Move with Africa: quelles solutions pour une consommation durable?



Move with Africa: quelles solutions pour une consommation durable?

Move with Africa: quelles solutions pour une consommation durable?

Malgré cette belle journée estivale et les doux rayons de soleil qui réchauffent les visages de ceux qui s’y attardent, l’école de l’ICET à Herseaux n’est pas totalement vide ce mercredi après-midi du 17 novembre 2021. Dans une grande classe vitrée, les élèves et professeur·e·s, sélectionné·e·s en janvier 2021 pour participer à Move with Africa, attendent avec impatience Christopher El Khazen, le responsable de l’ONG VIA Don Bosco, en charge du projet. Le rendez-vous est fixé à 13h, de quoi avoir le temps de déjeuner tranquillement en profitant du silence qui règne dans les couloirs.

C’est la troisième fois que Christopher vient profiter d’une après-midi dans l’école pour donner un atelier d’éducation à la citoyenneté mondiale et solidaire à Herseaux. Aujourd’hui, la thématique principale c’est la mode, et plus précisément, la « Fast Fashion ».

La Fast Fashion ou comment consommer toujours plus

« Pour commencer, tout le monde choisit un de ses habits et me dit le nom du pays où il a été fabriqué ainsi que les matières dont il est composé » indique Christopher à la classe. Tout le monde s’applique à la tâche. « Polyester », « Bangladesh », « Polyamide », « Chine », « Acrylique » et « Cambodge », la liste n’est pas très longue. « Comme vous le voyez, la plupart des vêtements que nous portons, moi y compris, sont fabriqués avec les mêmes matières et dans les mêmes pays » explique Christopher. Il n’y a rien d’étonnant dans tout cela puisqu’on sait que la plupart de nos vêtements sont issus de ce qu’on appelle la « Fast Fashion », terme qui traduit la tendance très répandue dans l’industrie de la mode qui repose sur un renouvellement ultra-rapide des collections de vêtements à des prix très bas et de piètre qualité. « C’est la génération du zapping » s’exclame la professeure Marie-Lise. « Aujourd’hui tout est jetable, on se lasse facilement » continue-t-elle. Loin des réalités que certain·e·s de nos grands-parents ont pu vivre, de nos jours, rares sont ceux d’entre-nous qui disposent d’une seule paire de chaussures en cuir pour l’année entière. Plus que jamais, la mode nous fait croire que l’apparence est primordiale. Des outils comme Instagram, Facebook et Tiktok en sont à la fois les symptômes et les causes. Comme le serpent qui se mord la queue, rares sont les achats qui perdurent dans le temps : désuets après quelques mois, il faut éternellement retourner dans les magasins pour suivre le renouvellement constant des couleurs, formes, matières, motifs et coupes dit·e·s « tendances ». 

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Un mercredi après-midi, assis en cercle au milieu de la classe, les élèves et les professeur·e·s échangent avec Christopher de VIA Don Bosco.

 C’est ce que souligne Audrey Millet, docteure en histoire et chercheure à l’université d’Olso, dans une interview donnée à La Libre Belgique à l’occasion de la sortie de son dernier livre : « Les gens n’ont pas des vies hyper simples, et ce sont les seuls petits bonheurs qui nous tendent la main sur Instagram, voire même sur notre mail, maintenant. Et on est poursuivis, alors, à un moment on craque, même si on est conscientisés ». Les consommateurs sont loin d’être les seuls responsables du mode de vie dans lequel nous vivons. La société et l’industrie du textile manœuvrent intelligemment pour confectionner des idéaux de beauté corporelle et vestimentaire qui influencent nos choix et nous poussent à voir dans la consommation un des seuls moyens de se sentir heureux/se ne serait-ce que pour une soirée. « Le bonheur est devenu l’apparence. Et ce qui se voit, c’est en premier lieu le vêtement – avant que vous n’ouvriez la bouche et que vous montriez que vous êtes intelligent. L’apparence est devenue synonyme de réussite, de succès. Sauf que c’est devenu le seul but » insiste Audrey Millet dans son interview. 

Un cas concret : la chaîne de production d’un t-shirt en coton

Pour prendre de la hauteur et analyser le phénomène au niveau mondial, Christopher s’attarde sur le cas de la production d’un simple t-shirt en coton coloré.  Divisés en petits groupes, les élèves reçoivent des images découpées. Le but est de classer ces images dans l’ordre de production du coton en spécifiant le pays dans lequel a lieu chaque phase. Égrainage, filage, teinture, distribution, Maroc, Chine, Bangladesh : les groupes discutent et constituent leur chaîne de production supposée. Les élèves sont également amenés à mesurer, sur une carte millimétrée, la distance totale effectuée pour confectionner ce t-shirt en coton et le vendre. Pour couronner le tout, il faut ajouter à la chaîne de production 5 images qui illustrent les pesticides et les produits chimiques/solvants utilisés, l’énergie dépensée, les effets nocifs sur la santé, la gestion de l’eau et l’impact sur l’environnement.

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Filage, égrainage, teinture, etc. C’est difficile de classer les papiers distribués par VIA Don Bosco, surtout lorsqu’on que l’on jamais pu observer ce processus de ses propres yeux.

Le résultat final n’est pas glorieux : environ 42.000 kilomètres effectués entre les différents pays pour arriver à vendre un t-shirt en coton (en gardant en tête que le tour du monde représente environ 45.000 kilomètres).

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A l’aide d’une carte du monde échelonnée et d’une règle, Christopher, le responsable ECMS de l’ONG VIA Don Bosco, trace le chemin parcouru pour la fabrication d’un vêtement en coton. Les élèves et leurs professeur·e·s sont appelé·e·s à faire de même.

 Des exemples et des chiffres édifiants mais aussi des pistes de solutions 

Pour mieux comprendre le phénomène quelques chiffres sont parfois nécessaires : selon l’ADEME, 20 % de la pollution des eaux dans le monde serait due aux teintures du secteur textile ce qui fragilise encore plus les écosystèmes aquatiques (voir infographie réalisée sur le sujet ici) . Le coton est la matière végétale la plus utilisée dans le monde. Nous en produisons chaque année 18 millions de tonnes malgré son impact dramatique sur l’environnement. On estime que la conception d’un jean nécessite 75000 litres d’eau, soit l’équivalent de 50 baignoires remplies. L’empreinte carbone du secteur de la mode est estimée à 1,2 milliard de tonnes de C02, soit environ 2 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Pas moins de 70 % des vêtements vendus en France sont fabriqués en Asie du Sud-Est, où la main d’œuvre est exploitée. Au Bangladesh, les ouvrières sont payées 0,32 dollars de l’heure, le plus faible taux horaire du monde. 70% des fibres synthétiques produites dans le monde (polyamide, polyester, acryliques etc) proviennent du pétrole et ces vêtements en matière synthétique relâchent des microfibres plastiques à chaque lavage dans les océans. Donc, chaque année, nous rejetons l’équivalent de plus de 50 milliards de bouteilles en plastique dans nos eaux uniquement à cause de nos machines à laver. La solution d’acheter des vêtements fabriqués avec des matières animales (laine, cuir, soie) pose également problème puisqu’elle suppose de nourrir tous ces animaux et donc de créer une agriculture qui répond à leurs besoins. Ils sont dès lors élevés en masse dans des conditions très souvent déplorables.

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A chaque étape de production, il faut définir les outils nécessaires. Et aucune phase n’échappe soit aux produits chimiques, aux pesticides, aux dépense d’énergie, ou à une dépense d’eau démesurée….

« Bon bah super quoi… » dit une élève dépitée après l’énumération des problèmes abordés. Mais heureusement, après les problèmes viennent aussi les solutions. Car, même si cette problématique mondiale suppose avant tout des prises de décisions politiques drastiques pour tenter de créer un monde durable, en tant que personne et consommateur/trice nous pouvons également jouer un rôle pour casser cette cadence effrénée. Consommer différemment en commençant par acheter moins, en accordant de l’importance à certains labels écologiques et aux matières de nos vêtements, en choisissant de s’habiller majoritairement en seconde main, en réparant nos vêtements abimés, en se renseignant sur les marques qui sont transparentes sur leur processus de fabrication, etc. Sans tomber dans une forme de discours culpabilisateur qui imprègne trop de discours sur l’écologie et qui occulte souvent les différences de classe sociale, une personne aisée pouvant plus facilement s’offrir un pull « made in Portugal » qu’une autre, il est possible de se fixer, chacun·e à notre échelle, des petits défis pour redéfinir les lignes de la consommation et percevoir un avenir plus clément pour les générations futures. Les élèves et leurs professeur·e·s prennent alors le temps de se choisir 3 défis à réaliser durant cette année scolaire. « Manger moins de viande », « fabriquer nos produits d’hygiène nous-même », « garder un cendrier de poche sur soi », « favoriser le vélo et les transports en commun », etc… innombrables sont les petites actions qui peuvent aboutir à un changement global des mentalités.Dans le respect des différences de chacun·e, mais ensemble, l’humain aura peut-être une chance de contrer la tendance.

Et vous quels seraient vos défis ?

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La journée s’achève et le groupe prend le temps d’évaluer la journée de formation et de partager son ressenti. Un beau moment de complicité pour tou·te·s.

Que pensez-vous de cet article?



Avec La Libre Afrique

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