Sulaiman Addonia: la bataille de l’écriture, l’appel du cinéma
Le parcours de l’écrivain érythro-éthiopien se définit entre appel de l’écran, goût des langues et rêve de littérature
L’entrée en littérature
“Quelque chose en moi me disait que je devais me mettre à écrire. Ce fut dur… Je devais en même temps m’améliorer en grammaire anglaise et apprendre à écrire.” Malgré un professeur l’encourageant à opter pour la littérature, Sulaiman Addonia mène des études et un début de carrière fructueux en économie. Il ne sait pas non plus pourquoi l’anglais est devenu l’outil privilégié pour porter ses idées. “Je me suis concentré sur mon objectif et j’y ai mis toute ma passion.”
Une méthode visiblement porteuse de succès puisque l’auteur a été élu membre de la Société royale de Littérature en juillet. “Cela représente beaucoup pour moi, surtout quand on repense à d’où je viens. Particulièrement en Angleterre où l’écriture est l’apanage d’une certaine élite et où tous les auteurs que vous croisez sont des hommes blancs d’un certain âge… Vous vous sentez perdants sur tous les plans parce que vous n’avez pas les mêmes origines, le même langage, le même passé. Implicitement, tout vous dit que vous ne ferez jamais partie du même monde et pourtant, aujourd’hui, je suis l’un des leurs…”
Festival littéraire Asmara-Addis
Entre son nouveau roman, l’organisation du festival littéraire Asmara-Addis et l’écriture de son script, ses journées sont chargées. “Le nom du festival est un hommage à mes parents car mon père était Éthiopien et ma mère Érythréenne, leurs deux pays étaient en guerre. Cela dit beaucoup de la force de leur amour. Je me suis dit qu’il fallait se concentrer sur les forces qui peuvent rassembler les gens.”
Il a imaginé cet événement lorsqu’il était à Londres en 2007. “Je suis arrivé ici et j’avais un peu mis cette idée de côté. Et puis, j’ai été invité dans de nombreux festivals en Europe et j’ai été frappé par le fait qu’ils ne représentaient qu’un pan de la société. Il y a tant de langues parlées à Bruxelles et on n’en mentionne jamais que deux ou trois. Je voulais focaliser l’attention sur toutes ces langues dites minoritaires : espagnol, persan, Lingala, arabe,… Un soir, sur la place Flagey, je voyais tous ces gens parlant des langues différentes, je me suis dit que cela pourrait devenir un festival témoignant de la richesse de Bruxelles. Je ne sais pas pourquoi la Belgique ne met pas plus ces singularités en avant. Je pense qu’il y a un peu, comme à Londres, l’idée que tout le monde doit s’intégrer, mais ces réalités multiples rendent la société plus forte.”
D’édition en édition, le mouvement se renforce grâce au soutien de Bozar et Passa Porta, notamment. Un joli succès avec 60 artistes invités en mai dernier. “Comme dans mon livre, l’idée était de créer une atmosphère intime, un espace où chacun peut parler de ses rêves et d’amour.” La prochaine édition aura sans doute lieu à l’automne 2023.
Karin Tshidimba
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Avec La Libre Afrique