La crise à Comilog dévoile la face sombre de l’exploitation minière au Gabon. Derrière les chiffres mirobolants se cache une réalité brutale : celle d’un néocolonialisme économique qui étouffe le pays et bafoue ses travailleurs.
Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME | 22 septembre 2024
La crise qui ébranle la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog) à Moanda n’est que la partie émergée d’un iceberg d’injustices et d’exploitation néocoloniale. Alors que Christel Bories, PDG d’Eramet, se permet d’interférer ouvertement dans les affaires internes du Gabon en soutenant Léod Paul Batolo, le directeur général contesté de Comilog, les populations locales et les syndicats crient leur désespoir face à une gestion opaque et un mépris flagrant de leurs droits les plus élémentaires.
L’impérialisme économique s’exprime avec une arrogance sidérante dans le bassin minier gabonais.
L’intervention récente de Christel Bories en faveur de Léod Paul Batolo est une gifle à la souveraineté gabonaise. Cette manœuvre grossière ne fait que mettre en lumière le véritable visage d’Eramet : celui d’une multinationale prête à tout pour maintenir sa mainmise sur les richesses du sol gabonais, quitte à piétiner la dignité d’un peuple entier.
Le leitmotiv de la « performance économique » ressassé ad nauseam par la direction d’Eramet masque une réalité sordide. Derrière les chiffres mirobolants de production — passée de 4,1 millions de tonnes en 2018 à 7,4 millions de tonnes en 2023 – se cache une exploitation effrénée et irresponsable. Cette course effrénée au profit se fait sur le dos de l’environnement, sacrifié sur l’autel de la rentabilité, et des populations locales, réduites à l’état de main-d’œuvre corvéable à merci.
Comilog/Eramet : intervention de Mme Christel Bories
La rhétorique paternaliste et condescendante de Mme Bories, vantant une augmentation de 20 % des salaires et un investissement annuel de six milliards de FCFA dans la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), sonne comme une insulte face à la misère ambiante. La réalité crue sur le terrain est un camouflet à ces discours lénifiants : Moanda, censée être le joyau de l’exploitation du manganèse, croupit dans une pauvreté endémique, un chômage massif et un sous-développement chronique qui font honte au 21ᵉ siècle.
Le projet de relogement de Lékolo est l’incarnation parfaite de cette supercherie sociale orchestrée par Comilog. Si l’entreprise se gargarise d’avoir investi 19 milliards de FCFA dans cette cité soi-disant « moderne », la réalité est tout autre. Les habitants, traités comme du bétail à parquer, se retrouvent entassés dans des logements mal conçus et parfois dépourvus des services les plus basiques comme l’eau et l’électricité. Cette situation kafkaïenne est la preuve flagrante du mépris avec lequel sont traitées les populations locales, considérées comme quantité négligeable dans l’équation du profit maximal.
La gestion du fonds RSE de Comilog
Véritable boîte noire financière, le fonds de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) de Comilog s’apparente à un instrument de clientélisme éhonté. Les accusations de favoritisme ethnique et de discrimination dans l’attribution des postes et des promotions au sein de Comilog ne font qu’attiser un ressentiment déjà brûlant. Cette politique « du diviser pour mieux régner » est un héritage toxique de l’ère coloniale que Comilog perpétue sans vergogne.
Face à cette situation accablante, l’attitude de déni et d’arrogance de Léod Paul Batolo est révoltante. Il refuse obstinément d’écouter les revendications légitimes des syndicats. Il qualifie toute forme de contestation de « désordre ». Cela reflète une gouvernance autocratique et rétrograde, rappelant les heures les plus sombres du colonialisme et de ses exécutants locaux.
Et le CTRI dans tout ça !
Le régime tant décrié par tous les gabonais est tombé le 30 aout 2023. L’espérance suscitée par cet évènement était à la hauteur du mal fait tant aux populations qu’au pays. Et voilà qu’une année après, l’intervention du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) dans ce conflit social soulève des questions alarmantes quant à l’indépendance réelle du pouvoir politique face aux diktats des intérêts économiques étrangers. La distribution d’une enveloppe de 30 millions de FCFA lors de la visite présidentielle à Moanda, loin d’être un geste d’apaisement, apparaît comme une tentative grossière d’acheter la paix sociale, exacerbant les frustrations et mettant en lumière les fractures béantes au sein de la communauté.
L’esclavage moderne
La crise à Comilog est le symptôme d’un modèle économique postcolonial moribond et moralement en faillite. L’exploitation rapace des ressources naturelles, couplée à une répartition scandaleusement inéquitable des richesses, alimente un cercle vicieux de pauvreté, de tensions sociales et de désespoir.
Il est urgent que les autorités gabonaises, Eramet et Comilog cessent leur jeu dangereux. Un dialogue sincère et transparent avec toutes les parties prenantes est nécessaire. Il faut refonder un contrat social équitable, respectueux de la dignité humaine. Sans cela, un soulèvement populaire, alimenté par des années de frustrations et d’injustices, pourrait devenir une réalité explosive.
DBnews