Barro Chambrier, Missambo, Zibi et d'autres responsables de l'opposition lors de leur esclandre dans la cour du Sénat le 13 juillet 2023 © DR
Barro Chambrier, Missambo, Zibi et d'autres responsables de l'opposition lors de leur esclandre dans la cour du Sénat le 13 juillet 2023 © DR

Pour tenter de sortir du lot face à la multitude des candidatures à la présidentielle (près d’une vingtaine dans ses rangs), l’opposition gabonaise a opté pour la « stratégie du trash ». Le meilleur moyen de réveiller une campagne poussive, mais aussi, pour ses principales figures, de se distinguer les uns des autres afin de s’instaurer comme le candidat commun en puissance de l’opposition. Explications.

Barro Chambrier, Missambo, Zibi et d'autres responsables de l'opposition lors de leur esclandre dans la cour du Sénat le 13 juillet 2023 © DR
Barro Chambrier, Missambo, Zibi et d’autres responsables de l’opposition lors de leur esclandre dans la cour du Sénat le 13 juillet 2023 © DR

Dans la loi des séries, il n’y a pas de hasard.

Le 14 juillet dernier, plusieurs responsables de l’opposition réunis au sein de la plateforme Alternance 2023 déboulent dans la cour du Sénat à grand renfort de caméras de télévision et de journalistes. Leur objectif ? Officiellement, manifester leur désapprobation face au vote d’une loi réformant le Code électoral. En réalité, le but d’Alexandre Barro Chambrier, Paulette Missambo, Raymond Ndong Sima, Mike Jocktane Bernard Zibi… est autre. Car cette réforme, c’est eux-mêmes qui l’ont exigé dans un mémorandum signé en mai 2022 ! Non, l’objectif, c’est de « faire le buzz », faire parler de soi. Difficile dans le monde d’aujourd’hui, ultra-médiatisé et où la réalité se perçoit à travers le prisme des réseaux sociaux, de le faire sans des images chocs. D’où le choix de ce qui apparait comme une mise en scène savamment orchestrée. Ajoutez à cela un zeste de dramatisation (« Nous avons été reçus au Sénat, la maison du peuple, comme des malpropres », dit Paulette Missambo ; « J’ai été bousculé, violenté par les gendarmes », assure Mike Jocktane), est le cocktail est parfait. En théorie du moins.

Si l’opposition cherche à faire parler d’elle collectivement, en son sein, chacune de ses figures cherchent à se démarquer, à sortir du lot. Ce dimanche 23 juillet à Franceville, Alexandre Barro Chambrier tient un meeting. Celui-ci a lieu sur une parcelle de la concession appartenant à Marcel Libama, syndicaliste virulent et fervent militant de l’opposition la plus radicale. Quelques minutes avant le début de la réunion, on voit des chaises volées et des personnes s’invectivaient. Les organisateurs assurent que leur meeting a été perturbé par des jeunes militants du PDG. Mais pour certains, cette version est peu crédible. « Ce ne sont pas les méthodes du PDG. Et nous n’avons aucun intérêt à faire ce genre de choses », se défend un responsable local du parti. De fait, l’incident profite en premier lieu à Barro Chambrier lui-même qui s’est d’ailleurs empressé de mettre la vidéo de cette séquence sur sa page Facebook. Ce meeting, s’il s’était bien déroulé, personne n’en aurait parlé. Or, grâce à cet incident, l’opposant fait parler de lui. Il n’est qu’à voir la couverture réservée à cet « événement » par les médias d’opposition. Et il le fait en se victimisant. Mais il y a mieux. De manière subliminale, il envoie le message suivant : « si le pouvoir me vise, c’est qu’il considère que je suis le candidat le plus dangereux au sein de l’opposition. C’est donc moi qui doit être le candidat commun ». À ses amis (et rivaux) désormais au sein de l’opposition d’en tirer les conclusions…

Mais ceux-ci ne s’en laissent pas compter. Eux aussi pensent avoir leurs chances. La preuve, le lendemain, c’est au tour de l’ex-vice-président, Pierre Claver Maganga Moussavou, de tenter de se signaler. Lui aussi non par la brillance de ses idées ou la structuration de son projet, mais par des déclarations tapageuses, outrancières mêmes. Le candidat du PSD à la présidentielle, qui n’a jamais digéré son éviction de la vice-présidence et qui depuis en nourrit une rancune tenace, se met en tête de polémiquer sur la prise d’otages survenue ce weekend à Mandji qui s’est soldée par la mort du forcené, abattu par les gendarmes. « Monsieur le président Ali Bongo, abattre un concitoyen, même armé, surtout que vous avez réussi à le désarmer, l’abattre comme solution finale pour répondre à ses revendications est une lâcheté pour un chef d’État. Ali Bongo, tu ne mérites donc pas d’être président de tous les Gabonais », déclare Pierre-Claver Maganga Moussavou. Surprenant. Pas un mot pour les victimes et leurs familles, ni pour les deux gendarmes blessés durant cette opération. Silence également sur les violences physiques exercées par la victime sur les otages durant deux longues journées… Mais l’objectif de Maganga Moussavou n’est pas de sincèrement s’indigner face à un acte qu’il jugerait révoltant (la mort d’un preneur d’otages), c’est d’instrumentaliser, de politiser cette affaire en convoquant le président de la République pour faire, à son tour, parler de lui. Pari réussi. Alors qu’il était resté jusque-là dans l’ombre de Barro Chambrier, de Missambo et autres, Maganga Moussavou a, grâce à ses déclarations, droit lui aussi à un peu de lumière médiatique.

L’élection présidentielle ayant lieu le 26 août prochain, nul doute que cette série se poursuivra. Mais l’opposition gabonaise ferait bien de se rappeler que le bruit médiatique qu’elle produit, collectivement ou individuellement, ne se traduit pas mécaniquement dans les urnes. Loin s’en faut. C’est sur le terrain, avec des idées, que l’on fait campagne. D’autres l’ont bien compris.

Avec LaLibreville

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