les autorités gabonaises, actuellement dirigées par un gouvernement militaire suite au coup d’État du 30 août 2023, ont annocé leur intention de mobiliser un montant considérable de 488 milliards FCFA sur le marché des capitaux de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) au cours de l’année 2024.
Ces opérations d’appels publics à l’épargne, bien que cruciales pour le financement des projets de développement, suscitent des interrogations compte tenu de la situation économique précaire du pays. Le Gabon, déjà fortement endetté, fait face à une augmentation de la pauvreté et du chômage, soulignant les défis auxquels le pays est confronté.
L’emprunt obligataire envisagé, d’un montant de 338 milliards FCFA, voire plus selon certaines sources, soulève des préoccupations quant à la capacité du pays à gérer une dette déjà importante. Les détails précis de cette initiative sont scrutés avec attention par les investisseurs et les analystes financiers, dans un contexte où la transparence et la stabilité économique sont essentielles pour rassurer les acteurs du marché.
Prudence
Parmi ces opérations, un emprunt de 150 milliards FCFA est déjà programmé, adoptant une approche qui combine la levée de fonds en espèces avec une titrisation des créances existantes. Cette stratégie, bien que visant à améliorer la liquidité et la gestion de la dette, est examinée avec prudence compte tenu des circonstances économiques délicates.
Si le deuxième emprunt se concrétise, il représentera une part significative des fonds levés par le Gabon au sein de la CEMAC en une seule année, soit près de 45 % de tous les emprunts obligataires du pays entre 2007 et 2023. Cette démarche souligne les défis et les compromis auxquels le Gabon est confronté dans sa quête de développement économique, dans un contexte politique et financier incertain.
Par Anne-Marie DWORACZEK-Bendome
14 mai 2024