L’Assemblée constituante gabonaise a conclu ses travaux sur le projet de nouvelle Constitution après dix jours de délibérations, du 12 au 22 septembre. Cette étape, présentée comme charnière dans la transformation politique du pays, soulève néanmoins des questions quant à sa portée réelle et à son impact sur l’avenir démocratique du Gabon.
Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME, le 24 septembre 2024
Un processus constitutionnel sous contrôle
Le pouvoir militaire, dirigé par le général Brice Oligui Nguema, a convoqué cette Assemblée constituante dans un geste présenté comme une ouverture démocratique. Cependant, la composition de cette assemblée de 168 membres, nommés plutôt qu’élus, a suscité des interrogations sur la représentativité et l’indépendance de cet organe.
Le délai imparti de dix jours pour examiner et amender un texte constitutionnel apparaît particulièrement court, surtout dans le contexte d’un pays marqué par plusieurs décennies de gouvernance sous la famille Bongo. Cette contrainte temporelle soulève des doutes quant à la profondeur et à la qualité des réflexions menées sur les futures institutions du pays.
Une participation inattendue
Contre toute attente, les parlementaires ont fait preuve d’un certain activisme durant les débats. Pas moins de 801 amendements ont été proposés aux 194 articles du texte initial, suggérant un niveau d’engagement qui a surpris de nombreux observateurs.
Cette profusion d’amendements pourrait être interprétée de diverses manières. D’un côté, elle pourrait refléter une volonté sincère des parlementaires de contribuer substantiellement à la refonte du cadre constitutionnel. D’un autre côté, certains analystes y voient une façade d’activité destinée à donner une apparence de légitimité au processus, sans nécessairement remettre en question les orientations fondamentales voulues par le pouvoir de transition.
Des débats aux résultats incertains
Le vote final du rapport, avec 157 voix pour, 8 contre et 3 abstentions, témoigne d’un certain pluralisme au sein de l’assemblée. Toutefois, l’impact réel de ces discussions sur le texte final reste à déterminer.
Parmi les points cruciaux abordés figure la limitation des pouvoirs présidentiels, la durée du mandat et les conditions d’éligibilité. Paul Biyoghe Mba, figure de l’ancien parti au pouvoir, le PDG, a notamment exprimé son soutien à la limitation à deux mandats de sept ans pour le président.
Cependant, des voix critiques se sont également fait entendre. Jean Valentin Leyama, député du parti Réagir, a par exemple dénoncé ce qu’il considère comme des « conditions d’éligibilité à la présidence discriminatoires », mettant en lumière les tensions sous-jacentes à ce processus de refondation.
Un avenir constitutionnel en suspens
Le rôle consultatif de l’Assemblée constituante, tel que défini par le décret l’instituant, laisse planer un doute sur l’intégration effective des amendements proposés dans le texte final. Le Conseil des ministres, nommé par le pouvoir de transition, conserve la prérogative de finaliser le contenu du projet qui sera soumis à référendum.
Cette configuration soulève des questions sur la marge de manœuvre réelle accordée à l’Assemblée constituante et sur la nature du texte qui sera finalement proposé au vote populaire.
Perspectives et défis
Le processus de révision constitutionnelle s’inscrit dans un contexte de transition politique complexe au Gabon. Au-delà de l’adoption d’un nouveau texte, de nombreux défis restent à relever, notamment en ce qui concerne l’indépendance de la justice, la lutte contre la corruption et la garantie effective des libertés fondamentales.
Le référendum constitutionnel prévu avant la fin de l’année sera une étape cruciale. Son résultat et, plus important encore, la mise en œuvre effective de la nouvelle Constitution, si elle est adoptée, seront des indicateurs clés de l’évolution politique du pays.
Il est important de souligner que l’adoption d’une nouvelle Constitution ne représente qu’une étape dans un processus plus large de réforme institutionnelle. Son application effective dépendra de nombreux facteurs, incluant la volonté politique des dirigeants, l’engagement de la société civile et la vigilance de la communauté internationale.
La situation politique au Gabon continue d’évoluer, et il sera nécessaire de suivre attentivement les développements futurs pour évaluer si cette transition aboutira à une véritable refondation démocratique ou si elle ne fera que perpétuer, sous de nouveaux atours, les pratiques du passé.