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L’Eglise a-t-elle outrepassé son rôle ?

La Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) vient de jeter un pavé dans la marre. En effet, dans son premier message de l’année, livré le 1er mars 2021, elle s’est montrée critique vis-à-vis du régime en place et a interpellé le président sur la formation du futur gouvernement. «Seuls les hommes et les femmes qui ont fait preuve d’une bonne éthique dans leur passé et qui ont une expérience dans le domaine requis, soucieux du bien-être de la population, méritent d’être cooptés pour gérer les institutions de l’Etat et les entreprises publiques. Le peuple sera frustré de voir revenir au pouvoir ceux qui ont participé au pillage, à l’insécurité, à la violation des droits humains ». Voici la phrase qui fait polémique en République démocratique du Congo (RDC). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on ne saurait donner entièrement tort à ceux qui pensent que l’Eglise semble avoir outrepassé son rôle. Certes, le rôle de vigie qu’elle joue en RDC est salutaire mais de là à vouloir donner l’impression qu’elle souhaite l’exclusion de certains fils du pays de la gestion des affaires publiques, c’est un pas de trop qu’elle aurait pu se garder de franchir. C’est vrai que les tractations en cours doivent aboutir à la formation d’un nouveau gouvernement dans lequel seront certainement représentés des pro-Kabila. Une chose qui pourrait s’apparenter à une forme d’impunité accordée à ces derniers qui ont tourné casaque. Mais si cela peut contribuer à donner les coudées franches au locataire du Palais de marbre, et partant, sortir le pays de l’immobilisme dans lequel il était plongé depuis l’arrivée de Félix Tshisékédi au pouvoir, il n’y pas de quoi en faire un drame.

 

 

Il ne faudrait donc pas rompre un mariage avec le diable le jour et se remarier la nuit avec ses « saints »

 

 

Cela dit, on ne saurait non plus trop titiller les prélats ce d’autant  que leur sortie sonne comme une sorte de mise en garde contre le retour de certains caciques du régime Kabila qui se sont illustrés de la pire des manières. La CENCO est d’autant plus excusable que certains pro-Kabila n’avaient pas hésité à tuer d’innocentes personnes dans des églises, pour dissuader tous ceux qui s’opposaient à son projet de troisième mandat. Et comme  le dit le proverbe, « chat échaudé craint l’eau froide ». Face à ce qui se trame sur les rives du fleuve Congo en termes de marchandages pour la mise sur pied de l’équipe du Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukondé, mieux vaut prévenir que guérir. Car, on le sait, les hommes politiques sont prêts à toutes sortes de compromissions pour défendre leurs intérêts. Cela est d’autant plus vrai que pour accéder à la magistrature suprême, Félix Tshisékédi n’avait pas hésité à dîner, pour ne pas dire à pactiser avec le diable, Joseph Kabila, pour ne pas le nommer. La suite, on la connaît. C’est dire qu’il faut tenir à l’œil le régime de Tshisékédi qui vient de renforcer sa marge de manœuvre en retirant des mains des pro-Kabila, la gestion des institutions-clés de la République. Il ne faudrait donc pas rompre un mariage avec le diable le jour et se remarier la nuit avec ses « saints ». Or, tout porte à croire que les carottes sont cuites pour Kabila, du moins en ce qui concerne son projet de revenir aux affaires à la faveur de la présidentielle de 2023. Reste à souhaiter que la sortie de la CENCO puisse pousser le président Tshisékédi et son Premier ministre à opérer un choix judicieux d’hommes et de femmes résolument engagés au service du peuple et de la nation congolaise.

 

Dabadi ZOUMBARA