Le 10 décembre, le monde a célébré le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme sur le thème « Dignité, liberté et justice pour tous ». Au-delà de cette commémoration, regard vers l’Afrique francophone, où journalistes et défenseurs des droits humains se battent pour la liberté d’expression, une presse libre et contre la corruption généralisée, l’instabilité politique et la montée de l’extrémisme violent.
L’Afrique francophone est embourbée dans une longue lutte pour la liberté d’expression et la liberté de la presse. Pendant des décennies, les gouvernements, les dictateurs et les régimes oppressifs ont cherché à contrôler les médias et à censurer les informations. Cependant, ces dernières années, les militants des droits de l’homme ont été en première ligne de ce combat, utilisant le pouvoir de leur voix pour demander la transparence et le respect des droits humains dans leurs pays respectifs.
Qu’il s’agisse de campagnes de terrain ou d’actions de sensibilisation au niveau international, ces militants, hommes et femmes, ont contribué à faire prendre conscience de la nécessité de la liberté de la presse en Afrique. Grâce à leurs efforts inlassables, ils ont poussé les gouvernements à ouvrir leurs pays, à permettre l’éclosion d’une presse indépendante. Alors que le combat pour la liberté de la presse est loin d’être terminé, cet article explore le travail inspirant des militants des droits de l’homme en Afrique francophone et les progrès qu’ils ont réalisés pour faire avancer la liberté de la presse et la démocratie.
En Afrique francophone, l’évolution de la liberté de la presse a été un processus long et ardu. Pendant des décennies, les pays d’Afrique francophone ont été en proie à de violents conflits, à l’instabilité politique et à des régimes répressifs qui ont tenté de contrôler le flux d’informations. Un grand nombre de pays du continent sont classés comme non libres ou partiellement libres. En Tunisie, à Djibouti, et dans toute l’Afrique, les journalistes sont harcelés par les gouvernements, emprisonnés et même tués. En 2022, on déplore la mort de deux journalistes : Jean Sinclair Maka Gbossokotto, en Centrafrique, décédé le 23 février 2022 et Orédjé Narcisse, au Tchad, décédé lors de la journée tragique du 20 octobre 2022.
Les défis auxquels sont confrontés les militants des droits de l’homme
Malgré leur dévouement et leur persévérance, les militants des droits de l’homme en Afrique francophone se retrouvent souvent confrontés à des défis de taille. De nombreux gouvernements d’Afrique francophone se sont montrés ouvertement hostiles envers les organisations internationales de défense des droits de l’homme, et ont cherché à étouffer leurs activités. Dans certains cas, les autorités sont allées jusqu’à fermer des ONG locales et à arrêter leurs dirigeants.
Les sociétés africaines francophones sont généralement divisées selon des critères ethniques, religieux, tribaux et socio-économiques, ceux qui sont en haut de l’échelle socio-économique profitant souvent de ceux qui sont en bas. Parmi ceux qui haussent la voix et défendent des causes d’intérêt public, il y a le Gabonais Marc Ona. Ce dernier vient d’ailleurs de recevoir, « le titre de Citoyen d’honneur de la ville de Lyon (France) », en reconnaissance à son engagement en faveur de la démocratie, des droits humains et de la préservation de l’environnement. Il est également un membre très actif du mouvement international « Tournons La Page (TLP) ».
Le militantisme en faveur des droits de l’homme comme force de changement.
La pauvreté et l’injustice sociale font depuis longtemps partie du tissu africain, et de l’Afrique francophone en particulier. Pourtant, face à ces défis apparemment insurmontables, des citoyens ordinaires se sont regroupés pour apporter des changements dans leurs communautés. Si bon nombre de ces initiatives ont commencé par des campagnes locales visant à améliorer les conditions de vie, elles se sont lentement transformées en forces puissantes faisant pression sur les gouvernements pour qu’ils respectent leurs obligations en matière de droits de l’homme. Avec le temps, ces efforts se sont étendus, les militants plaidant désormais aussi pour la liberté de la presse et la fin de la censure qui frappe certains médias.
Aujourd’hui, les militants de la liberté de la presse sont à l’avant-garde de la lutte pour la liberté d’expression. Si leur objectif principal est de garantir aux citoyens un accès sans entrave à l’information, les militants de la liberté d’expression ont également été à la pointe du combat pour la justice sociale. Qu’il s’agisse de lutter contre la censure gouvernementale ou de défendre les médias contre les attaques d’autres parties. Ils ont contribué aussi à garantir que les citoyens soient libres de dire ce qu’ils pensent.
Auteurs clé de la lutte pour la liberté de la presse
Il existe de nombreux acteurs clés dans la lutte pour la liberté de la presse en Afrique francophone. Cependant, trois organisations se distinguent comme des leaders dans l’effort pour faire avancer la liberté d’expression et l’accès à l’information publique dans la région : Reporters sans frontières, Article 19 et l‘échange international de la liberté d’expression.
IFEX : est un réseau international de plus de 130 organisations non gouvernementales qui promeuvent et défendent la liberté d’expression en tant que droit humain fondamental. Les membres de l’IFEX exercent leurs activités dans plus de 90 pays. L’IFEX est un organisme à but non lucratif qui a été à l’avant-garde de la lutte pour la liberté d’expression en Afrique francophone, ses membres prenant souvent fait et cause pour des journalistes et des médias menacés ou censurés.
Reporters sans frontières (RSF) est un organisme international à but non lucratif basé en France. Sa mission : promouvoir la transparence et la liberté de la presse dans le monde. Si RSF est présente en Afrique francophone depuis de nombreuses années, elle a étendu ses opérations dans la région ces dernières années afin de renforcer ses efforts sur le terrain. Le Sénégal, classé 73e sur 180, rapport 2021 sur la liberté de la presse établi par RSF. Le pays détient dans ses geôles depuis le 6 novembre 2022, le journaliste Pape Alé Niang.
Campagnes locales pour la liberté de la presse
Si de nombreux efforts internationaux ont été déployés pour faire progresser la liberté de la presse en Afrique francophone, il y a eu également des campagnes portées uniquement par des acteurs locaux. Parmi les plus importantes, on peut citer :
– La lutte contre l’impunité au Burundi
Le pays était en proie à des troubles politiques en 2015, parce qu’une partie importante de la population refusait la décision du feu président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat. Les autorités ont réprimé les membres de l’opposition et cherché à faire taire les médias. Les militants des droits humains ont été à l’avant-garde de la lutte pour la liberté de la presse dans le pays. Si la plupart des gens n’ont pas pu faire de reportages à l’intérieur du Burundi, quelques journalistes ont réussi à faire sortir clandestinement des articles du pays, souvent au péril de leur vie.
– La lutte contre la censure gouvernementale en RDCongo
Les militants congolais se sont battus contre la censure gouvernementale. ils ont également été à l’avant-garde de la lutte contre l’impunité. Ces dernières années, de nombreux militants se sont efforcés de rendre le gouvernement responsable de ses actes. Et ont fait pression pour l’adoption d’une nouvelle loi qui permettrait de poursuivre les personnes ayant commis des crimes pendant les nombreuses guerres civiles du pays.
– La lutte contre l’extrémisme violent en Guinée
Ces dernières années, la Guinée est devenue un terreau fertile pour les groupes extrémistes, de nombreux citoyens se tournant vers des organisations violentes comme Al-Qaïda au Maghreb islamique et l’État islamique en Irak et en Syrie comme source de revenus et/ou d’identité. Pour contrer la montée de l’extrémisme violent dans le pays, des militants ont cherché à promouvoir la modération et à rejeter le message des groupes violents.
Efforts de plaidoyer internationaux et impact
Malgré tous leurs efforts, les organisations locales ne disposent pas souvent des ressources nécessaires pour faire la différence au niveau international. C’est pour cette raison que beaucoup d’organisations de défense des droits de la personne se sont tournées vers la scène internationale. Ces ONG, qui cherchent à faire avancer leur cause, à attirer l’attention sur leur travail et à trouver des bailleurs de fonds, ont établi des partenariats avec leurs homologues du Nord.
Pour améliorer la transparence et promouvoir l’État de droit en Afrique francophone, plusieurs organisations ont travaillé à la création d’indices qui classent les pays en fonction de leur adhésion aux principales normes en matière de droits de l’homme. L’un de ces indices, est l’indice des droits de l’homme, publié par le Conseil des droits sociaux et humains (Socsol).
Cet indice évalue la situation des droits de l’homme dans les 47 pays membres du Conseil de la Francophonie, et les classe en fonction de leur adhésion à 18 droits, dont le droit à la liberté d’opinion et d’expression. D’autres indices comprennent l’indice de l’état de droit, publié par le World Justice Project, qui classe les pays en fonction de leur adhésion à l’état de droit, et l’indice de perception de la corruption, publié par Transparency International.
La lutte pour les droits de l’homme et la liberté de la presse a été longue, mais tout au long de l’histoire, les militants ont été à l’avant-garde des progrès. Les organisations locales comme les groupes internationaux ont tous joué un rôle important dans l’avancement de ces droits.
En 2018, Socsol a décerné à Reporters sans frontières (RSF) son prix de la liberté de la presse en reconnaissance du travail de RSF à promouvoir la transparence en République Démocratique du Congo.
Anne Marie DWORACZEK-BENDOME
12/12/2022