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Les différents appels à la désescalade lancés par des organisations de la société civile nigériennes,  la CEN-SAD, la France, la CEDEAO et l’ONU semblent avoir eu un écho favorable chez les protagonistes de la crise post-électorale en cours au Niger, d’autant qu’il règne depuis le milieu de la semaine dernière, un calme relatif à Dosso,  Gaya,  Zinder et surtout Niamey, épicentre de la contestation des résultats du scrutin présidentiel et des violentes manifestations enregistrées. Pour autant, le Niger n’est pas encore totalement sorti du capharnaüm politique tant redouté par tous, puisque que le candidat malheureux, Mahamane Ousmane, continue de dénoncer,  depuis son fief de Zinder, des résultats  qu’il qualifie d’apocryphes,  proclamés par une Commission électorale « fantoche » en faveur de son adversaire sur fond de « misérables combines » orchestrées par le parti au pouvoir. Des piques à son challenger et à l’administration électorale, mais des flèches aussi à certains partenaires du Niger qui, selon les lieutenants de Mahamane Ousmane, ne doivent pas, par leur « sournoise complicité », valider le « hold-up électoral » en cours. Même s’il ne se fait guère d’illusions sur l’issue des réclamations qu’il entend déposer auprès de la Cour constitutionnelle, le camp de l’ancien président du Niger préfère maintenir la pression à coup de déclarations incendiaires et de manifestations sporadiques, dans l’espoir sans doute de jouer un rôle politique important après la crise, bien que son parti et ses alliés soient ultra minoritaires à l’Assemblée nationale.

En tout état de cause, c’est un grand risque qu’il fait courir à son pays déjà malmené à ses trois frontières par AQMI et l’Etat islamique au Nord-Ouest, par Boko Haram au Sud-Est, et par des groupes armés incontrôlés opérant depuis la Libye voisine au Nord. La situation est d’autant plus inquiétante que si cette crise devait durer et se durcir, on ne serait pas à l’abri d’un dénouement violent à court ou à moyen terme, comme en 1999  quand la crise post-électorale déclenchée trois ans plus tôt suite au brigandage électoral du Général Ibrahim Baré Mainassara, a connu son épilogue avec le putsch qui a congédié le régime de ce dernier.

On attendra de voir si tous ont pris la mesure du danger qui guette ce pays

C’est vrai qu’on n’est plus dans le même contexte, mais dans un pays où les tiraillements politiques ont très souvent débouché sur des coups d’Etat, on ne peut rester indifférent à ce qui se passe actuellement dans ce pays frère, surtout avec la vague d’arrestations dans les rangs de l’opposition, que certains estiment être illégales, mais surtout inopportunes. Rappelons que l’ancien chef d’Etat-major de l’armée nigérienne sous Mahamadou Tandja, le Général Moumouni Boureima, est aux mains des gendarmes depuis le 24 février dernier pour avoir été réellement ou supposément à l’origine des troubles dès l’annonce des résultats du second tour donnant Mohamed Bazoum vainqueur à l’issue de la compétition. Un capitaine et un colonel à la retraite, tous réputés être des proches  de l’opposant Hama Amadou, seraient également détenus pour les mêmes raisons.

Quant à Hama lui-même, il serait toujours gardé à la police judiciaire de Niamey pour avoir suscité les manifestations, et surtout tenu des propos véhéments contre le président élu du Niger et ses origines arabes. Si la traque aux opposants devait continuer et si l’on opérait une purge qui ne dit pas son nom au sein de la Grande muette, les ingrédients d’un cocktail explosif seraient réunis au pays du Ténéré, et l’onde de choc de la déflagration pourrait être ressentie jusque dans les pays voisins en raison de la fragilité de la situation sécuritaire dans cette partie du Sahel. C’est sans doute pour éviter le pire que les autorités toujours en place, par la voix du Premier ministre Brigi Rafini, ont promis aux diplomates et représentants des organisations internationales au Niger, que les violons seront accordés entre pouvoir et opposition pour « un Niger uni et sans fractures ». On attendra de voir si tous ont pris la mesure du danger qui guette ce pays qui est pourtant sur le point de marquer l’histoire en ouvrant sous de très bons auspices, une nouvelle ère démocratique avec ce passage à témoin inédit entre un président civil sortant et un autre civil élu au suffrage universel. Les principales centrales syndicales réunies au sein de l’Intersyndicale des travailleurs du Niger (ITN) ont demandé, pour ne pas dire supplié, le président Mahamadou   Issoufou d’y mettre du sien afin que le Niger ne rate pas ce rendez-vous avec l’histoire, « au nom de l’intérêt supérieur de la Nation ».

 

Hamadou GADIAGA