Le 9 janvier 2025, les avocats de Sylvia Bongo Ondimba et de Noureddine Bongo Valentin, dont Me François Zimeray, Me Catalina de la Sota, le Bâtonnier de Paris Pierre-Olivier Sur, et l’avocate gabonaise Me Gisèle Eyue Bekale, ont tenu une conférence de presse sur Zoom. Ils y ont dénoncé les conditions de détention inhumaines de leurs clients, détenus dans les sous-sols de la présidence gabonaise depuis fin août 2023. Tortures, promiscuité, et hygiène déplorable : une situation qui interroge l’état de la justice et des droits de l’homme au Gabon sous le régime de la Transition.
Par Anne Marie DWORACZEK-BENDOME | 16 janvier 2025
Une détention controversée
Le 9 janvier 2025, les avocats de Sylvia Bongo Ondimba et de Noureddine Bongo Valentin, parmi lesquels Me François Zimeray, Me Catalina de la Sota, le Bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, et l’avocate gabonaise, Me Gisèle Eyue Bekale, ont animé une conférence de presse sur Zoom. Cet événement, auquel de nombreux médias avaient été conviés, visait à exposer les conditions carcérales inhumaines subies par leurs clients, révélées lors de leur première rencontre avec eux le 19 décembre 2024.
Depuis le 30 août 2023, Sylvia et Nouredine Bongo sont incarcérés dans des conditions décrites comme inhumaines. Ils sont enfermés dans un sous-sol de la présidence de la République gabonaise, sans lumière naturelle, sans accès à des promenades, et privés de tout contact avec leur famille. Les avocats, qui ont dû attendre 17 mois pour les rencontrer, décrivent une situation alarmante : « Ce sont des êtres humains sortis d’oubliettes », a déclaré François Zimeray.
Les visites sont rares, surveillées par des caméras, et les droits de la défense sont entravés. Les avocats ont également dénoncé une mise en scène grotesque lors de leur arrestation, avec des valises remplies de billets exhibées pour justifier leur incarcération. Cette détention, qui ne semble reposer sur aucune base légale solide, soulève des questions sur l’arbitraire du système judiciaire gabonais.
Tortures et violations des droits humains
Les allégations de torture sont au cœur du dossier. Les avocats ont rapporté que Noureddine Bongo porte des marques de décharges électriques sur son torse, des séquelles qui rappellent, selon eux, « la grammaire universelle de l’oppression et de la torture ». Sylvia Bongo, quant à elle, est décrite comme profondément traumatisée, physiquement et psychologiquement affaiblie.
Ces accusations contredisent les déclarations du procureur de Libreville, qui affirme que les droits de la défense ont été respectés et que les détenus n’ont pas été torturés. Les avocats rejettent ces affirmations, qualifiant le communiqué du procureur de « mensonger » et de « scandaleux ». Ils soulignent que les stigmates de la torture sont encore visibles, malgré les tentatives de les dissimuler avec le temps.
Cette situation met en lumière les dysfonctionnements du système judiciaire gabonais, où les droits fondamentaux des détenus semblent bafoués. Les avocats ont déposé une plainte à Paris pour séquestration arbitraire et actes de torture, espérant une intervention internationale
Une justice sous influence
Le rôle de la justice gabonaise dans cette affaire est vivement critiqué. Les avocats dénoncent un système où les décisions semblent dictées par le nouveau pouvoir en place. Ainsi, même Ali Bongo Ondimba, président déchu, bien que non inculpé, est privé de sa liberté et confiné dans sa résidence sans accès à un téléphone ou à des visites régulières.
Les avocats ont également pointé du doigt la dépossession des biens de la famille Bongo, transférés à des proches du régime actuel. « L’objectif était clair : organiser la dépossession complète de Sylvia et Noureddine Bongo », a déclaré Catalina de la Sota. Des villas, des comptes bancaires et des terrains auraient été saisis sous la contrainte, sans profiter au peuple gabonais.
Cette instrumentalisation de la justice pour des motifs politiques soulève des interrogations sur l’indépendance des institutions gabonaises et sur la légitimité de la transition en cours.
Une transition démocratique en question
La situation de la famille Bongo reflète les tensions et les contradictions de la transition gabonaise. Alors que le général Oligui Nguema promettait un retour à la démocratie, les méthodes utilisées contre les « Bongo » rappellent les pratiques autoritaires du passé. Les avocats ont souligné que « personne n’est au-dessus des lois, mais tout le monde a droit au respect de sa dignité et de ses droits fondamentaux ».
La communauté internationale, notamment la France, est interpellée. Les avocats espèrent que les enquêtes en cours aboutiront à des sanctions contre les responsables. Puisque la coopération judiciaire entre la France et le Gabon fonctionne correctement jusqu’à maintenant. Les mandats d’arrêt internationaux pourraient lancés pour faire avancer l’enquête.
Cette affaire dépasse le cadre familial et pose des questions fondamentales sur l’État de droit au Gabon. Elle met en exergue les défis d’une transition démocratique qui peine à se concrétiser, tout en rappelant l’importance du respect des droits humains dans tout processus politique.
Droits fondamentaux et impératif d’une justice impartiale
Quel que soit le crime reproché, toute personne privée de liberté a des droits fondamentaux qui doivent être respectés. Ces droits, universellement reconnus, incluent l’accès à un avocat, la présomption d’innocence, des conditions de détention dignes, et l’interdiction absolue de la torture. Ces principes, inscrits dans des textes internationaux comme la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention contre la torture, s’appliquent à tous, sans exception.
Des situations similaires à celle des Bongo ont été observées ailleurs dans le monde. Par exemple, en Égypte, des opposants politiques ont été détenus dans des conditions inhumaines, soumis à des actes de torture, et privés de leurs droits fondamentaux. En Russie, des critiques du régime ont été emprisonnés sur la base d’accusations floues, souvent sans procès équitable. Ces exemples rappellent que la justice, lorsqu’elle est instrumentalisée, devient un outil d’oppression plutôt qu’un garant des libertés.
Au Gabon, cette affaire doit servir de rappel : une justice partiale ou arbitraire peut se retourner contre n’importe qui. Les Gabonais qui jouissent aujourd’hui de leur liberté pourraient, un jour, se retrouver face à cette même justice qui broie aujourd’hui les « Bongo ». C’est pourquoi il est crucial de bâtir une justice impartiale, transparente, et respectueuse des droits de tous, qu’ils soient prévenus, accusés, ou condamnés.
La torture, en particulier, ne peut être admise sous aucun prétexte. Elle est non seulement illégale, mais elle déshumanise à la fois la victime et le bourreau. Si les militaires se sont levés le 30 août 2023 pour chasser les Bongo du pouvoir, ce n’était certainement pas pour reproduire les mêmes méthodes autoritaires et brutales. Une véritable transition démocratique exige une rupture avec les pratiques du passé, y compris celles qui bafouent les droits humains.
En somme, cette affaire est un appel à la vigilance et à la responsabilité. Elle rappelle que la justice doit être un pilier de la démocratie, et non un instrument de répression. Pour le Gabon, c’est l’occasion de construire un système judiciaire qui inspire confiance et respect, garantissant à chacun un traitement équitable, quel que soit son statut ou ses opinions.
Il est également important de rappeler que la justice des vainqueurs n’a jamais amené la paix. Tout au contraire, elle crée des ressentiments et des frustrations qui, si l’on n’y prend pas garde, finissent par tout détruire. Une justice partiale ou vengeresse ne fait qu’envenimer les divisions et compromettre l’avenir. Pour éviter ce piège, le Gabon doit s’engager sur une voie juste, afin de bâtir une société apaisée et durable.