Le 22 février 2025, sur la chaîne en ligne « ODZAMGA.TV », dans l’émission « « FACE À FACE », le journaliste Rony Placide Assoumou Obame a livré une analyse sans concession sur les artistes gabonais, dénonçant leur préférence pour l’argent plutôt que pour l’engagement. Un mercantilisme qui interroge leur place et leur influence dans la société.
Culture et Politique| Par Anne Marie DWORACZEK-BENDOME | 24 février 2025
Conviction
Dans un contexte où l’art et la politique s’entremêlent souvent, les artistes gabonais semblent naviguer à contre-courant de leurs pairs africains. Contrairement aux figures emblématiques de la République Démocratique du Congo (RDC), où des artistes comme Tiken Jah Fakoly ou Alpha Blondy utilisent leur notoriété pour défendre des causes sociales et politiques, les créateurs gabonais apparaissent davantage préoccupés par leur enrichissement personnel. Rony Placide Assoumou Obame, journaliste culturel gabonais, résume crûment cette réalité : « Les artistes gabonais ne se mettent pas derrière un leader politique parce qu’ils soutiennent son idéologie. Ils le font parce qu’ils savent qu’ils vont en tirer un avantage financier. » Cette absence de conviction idéologique contraste vivement avec l’engagement fervent des artistes congolais, qui, malgré les risques, n’hésitent pas à dénoncer les injustices et à mobiliser leurs communautés. Au Gabon, l’art semble réduit à une simple transaction commerciale, où les chansons et les performances sont monnayées au plus offrant, sans considération pour les valeurs ou les causes défendues.
Cette tendance mercantile n’est pas sans conséquences. Elle contribue à affaiblir le rôle de l’artiste en tant que vecteur de changement social. Alors que les Congolais utilisent leur art pour éveiller les consciences et galvaniser les masses, les Gabonais, eux, se contentent de suivre l’argent, se privant ainsi d’une opportunité unique d’influencer positivement leur société. Cette divergence soulève une question fondamentale : les artistes gabonais ont-ils renoncé à leur mission de porte-parole du peuple ?
Engagement
Pourtant, cette situation n’est pas une fatalité. Historiquement, le Gabon a connu des artistes engagés, prêts à défendre leurs convictions au péril de leur carrière, voire de leur liberté. Des figures comme Hilarion Nguema ou Pierre Claver Zeng (1953-2010), Pierre Akendengué, ont marqué leur époque en s’opposant ouvertement au pouvoir en place, payant parfois leur audace de leur exil ou de leur emprisonnement. Aujourd’hui, cependant, ces modèles semblent avoir disparu, laissant place à une génération d’artistes plus soucieux de leur portefeuille que de leur héritage culturel. Rony Placide Assoumou Obame le déplore amèrement : « L’artiste gabonais ne raisonne pas. Il va là où l’argent est le plus important, peu importe les idéologies en jeu. »
Cette mutation n’est pas sans lien avec le contexte politique gabonais, où les dirigeants ont souvent instrumentalisé les artistes pour légitimer leur pouvoir. En échange de quelques billets ou de faveurs, ces derniers ont accepté de se mettre au service du régime, abandonnant toute prétention à l’indépendance artistique. Cette collusion entre art et pouvoir a fini par corroder la crédibilité des artistes, réduits au statut de mercenaires culturels. Pire encore, elle a contribué à instaurer un climat de défiance entre les artistes et leur public, qui ne voit plus en eux que des opportunistes, prêts à vendre leur âme au plus offrant.
Néanmoins, il serait injuste de généraliser cette critique à l’ensemble de la scène artistique gabonaise. Certains créateurs, bien que minoritaires, continuent de résister à cette logique mercantile, cherchant à préserver l’intégrité de leur art. Malheureusement, leur voix peine à se faire entendre dans un environnement où l’argent règne en maître.
Ainsi, des artistes gabonais, autrefois choyés par le président déchu Ali Bongo Ondimba, incarnent aujourd’hui cette hypocrisie flagrante sous la Transition de Brice Clotaire Oligui Nguema. « L’Oiseau Rare » est devenu le symbole de ces figures qui, hier encore, prospéraient sous l’ancien régime et qui, aujourd’hui, se recyclent sans vergogne dans le nouveau système. Leur capacité à naviguer entre les pouvoirs, sans conviction ni loyauté, révèle un opportunisme déconcertant, où l’art se réduit à une simple monnaie d’échange au gré des changements politiques.
Conséquences
Face à ce constat accablant, une question s’impose : comment redonner aux artistes gabonais leur rôle de catalyseurs du changement social ? La réponse réside peut-être dans une prise de conscience collective, tant du côté des artistes que du public. Les premiers doivent retrouver le sens de leur mission, en s’inspirant de leurs pairs africains qui, malgré les difficultés, continuent de se battre pour leurs convictions. Les seconds, quant à eux, doivent cesser de cautionner un système où l’art est réduit à une simple marchandise, en exigeant des créateurs qu’ils assument leur responsabilité sociale.
Rony Placide Assoumou Obame propose une piste intéressante : « Il faut avoir le courage d’aller chercher ceux qui ont fait l’histoire pour qu’ils recommencent à réécrire l’histoire dans une nouvelle période. » En d’autres termes, il est essentiel de renouer avec les valeurs qui ont autrefois guidé les artistes gabonais, en mettant l’accent sur l’engagement et l’intégrité. Cela passe notamment par une meilleure protection des droits d’auteur, qui permettrait aux artistes de vivre décemment de leur art sans avoir à se vendre au plus offrant.
En définitive, l’avenir de la scène artistique gabonaise dépendra de sa capacité à se réinventer, en retrouvant le sens de sa mission originelle. Si les artistes congolais ont su transformer leur art en une arme de lutte et de résistance, leurs homologues gabonais gagneraient à s’en inspirer, afin de ne pas rester à la traîne dans un continent où l’art et la politique sont indissociables. Le temps est venu pour les artistes gabonais de choisir : continuer à suivre l’argent, ou enfin embrasser leur rôle de porte-voix du peuple.
Complices, jamais éveilleurs de consciences : les artistes gabonais face à leur trahison
Depuis le 30 août 2023, les autorités gabonaises affichent une volonté de « restauration des institutions » et de rendre « la dignité au peuple ». Mais derrière ces déclarations ambitieuses se dissimule une réalité bien plus sombre : les artistes gabonais, loin d’incarner ce renouveau, persistent dans des pratiques vénales et déshonorantes héritées de l’ancien régime.
Sous la transition menée par Brice Clotaire Oligui Nguema, ces artistes ont choisi de perpétuer un système où ils se vendent au plus offrant, reniant ainsi leur rôle de porte-voix du peuple. L’engagement artistique, qui devrait être un acte de conviction, voire de résistance, est rabaissé à une simple transaction mercantile, une soumission avilissante aux puissants. Pendant que des artistes à travers le monde, et particulièrement en Afrique, se battent pour des causes justes et inspirent leurs nations, les Gabonais, eux, s’enfoncent dans la médiocrité et la compromission. Leur crédibilité est en lambeaux, leur dignité piétinée. Il est urgent qu’ils se réveillent et retrouvent le chemin de l’intégrité, avant que leur art ne sombre dans l’oubli, méprisé par ceux-là mêmes qu’ils prétendaient représenter.
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