Les rangs se vident autour de Guy Nzouba-Ndama © DR


Samedi 18 septembre, celui qui fut 19 ans durant président de l’Assemblée nationale avant de passer à l’opposition et brûler ce qu’il avait chéri, a été interpellé à la frontière alors qu’il revenait du Congo-Brazzaville. Dans ses valises, 1,19 milliard de FCFA en cash. Depuis, l’affaire a suscité nombre de réactions. Celles observées au sein de l’opposition gabonaise sont particulièrement intéressantes à décrypter à un an de la présidentielle.

C’est au pied du mur qu’on juge le maçon.

Pour l’opposition gabonaise, l’affaire Nzouba-Ndama fait office de révélateur alors que l’élection présidentielle de 2023, qui aiguise toutes les convoitises, se profile à grands pas.

Pour elle qui se pare de toutes les vertus, prône le respect des règles, la transparence et la vérité, elle aurait pu être l’occasion de mettre en adéquation ses principes – fièrement affichées – avec ses actes – parfois moins glorieux.

L’histoire a en voulu autrement.

Pour l’opposition gabonaise, une partie d’entre elle en tout cas, la révélation de cette affaire a fait l’effet d’un coup de boutoir. Sonnée, son premier réflexe a été de nier. Nier les faits ou, à tout le moins, tenter de les minimiser. C’est ainsi qu’alors que de nombreuses sources, pourtant des plus crédibles, à l’instar des journalistes de L’Union, avançaient dès samedi le chiffre de 1,19 milliard de Fcfa saisis dans les valises du président des Démocrates, des sources familiales affirmaient que la somme en question ne s’élevait qu’à 500 millions de Fcfa. Un chiffre aussitôt repris, argent comptant, par les soutiens de M. Nzouba Ndama et une partie des médias.

Dans un second temps, les partisans de M. Nzouba Ndama ont entrepris de banaliser cette affaire, pourtant loin de l’être à plus d’un titre. Plusieurs figures de l’opposition y sont allées de leurs couplets. Leur axe de défense : il y aurait beaucoup à dire sur certaines pratiques y compris du côté du Parti démocratique gabonais. Comme si la faute de Paul était atténuée par le simple fait que Jacques avait lui aussi fauté.

Pour l’opposition gabonaise, un acte n’est répréhensible que pour tant qu’il n’a pas été commis par l’un des siens

Mais la greffe n’ayant manifestement pas pris autant qu’ils le souhaitaient dans l’opinion, les proches de Guy Nzouba-Ndama ont, dans un troisième temps, tenté de détourner l’attention, de faire un contre-feu. Comment ? En usant de cette vieille ficelle en politique qui consiste, pour reprendre l’expression d’un ancien ministre français de l’Intérieur, à créer « une affaire dans l’affaire ».

Cette séquence a été l’occasion pour les défenseurs du président des Démocrates de faire montre de leurs talents d’imagination. C’est ainsi que se sont succédées, tour à tour, les polémiques sur « la mise en scène humiliante de l’interpellation de M. Nzouba-Ndama », puis sur un possible « complot » (les douaniers ne semblaient-ils pas être au courant du contenu des trois valises… ?), puis encore sur la sempiternelle « politisation de la Justice » (comme si les faits n’étaient pas avérés !), puis sur la qualification juridique de la frontière franchie par M. Nzouba Ndama (s’agissait-il d’une frontière intérieure ou extérieure puisque nous sommes dans l’espace CEMAC ?) ou sur celle des espèces en sa possession (s’agit-il de devise ? De monnaie ? Autre ?) ou encore, dernièrement, sur le prétendu « dessaisissement du tribunal de Franceville au profit de la Cour criminelle spéciale de Libreville ».

Ces débats sur le sexe des anges ont un objectif : tenter de substituer dans l’esprit public à l’essentiel (la faute, pénalement répréhensible, commise par M. Guy Nzouba-Ndama) l’accessoire (ces petites polémiques périphériques). Ce faisant, l’opposition (encore une fois, une partie d’entre elle) s’évertue à jeter le trouble dans l’opinion qu’elle prétend pourtant d’habitude éclairer face « aux mensonges du pouvoir ». Au final, en effet, le coupable ne serait-il pas quelqu’un d’autre que celui qui a commis la faute ? C’est ce qu’en l’espèce, cette opposition veut nous faire croire. Elle qui se pare des vertus de la vérité et de la transparence avait une occasion de s’appliquer à elle-même les principes qu’elle semble réserver à la majorité (qualifiée de « pouvoir »). Elle aurait pu en sortir avec son blason redoré. Il en est, hélas pour elle, allé différemment. Et l’opposition gabonaise (une partie d’entre elle en tout cas) de donner l’impression qu’un acte n’est à ses yeux répréhensibles que pour autant qu’il na pas été commis par l’un des siens.

Guerre interne

Mais l’affaire du « milliard de Guy Nzouba-Ndama » n’a pas été seulement l’occasion de montrer les limites de l’opposition gabonaise, placée face à ses contradictions. Elle a aussi été le lieu d’étaler ses divisions. Si une partie d’entre elle, les Démocrates et quelques personnalités, comme l’ancien premier ministre Raymond Ndong Sima, ont tenté de voler au secours de l’ex-président de l’Assemblée nationale, une autre partie, plus importante, s’est illustrée par son silence assourdissant. Aucune réaction ou presque du côté des partisans de Jean Ping, d’Alexandre Barro-Chambrier ou encore de Paulette Missambo.

Il faut dire que, comme par extraordinaire, ces trois personnalités sont engagées dans une course – le qualificatif de guerre interne aurait été plus indiqué – pour le titre du candidat, sinon unique, à tout le moins principal de l’opposition lors de l’élection présidentielle de 2023. Course à laquelle Guy Nzouba-Ndama entendait bien prendre part jusqu’à ce que, ce samedi 18 septembre à Kabala, son rêve de candidature à l’élection présidentielle de 2023 vienne se fracasser sous les coups de marteau donnés par les douaniers sur les cadenas qui servaient à sceller trois valises au butin faramineux.

Lire à ce sujet en particulier notre autre article : La mise hors-jeu de Guy Nzouba-Ndama, une « bonne mauvaise nouvelle » pour l’opposition



Avec LaLibreville

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