RDCongo : Pourquoi le prochain scrutin présidentiel semble déjà “joué”



RDCongo : Pourquoi le prochain scrutin présidentiel semble déjà “joué”

RDCongo : Pourquoi le prochain scrutin présidentiel semble déjà “joué”

L’organisation des scrutins annoncés pour le 20 décembre 2023 par la Commission électorale nationale indépendante multiplie les indices en faveur du pouvoir en place à Kinshasa.

Si tu organises les élections, c’est pour les gagner”, nous avait expliqué l’ancien président du Gabon Omar Bongo en 2000. La formule, pour caricaturale qu’elle puisse paraître, n’a pas pris une ride. En République démocratique du Congo, les responsables de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) ont annoncé, ce samedi 26 novembre, la tenue des prochaines élections présidentielles et législatives (nationales, provinciales et communales) pour le 20 décembre 2023.

Un timing hyper serré que le patron de la Ceni, Denis Kadima Kazadi, installé à ce poste à la suite d’un processus très critiqué, se fait fort de tenir pour respecter la Constitution congolaise. Pour la plupart des observateurs internationaux, le calendrier est “matériellement intenable”, comme le martèle un expert qui a “accompagné de nombreux scrutins en Afrique”. Un rapport réalisé pour le PNUD à la fin de l’été dernier ne disait déjà rien d’autre.

Il faut bien comprendre qu’en République démocratique du Congo, il n’y a pas d’état civil et pratiquement aucun suivi entre deux scrutins. À chaque fois, il faut donc enregistrer tous les électeurs, ce qui devrait représenter 50 millions de personnes cette fois. Il faut donc inscrire ces personnes une à une, remplir des fichiers manuellement, même si les équipes utilisent des tablettes informatiques”, poursuit un ancien membre de la Ceni. Pour Denis Kadima, l’enregistrement de ces 50 millions d’électeurs se fera en trois mois. “Impossible”, affirme sans ambage un expert congolais qui insiste sur la nécessité d’aller à la rencontre des électeurs dans des « conditions homériques ». « Sans route, sans infrastructure, c’est impensable” et de rappeler qu’il y a cinq ans, “il avait fallu au moins 20 mois pour enregistrer ces électeurs en pouvant compter sur l’intendance de la Monusco pour transporter les kits d’enregistrement et le personnel de la Ceni, ce qui ne sera plus le cas cette année”.

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Samedi dernier, en présentant son calendrier, Denis Kadima a d’ailleurs insisté sur la nécessité de recourir à une flotte d’avions pour aller à la rencontre des électeurs et sur le coût – imprévu – qu’aura cette mobilisation aérienne pour les caisses de l’État.

On mobilise chez le président

Pour parvenir à ses fins, l’actuelle Ceni a divisé le Congo en trois zones, commandé 30 000 kits d’enregistrement et augmenter substantiellement le nombre des centres d’inscription pour l’enrôlement des électeurs. Près de 5 000 “bureaux” supplémentaires sont annoncés pour les 26 provinces que compte ce pays, soit 22 271 face aux 17 783 centres qui avaient enrôlé 40 millions d’électeurs pour le scrutin de 2018. Une croissance bienvenue mais qui n’est pas sans poser certaines questions au vu de la répartition de ces nouveaux bureaux d’enrôlement. En effet, les provinces du Kasaï (+314 bureaux), du Kasaï central (+443 bureaux) et du Kasaï oriental (+202 bureaux), berceau de la famille Tshisekedi, accueillent à elles trois plus de 20 % des nouveaux bureaux d’enregistrement. Au total, ces trois “provinces présidentielles” disposent désormais de 3 069 centres d’inscription, soit 13,6 % de l’ensemble des centres au niveau national. “Avec un tel maillage, il faut espérer que la Ceni ne passera à côté d’aucun électeur kasaïen”, lance un de nos experts, qui ajoute : “d’autant plus que ces provinces, délaissées sous Kabila et dans lesquelles peu de réalisations concrètes ont abouti depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir, ont tendance à se vider et que nombre de Kasaïens ont trouvé refuge dans l’ancien grand Katanga qui, lui, malgré cette évidente croissance démographique, ne bénéficie que de 586 nouveaux bureaux d’inscription”.

Un constat tout aussi étonnant dans le nord est du pays où seuls 2 nouveaux bureaux ont été prévus au Nord-Kivu, 95 au Sud-Kivu et 69 au Maniema. “On va être prudent et se contenter de dire que ces chiffres sont difficiles à comprendre et à expliquer”, poursuit un de nos experts qui “s’étonne” du fait que “le poids électoral de chaque province n’a pas été pris en compte. Cette augmentation dans les Kasaïs n’est objectivement ni compréhensible, ni justifiable.” D’autres observateurs parlent clairement de “discrimination”.

Cette répartition des nouveaux centres d’enregistrement ne fait qu’accroître le malaise des observateurs face au processus électoral qui se dessine en République démocratique du Congo. “Denis Kadima sait que de lourds soupçons pèsent sur sa désignation à la tête de la Ceni. Ajoutez-y une Cour constitutionnelle, chargée de valider les résultats des scrutins, complètement remaniée par la volonté du président Tshisekedi et vous obtenez de nombreux ingrédients pour un cocktail électoral aussi douteux qu’explosif. Sans parler du fait que tant la Ceni que la Cour constitutionnelle sont désormais entre les mains de Kasaïens. C’est malsain. C’est même dangereux en cas de contestation ou d’explosion de violence, poursuit l’ancien collaborateur de la Ceni avant de conclure : le fait qu’une ethnie tienne autant de clés du pouvoir est éminemment dangereux. En cas de contestation, on sait dans notre région que cela peut vite dégénérer en règlement de compte tribal”.

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Avec La Libre Afrique

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