A la uneDialogue intérieur

 Il faut savoir raison garder

La Côte d’Ivoire a désormais un Premier ministre par intérim. Il s’appelle Patrick Achi. Il remplace Ahmed Bakayoko en séjour médical en Europe. Quant au ministère de la Défense, il est confié à Téné Birahima Ouattara, par ailleurs, frère cadet du président ivoirien. Ce léger remaniement ministériel intervient, pour ainsi dire, au lendemain des législatives qui, contrairement à la présidentielle d’octobre 2020 qui avait connu des scènes de violences avant et après le scrutin, se sont déroulées sans  couac ni anicroche.  Le caractère inclusif de l’organisation des législatives doit indiscutablement expliquer cet état de fait, malgré les quelques désaccords initiaux qui ne manquent jamais en pareilles circonstances. Mais une question se pose actuellement : les protagonistes se soumettront-ils au verdict des urnes ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que les choses qui avaient si bien commencé, donnaient l’impression d’une réussite quasi parfaite de l’organisation. Cependant, ce calme n’est-il que le « silence d’un fusil chargé » ? Comme cela arrive souvent en Afrique subsaharienne, la proclamation des résultats provisoires ou définitifs constitue le moment le plus sensible dans l’organisation des élections.

 

Tout se passe comme si contester les résultats provisoires, est devenu la stratégie politicienne

 

Il suffit de quelques étincelles pour que des passions se déchaînent. Généralement, c’est l’opposition, en mauvais exemple, qui donne le ton. Pour preuve, en Côte d’Ivoire, alors que la Commission électorale avait à peine entamé la proclamation des résultats provisoires, Niamkey Koffi, porte-parole du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), premier parti d’opposition allié au parti de l’ex-président Laurent Gbagbo, a revendiqué, le 7 mars, la victoire aux élections législatives tenues la veille : « Nous pensons être autour de 128 sièges avec nos alliés », a-t-il affirmé.  Dans ses turpitudes, Niamkey Koffi a mis en garde le gouvernement contre toute tentative frauduleuse qui fausserait la sincérité du scrutin. Mais comment peut-il parler de sincérité du scrutin, avant la proclamation intégrale des résultats par la structure habilitée ? L’organisation de toute élection doit suivre les règles établies. C’est pourquoi il y a dans le comportement de ce responsable d’opposition politique, une forme de mauvaise foi honteuse, hideuse et dangereuse. Il est malséant et dangereux de violer ainsi, l’esprit des textes régissant une campagne électorale. Cette pratique de l’opposition ivoirienne est l’apanage de certains acteurs politiques dans la plupart des pays d’Afrique. Récemment, la même chose a été constatée au Niger, au Mali… En effet, tout se passe comme si contester les résultats provisoires, est devenu la stratégie politicienne par excellence, du côté des partis d’opposition. En vérité, la manœuvre est très dangereuse et peut facilement glisser vers le désastre. Certes, il ne s’agit pas pour nous de donner aux partis au pouvoir, le bon Dieu sans confession ! Loin s’en faut ! Mais si l’on estime que des résultats provisoires sont émaillés de tricheries, de tripatouillages ou de toutes autres formes de manipulations, il y a des voies de recours légales pour se faire entendre.

 

A force de tenter le diable, on finit par réveiller les vieux démons 

 

En Côte d’Ivoire, comme il fallait s’y attendre, la réponse du berger à la bergère, ne s’est pas fait attendre. Car, le numéro deux du Rassemblement des houphouëtistes pour la Démocratie et la paix (RHDP), parti du président Alassane Dramane Ouattara, Adama Bictogo, à travers une brève déclaration, accusait, à son tour, le PDCI d’être dans une logique de mauvais perdant. A-t-on besoin davantage d’ingrédients pour faire basculer un pays dans une contestation tous azimuts, pouvant conduire à une situation incontrôlable ?  Les Ivoiriens doivent savoir raison garder, d’autant que le pays a été pendant longtemps, le théâtre de violences meurtrières ayant provoqué des milliers de morts. Nombreux sont ceux qui se plaisent à dire que la Côte d’Ivoire est un pays qui a tout pour être heureux. Pourquoi ne pas éviter de tout essayer pour le rendre à nouveau malheureux ? Car, à force de tenter le diable, on finit par réveiller les vieux démons ! Nonobstant les accusations du coordonnateur général du PDCI, il se dégage, à première vue, une certaine sincérité du scrutin, à en croire la configuration même des résultats déjà proclamés. Rappelons que le PDCI a formé une alliance avec l’Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS). Une sorte de coalition qui regroupe les partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo actuellement en exil, dont le mouvement, le Front populaire ivoirien (FPI), est de retour dans le jeu électoral, pour la première fois depuis 10 ans. Cette coalition démontre bien sa force à la faveur de ces législatives. Ce qu’Adama Bictogo lui-même semble avoir reconnu, car certains ministres de la mouvance présidentielle ont perdu les élections dans leurs localités respectives. On peut alors s’attendre à ce que l’opposition ait une certaine poigne sur le futur échiquier politique ivoirien. Ce n’est pas rien !  

 

« Le Pays »