Afrique: la France cherche à sortir du bourbier sahélien



Afrique: la France cherche à sortir du bourbier sahélien

Afrique: la France cherche à sortir du bourbier sahélien

 

Par Marie-France Cros.

 

La France va « très probablement » réduire les effectifs de sa forte antidjihadiste Barkhane au Sahel, a indiqué la ministre française des Armées, Florence Parly, au Parisien, dans un entretien paru lundi. La décision sera prise lors du prochain sommet France/G5 Sahel (cinq pays du Sahel affectés par la menace djihadiste: Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) en février prochain à N’djamena, a-t-elle indiqué.

En réalité, il y a des mois que ce désir est évoqué à Paris, alors que la France cherche à sortir du bourbier sahélien.

 

Hasard du calendrier? Un débat sera organisé au sénat français sur la guerre au Sahel, à la demande de la Commission des Affaires étrangères et de la défense, en février également. Mme Parly a rappelé les « succès militaires importants » remportés par l’armée française contre les djihadistes, mais ceux-ci n’effacent pas le principal: présents en force depuis 2013, les militaires français ne réussissent pas à empêcher les djihadistes de gagner du terrain.

 

Une décision de Sarkozy et Cameron

 

Tout a commencé avec les printemps arabes, en 2011. La Libye connaît le sien aussi, mais Kadhafi résiste aux pressions populaires et réplique par la force. La France de Nicolas Sarkozy et la Grande-Bretagne de David Cameron décident une intervention militaire contre le dictateur libyen, qui aboutit à la mort de ce dernier mais aussi à ouvrir une guerre civile dans l’ex-colonie italienne et à disperser ses arsenaux militaires entre divers groupes armés sahéliens. Autonomistes touaregs et djihadistes en profitent pour attaquer le maillon faible du Sahel, le Mali, dont la moitié nord est conquise en deux temps trois mouvement au début 2012. En janvier 2013, l’armée française met fin avec succès à l’occupation djihadiste du Nord-Mali, sur ordre de François Hollande. L’année suivante, cette opération Serval devient une force permanente, Barkhane.

 

Or, les mois et les années passant, les djihadistes qui avaient fui devant Serval reviennent petit à petit au Nord-Mali, après s’être renforcés dans les pays voisins. Comme l’Etat malien est trop faible et trop sudiste pour s’occuper du Nord-Mali, les populations de cette immense région largement abandonnée par Bamako se tournent de plus en plus vers les djihadistes pour assurer un ordre, à défaut de l’Etat de droit. Les ethnies qui pâtissent particulièrement de la répression développée par l’armée malienne – comme les Peuls – se tournent massivement vers la lutte armée, au nom de l’islam.

 

On les arrête, ils les libèrent

 

Dans l’état-major de l’armée française, depuis plusieurs années, on reconnaît que le conflit est largement politique et ne peut donc être résolu par des opérations militaires. Paris a donc essayé depuis 2017 de lancer une force régionale contre les djihadistes, le G5 Sahel, sans guère de succès jusqu’ici en raison de la médiocrité des armées locales qui doivent former cette force, à part l’armée tchadienne, et de l’ambiguité de leurs gouvernements, peu désireux de renforcer une institution qui pourrait prendre le pouvoir – comme elle l’a fait au Mali en août dernier.

 

En outre, pour se rendre populaires, les militaires au pouvoir à Bamako ont négocié avec les djihadistes la libération, en octobre, de quatre otages – deux Italiens, une Française et le chef de l’opposition malienne, Soumaïla Cissé, qui vient de décéder du Covid-19 – contre 200 djihadistes ou présumés tels incarcérés dans les prisons maliennes. Au moins 29 des détenus libérés avaient été arrêtés, souvent au risque de leur vie, par les militaires français, qui n’ont pas caché leur amertume. Plus généralement, Paris est opposé à des négociations avec les djihadistes, au contraire de Bamako et de l’Union africaine. Une différence de plus en plus difficile à assumer.

 

Alliés au compte-gouttes

 

Devant l’inanité de ses efforts pour que les armées sahéliennes défendent elles-même le Sahel contre les djihadistes, Paris se tourne plus décidement vers un autre volet de ses tentatives de partager le fardeau sahélien: convaincre les Européens de fournir des troupes intervenant aux côtés de Barkhane. Jusqu’ici, ce plan a rencontré peu de succès, notamment, a-t-on indiqué à La Libre Afrique.be, parce que la France prend ses décisions sans ses alliés.

 

Cette force européenne, baptisée « Takuba » (épée en tamachek, la langue des Touaregs – ce qui n’est peut-être pas un choix judicieux dans un Nord-Mali où se multiplient les conflits ethniques) depuis début 2020, ne devrait compter que 500 hommes mais ils tardent à arriver.Takuba ne compte pour l’heure que quelques dizaines d’Estoniens à Gao (Nord-Mali). Le parlement tchèque a autorisé fin octobre l’envoi de 60 de ses militaires, toujours attendus au Mali. Quelques dizaines de commandos parachutistes grecs devraient être envoyés au Sahel à partir de mai 2021, indiquait Le Canard Enchaîné du 2 décembre, en remerciement pour l’appui de Paris à Athènes contre les menées turques en Méditerranée orientale. Enfin, 150 Suédois sont annoncés pour 2021.

 

Ces arrivées, si elles se confirmaient, pourraient permettre à Paris de retirer une partie des 5100 hommes de Barkhane, dont le député Thomas Gassiloud (majorité présidentielle) notait en novembre le « coût financier important pour la nation ». On déplore en outre de 50 à 60 soldats français tués et dix fois plus de blessés.

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Avec La Libre Afrique

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